La vente c'est demain ! Alors il va falloir savoir faire tourner ses neurones à plein régime rapidement ! Je n'ai pas eu le temps matériel de publier avant le compte-rendu de présentation de cette (encore) belle vente de livres proposée par la maison
Pierre Bergé.
308 lots et un n°150 à vous couper le souffle (pour les plus émotifs) !
Il y en aura demain pour tous les goûts. La vente s'ouvre par quelques autographes (Bonaparte, Chateaubriand, Colette, Henri IV, Hugo, Hergé, Sand, Zola, etc), du n°1 au n°100, soit près d'un tiers du catalogue.
Ensuite viennent les livres anciens dans divers thèmes : littérature, médecine, voyages et ornithologie. Du n°101 au n°233. La dernière partie du catalogue étant réservée aux curiosa, du n°234 au n°308 et dernier.
Un catalogue riche, bien divisé et bien proportionné selon trois axes. Du beau travail !
Si je n'avais qu'un seul livre à acheter dans ce catalogue pourtant bien fourni ce serait sans l'ombre d'une hésitation le n°150 : Histoire intellectuelle de Louis Lambert par Honoré de Balzac. Paris, Gosselin, 1833. In-8 velours vert (reliure de Spachmann) dans son coffret en bois. Un des deux seuls exemplaires connus imprimés sur papier de Chine. Celui-ci offert à Madame Zulma Carraud par Balzac avec tous les égards dus à une femme qu'il connaissait bien, mais lisons plutôt l'excellente et longue notice que nous livre le catalogue (la notice doit être due au travail de Dominique Laucournet, expert pour les livres de cette vente).
Lisez plutôt :
BALZAC, Honoré de. Histoire intellectuelle de Louis Lambert [Fragment extrait des Romans et contes philosophiques]. Paris, Charles Gosselin, 1833 ; in-18 velours vert émeraude, dos portant le nom « Louis Lambert » en lettres dorées, tranches dorées (Reliure de Spachmann). PREMIÈRE ÉDITION SÉPARÉE, CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE, EN PARTIE ORIGINALE. PRÉCIEUX EXEMPLAIRE SUR PAPIER DE CHINE, OFFERT PAR BALZAC À ZULMA CARRAUD, PRÉSENTÉ DANS UN COFFRET EN MARQUETERIE DE BOIS PRÉCIEUX, AUX INITIALES ZC, RÉALISÉ À LA DEMANDE DE BALZAC. UN DES DEUX EXEMPLAIRES SUR CHINE. Le deuxième exemplaire sur Chine est celui pour Madame Hanska annoncé par Balzac dans sa lettre du 19 août 1833 « Je vous envoie à l'adresse d'Henriette Borel, par le départ de demain, un Louis Lambert unique sur papier de Chine... ». C'est en Juillet 1832, à Angoulême, chez ses amis Carraud, que Balzac transforme ce qui n'était encore qu'un manuscrit en la Notice biographique sur Louis Lambert. « Une oeuvre où j'ai voulu lutter avec Goethe et Byron, avec Faust et Manfred et, c'est une joute qui n'est pas encore finie, car les épreuves ne sont pas encore corrigées ». écrit-il à sa soeur Laure le 20 Juillet. Zulma Tourangin, épouse du commandant François Michel Carraud, était une amie de longue date de l'écrivain. Ils s'étaient rencontrés enfants, lors d'une visite de Zulma à son cousin germain Alix Tourangin, pensionnaire, comme Balzac au collège de Vendôme et ils se revoient lors de l'installation des Carraud à l'Ecole de Saint Cyr en 1818. Exilés par la monarchie de Juillet à la Poudrerie d'Angoulême, Balzac leur rend visite, sensible au calme et à la liberté que lui laissent ses hôtes. Au sein de la complexe constellation féminine qui entoure Balzac, Zulma Carraud tient une place dont elle est jalouse. Toujours lié à Madame de Berny, Balzac a eu l'année précédente une liaison avec Olympe Pélissier, rêve d'un riche mariage avec Caroline Deurbroucq en même temps qu'il fait la cour à la marquise de Castries et commence sa correspondance avec la mystérieuse inconnue, Madame Hanska. Zulma qui n'a que trois ans de plus que lui joue le rôle de l'amie de tête, dont l'admirative affection n'est pas exempte d'une rude franchise. Républicaine