Voici ce qu'on peut appeler un joli petit ouvrage. Délicatement imprimé par Jouaust (achevé d'imprimer le 15 février 1870). Agréablement illustré par Martial (frontispice et portraits à l'eau-forte) et Morin (ornements gravés sur bois dans le texte). D'un format très pratique (in-8 - 24 x 16 cm). Et d'un intérêt tout à fait rétrospectif mais néanmoins avéré. Publié par un grand nom de l'édition du moment : La Librairie Internationale, 15 Boulevard Montmartre et A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, à Bruxelles, à Leipzig et à Livourne (les mêmes éditeurs que Victor Hugo à la même époque. Un tirage à petit nombre (400 ex.) sur beaux papiers (voir le justificatif ci-dessous), celui-ci un des exemplaires sur raisin vergé, exemplaires vendus 20 francs or à l'époque (quand on sait qu'un livre de l'époque de chez Hachette ou Plon était vendu entre 1 et 3,50 francs). Un beau livre donc, pas à la portée de toutes les bourses de l'époque. Un livre destiné à la bourgeoisie voire à l'aristocratie du Second Empire expirant.
Les jolies femmes de Paris par Charles Diguet. Tel est son titre prometteur. L'auteur, aussi bien habitué aux libres de "femmes" qu'aux livres de "chasses" (Charles Diguet a en effet donné plusieurs titres qui traite de la femina et aussi d'autres entièrement consacré à la chasse : Mes aventures de chasse - Tablettes d'un chasseur - Le livre du chasseur (le plus célèbre) - etc. Arrivait-il à Charles Diguet de confondre chasse au bois, chasse en plaine et chasse du petit gibier de quartier ? C'est tout à fait possible. Les similitudes entre les deux sports n'étant plus à démontrer. D'ailleurs son autre ouvrage Blondes et Brunes (1866) montre bien qu'il ne savait pas choisir. Il donna aussi Les Reines de beauté et les Reines du théâtre contemporain.
Qui était Charles Diguet ? Il serait né en 1836 et mort en 1909. On ne sait pas grand chose de lui si ce n'est qu'il est partout décrit comme un écrivain cynégétique. Les jolies petites femmes de Paris ne font pas le poids dans une bibliographie face à un sanglier ! A noter un autre ouvrage de Charles Diguet que nous avons sous les yeux et qui semble être passé presque inaperçu dans sa bibliographie légère : Amours parisiens (Paris, Dentu, 1873), joli petit volume in-18 illustré par H. Demare. Seul Vicaire en fait mention ainsi que la Bibliographie de la France pour l'année 1873 mais il semble bien difficile à localiser par ailleurs. Finalement nous ne savons presque rien de cet homme qui officia sur deux tableaux littéraires plutôt différents. Diguet n'a même pas les honneurs du Dictionnaires des auteurs contemporains de G. Vapereau (édition de 1880). Passons. Encore un illustre oublié à redécouvrir... ou pas.
Venons-en à ce qui nous amène ce soir. Un petit jeu concours pour biblio--gyné-iconophiles ! Il n'y a rien à gagner si ce n'est une belle neuron party entre vous et vous. A vos marques ! Prêts ? Partez !
Quel est selon vous, et surtout selon Charles Diguet, ce grand spécialiste des biches aux (a)bois et autres phacochères blessés, le palmarès des 20 plus jolies femmes de Paris en cette année 1870 ?
Le livre donne la réponse. Diguet énumère quelles sont pour lui les 20 plus belles femmes de Paris à la fin du Second Empire. Il n'allez pas croire que c'est un portrait flatté et distant qu'il nous donne à chaque fois. Non ! Ce sont à chaque fois mots doux et descriptions presque amoureuses de ces jolies femmes adorées. "Cette tête, petite, adorable, éclairée comme un demi-jour, a toutes les irrégularités charmantes d'une strophe amoureuse. Le front ouvert, le nez alangui, la bouche éloquente dans sa dépression souriante, le menton nuageux dans sa sensualité, chantent tous le mot amour dans une note diverse. La peau, satinée, a ces blancheurs chaudes des ibis, qui naissent blancs et qu'un soleil de pourpre finit, à force de lueurs vermeilles, par carminer." et pour une autre : "Regardez-la, cette toute jolie ! Les amours ont mis des ans à broyer des myriades de roses pour donner une teinte d'aurore à ce visage duveté comme une pêche qu'a baisée le soleil !" et encore pour une autre plus loin : "Un bouton de rose thé que n'a point encore teinté le soleil. Elle est pâle comme Ophélie au bord de la rivière. (...) Quelques veines, ténues comme des fils de la Vierge, sillonnent cette pâleur et lui donnent grand air. (...) La femme est toute entière dans cette chevelure étrange, unique peut-être à Paris." Diguet n'y allait pas avec le dos de la cuillère ! si j'ose dire. J'espère qu'il était en bon terme avec tous les maris parce que sinon... ça sent d'ici le grabuge à plein nez ! Aux quat'coins d'Paris qu'on l'aurait r'trouvé l'Diguet ! Un homme prudent sans doute... Il fallait mieux. On sait gré à Diguet de ne pas avoir osé tenter Les laides femmes de Paris ou panorama des femmes les plus moches de la capitale à cette époque. Ouf !
Alors voilà. A vous de jouer ! Mais attention ! Soyez réglo ! Vous n'avez pas le droit de regarder sur les moteurs de recherche du type Google ou Vialibri... sinon c'est de la triche. Donnez-nous, quelles sont, selon vous, ces 20 plus jolies femmes de la capitale en 1870.
Nous sommes toutes ouïes (dehors) !
PS : je ne sais pas si cela vous aidera mais j'ai placé dans cet articles quelques unes des figures gravées de ces jolies midinettes starifiées par Diguet himself. Qui sait ? Peut-être en reconnaîtrez-vous au moins une !
Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne