lundi 24 juin 2013
Ou quand le "talent, (...) l’érudition et (...) la finesse bibliophilique" se comptent en millions d'euros ... Première partie de la Bibliothèque Raoul Simonson - Albert et Monique Kies. (19 juin 2013, Sotheby's)
Commençons par un petit texte d'introduction :
Les acheteurs au rendez-vous pour les livres et manuscrits anciens chez Sotheby’s
Paris, le 20 juin 2013, Art Media Agency (AMA).
La première partie de la vente de la bibliothèque Raoul Simonson & Monique et Albert Kies a permis à Sotheby’s de réaliser un chiffre d’affaires de 4 millions € contre une estimation de 1.4 à 2 millions €, soit 93% des lots vendus et 99.4% en valeur. Parmi les lots les plus importants, un manuscrit de deux poèmes de Charles Baudelaire, Les Deux Crépuscules. Le Matin / Le Soir, 1853-1854, publiés dans Les Fleurs du Mal en 1857, réalisait la plus haute enchère à 613.500 €, dépassant l’estimation située entre 150.000 et 250.000 €. Autre lot important, un ensemble de 56 poèmes autographes signés de Verlaine, intitulé Varia, le dernier recueil autographe laissé inachevé à sa mort, vendu 385.500 €, au-dessus de l’estimation haute de 300.000 €. Enfin, parmi les différents ouvrages de Victor Hugo proposés, Les Contemplations, 1856, enrichies d’un envoi de quatorze photographies originales en tirages d’époque de la famille Hugo et de 47 lettres autographes du poète à son ami Noël Parfait, a largement dépassé l’estimation établit entre 60.000 et 80.000 € pour atteindre 289.500 €. Selon Pascal de Sadeleer, expert de la vente : « Le succès remporté ce soir confirme la place primordiale de la France sur le marché international des livres. C’est un immense hommage au talent, à l’érudition et à la finesse bibliophilique de Raoul Simonson et de Monique et Albert Kies. » (source : http://www.artmediaagency.com/74094/les-acheteurs-au-rendez-vous-pour-les-livres-et-manuscrits-anciens-chez-sothebys/)
Ceci étant dit, voici les livres adjugés à 100.000 euros et plus. Soit 7 ouvrages sur 343 (soit 2 % des livres proposés). Dans le monde dans lequel nous vivons cela donne une bonne idée des livres bancables je pense. Le n°289 vendu un peu plus de 900 euros se retrouve dans le palmarès suite à un bug de l'outil Sotheby's. A vous de vous faire votre propre idée.
Les livres adjugés en dessous de 10.000 euros représentent la grande majorité. Je vous laisse aussi vous faire votre propre idée.
Avec 4 millions d'euros de produits vendus, dont 1,6 millions pour les seuls 7 numéros les plus chers, cette bibliothèque fait partie des plus belles vendues ces dernières années. Attendons la suite en décembre !
Un petit mot sur le possesseur de cette belle bibliothèque (source Sotheby's) :
Raoul Simonson (1896-1965), éminente figure de la librairie belge du XXe siècle, sera à l’honneur le 19 juin lorsque sera vendue la première partie de sa bibliothèque personnelle. Éditeur et bibliographe (de Gide et de Valéry), il éleva le niveau de la bibliophilie à un degré d’exigence rarement atteint, que l’on appela dès lors l’« état belge ». Il fut l’ami et le libraire de Charles Hayoit, et leurs bibliothèques s’en ressentent. Toutes deux éminemment littéraires et d’une qualité esthétique irréprochable, semblent avoir conversé par le truchement de leurs joyaux : si Charles Hayoit est fier d’acquérir l’un des 5 exemplaires sur Japon de Du côté de chez Swann, Raoul Simonson possède le n° 1, sans doute celui de Lucien Daudet. Tous deux possédaient l’un des rares exemplaires sur Hollande des Fleurs du mal. Leurs exemplaires des œuvres de Victor Hugo rivalisaient par le nombre de pièces jointes et de dédicaces. Cependant, Raoul Simonson garde pour lui 11 poèmes de Cellulairement et conserve d'autres manuscrits de Verlaine montés dans ses exemplaires. Et pour Stendhal, préférait-il son exemplaire annoté de l'Histoire de la peinture en Italie à celui d’Hayoit enrichi d’un plan des lieux dessiné par l’auteur ? Mais davantage Baudelairien, Simonson garda son joyau le plus précieux : deux poèmes autographes, Les deux Crépuscules. Le matin/Le soir, qui paraîtront dans Les Fleurs du mal. Tous deux partageaient ce goût du XXe siècle pour les exemplaires uniques, avec envois, truffés, sur grands papiers, à belles provenances, dans un état parfait. Cette remarquable collection survécut à Raoul Simonson lorsqu’elle passa dans les mains de sa fille Monique et de son gendre Albert Kies, lequel, en fin lettré, philologue et professeur d'université l’élargit jusqu'au Moyen Age au travers des grands textes littéraires. La seconde partie de la vente aura lieu en décembre 2013 et réunira les éditions Fin de siècle et XXe siècle.
Quid de Monique et Albert Kies ? Sotheby's ne dit mot.
NDLR : On aimerait savoir si Raoul Simonson a côtoyé son homologue français, à savoir Pierre Berès ? L'avenir nous le dira peut-être ...
Bonne soirée,
Bertrand