et fidèle à un mari qu'elle n'aime pas, elle se moque autant des opinions royalistes de Balzac qui brigue alors un mandat de parlementaire qu'elle le retient quand la chasteté lui pesant, il se hasarde à la séduire. Cet été-là est presque tout entier sous le signe de Louis Lambert. Avant de la rejoindre à Genève il envoie à Madame de Castries la lettre teintée de masochisme de Louis à Pauline de Villenoix, « Ange aimé, quelle douce soirée que celle d' hier ! que de richesses dans ton cher coeur..... ». Madame de Berny se sent intimidée par l'ampleur de l'oeuvre : « .....ami chéri ! quoi ne t'en rapporter qu' à moi pour ton L(ouis) L(ambert), pour une oeuvre à laquelle tu mets tant de prix ? Mais c'est une folie, mon bien cher, et si tu crois une femme capable de t'aider par ses jugements, pourquoi ne consultes-tu pas Mme Carraud ? je te dis en toute vérité que par les lettres que tu m'as lue d'elle et parce que tu m'en as dit, je la crois plus capable que moi, qui n'ai comme tu sais que mon sentiment guidé par l' instinct du coeur. » C'est donc à Zulma qui est surtout plus sensible aux mondes mystérieux où vit Lambert, que le romancier fait la lecture de l'oeuvre. Pièce centrale du futur « livre mystique », entre Les Proscrits et Seraphita, Louis Lambert est pour Balzac « le mysticisme pris sur le fait, le voyant marchant à sa vision, conduit au ciel par les faits, par ses idées, par son tempérament. » Les opinions politiques de Zulma ne l'empêchent pas de partager ces effusions de l'âme. Balzac lui ayant fait part de son désir d'améliorer son livre pour une seconde édition lui demande « Si vous aperceviez quelque chose qui manquât, dites le moi bien. » et, répondant le 16 décembre 1832 à ses remarques, il annonce : « Ah vous serez fière de Lambert ! Il y a bien des heures, des jours, des nuits passées à cet ouvrage depuis le jour où je vous l'ai lu. Personne ne saura ce qu' il coûte. Vous en aurez un bel exemplaire. ». Le 25 janvier 1833, au moment de l'impression de la deuxième édition, il précise « Quant à Lambert, vous allez recevoir bientôt, chez M. Sazerac, un petit paquet qui contiendra mon offrande. Pour vous, il existe un exemplaire sur papier de Chine et qu'en ce moment les plus grands artistes en reliure, s'occupent de rendre digne de vous. Je vous en prie, ne le prêtez jamais. Vous savez quand vous faites de la tapisserie, chaque point est une pensée. Eh bien chaque ligne du nouvel ouvrage a été pour moi un abîme. Il y aura là des secrets entre nous deux. Gardez le bien ; je vous en mettrai un exemplaire vulgaire que vous prêterez, si tant est que vous puissiez le prêter à beaucoup de monde. Maintenant l'œuvre est bien plus complète, plus étoffée, mieux écrite ; puissé-je en faire un jour un monument de gloire ! ». Un peu plus loin, Balzac précise le caractère exceptionnel de cette offrande littéraire : « J'avais pensé vous joindre une lettre dans Lambert, une lettre d'envoi ; mais entre coeurs qui s'entendent, cela m'a paru petit. Cet exemplaire sera bien mieux dans la grâce inconnue de son secret. Vos mains si douces ne trouveront que de la soie à tourner dans ce livre, puisse t' il vous caresser également l' âme ». Touchée par cette intention, Zulma lui répond le 1er février : « Oh merci de celui (l'exemplaire en velours de soie verte) que vous me destinez si gracieusement. Non pas de lettre d'envoi. Je vous sais, tout supérieur que vous m' êtes, et cela suffit bien. Quant à prêter cet exemplaire, n'en ayez peur ; on ne le verra même pas ; je n'ai dit à personne, et ne dirai même pas que je l'ai ; il ne doit être touché que par moi, parce qu' il est le fruit d'une de vos pensées à moi toute personnelle ». Le 10 mars, l'envoi est encore retardé par l'écrin que Balzac lui destine : « Mon dieu, nous faisons tourner la tête aux ouvriers de Paris pour la chose la plus simple, une boîte pour mettre votre exemplaire de Louis Lambert ; néanmoins, elle sera faite, j'espère pour jeudi prochain, et vous l'aurez dimanche 17, si la diligence y met ses procédés ». Le 30 mars, l'écrin en palissandre marqueté à son chiffre n'est pas encore prêt et Zulma console Honoré : « Et ne sais je pas que vous avez pensez à moi en parfaisant Louis Lambert, que vous jouissiez de l'orgueil que j'aurais en le lisant ? Laissez donc vos ouvriers en paix faire le digne étui de Lambert, et travaillez tranquillement. » Enfin le 8 avril, Zulma peut écrire « Et Louis Lambert ! je l'ai, je l'ai lu, je l'ai couvé. » et après lui avoir fait quelques remarques, elle le rassure : « La jolie boîte décore ma chambre à coucher et aucune main profane n'y touchera. » L'importante correspondance entre Zulma Carraud et Honoré de Balzac nous met au coeur du lien très fort qui les unissait. Entre Madame de Berny, Madame de Castries et Madame Hanska, Zulma Carraud sera l'amie, la confidente, celle à qui il écrit le 2 juillet 1832 « ...Vous êtes une des âmes privilégiées auxquelles je suis fière d'appartenir... » il lui fait part de son départ « ...Ah ! si l'on avait voulu aller aux Pyrénées, je vous eusse vue, mais il faut que j'aille grimper à Aix, en Savoie, courir après quelqu'un qui se moque de moi peut-être ; une de ces femmes aristocrates que vous avez en horreur sans doute ; une de ces beautés angéliques auxquelles on prête une belle âme, la vrai duchesse, bien dédaigneuse, bien aimante, fine, spirituelle...un de ces phénomènes qui s' éclipsent ; et qui dit m'aimer, qui veut me garder au fond d'un palais, à Venise ...(car je vous dit tout à vous !)...Ah ! il vaudrait mieux être à Angoulême, à la Poudrerie...que de perdre et son temps et sa vie ! Adieu ; pensez qu' il y a en moi une âme et que cette âme aime à penser à vous... » Balzac va rejoindre Madame de Castries à Aix, espérant partir avec elle en Italie. Lors d'une dernière excursion à Genève elle mit brutalement fin à ses espérances. Il se réfugia chez Madame de Berny. Balzac effectua de nombreuses visites chez son amie Zulma Carraud : c'est à Frapesle que Balzac rédigea la Rabouilleuse et César Birotteau. Quelques extraits de lettres d'Honoré de Balzac à Zulma Carraud : « A Lyon j'ai encore corrigé Lambert, j'ai comme une ourse, léché le petit... » 2 ? septembre 1832 « ...un quart d' heure passé près de vous le soir, vaut mieux que toutes les félicités d'une nuit près de cette belle [Madame de Castries, note Pléiade, p.1373], et votre main de papier de Chine, puisque papier de Chine il y a, m'est mille fois plus précieuse que toutes les délices dont vous me menacer... » puis il parle de Lambert « ...Hélas Lambert est incomplet...dans la prochaine édition, il sera bien changé, bien corrigé. Si vous apercevez quelques choses qui manquât, dites-le-moi bien... » Nemours, vers le 25 novembre 1832 Documentation - Bibliographie : Le deuxième exemplaire sur Chine serait, selon la note de Thierry Bodin, « celui figurant sur le mémoire de Wagner & Spachmann, (Lovenjoul, A 340, F°363) 1 L.Lambert, 12, demi rel. Maroquin. Pap de chine » « pour 3 fr. celui pour Zulma Carraud, L.Lambert, rel. En velours doré sur tranche à 20fr. ». « Facture de reliure par Wagner et Spachmann des exemplaires précieux de Louis Lambert (Lov.A.340.f363) [Collection Spoelbesch de Lovenjoul, Bibliothèque de l'Institut de France.] Voir Balzac imprimeur et défenseur du Livre, Paris-Musées/des Cendres, 1995, article page 129 « Louis Lambert », « oeuvre de prédilection » et « livre de luxe », par Thierry Bodin. Thierry Bodin. Une amie de Balzac Zulma Carraud. Courrier Balzacien, nouvelle série, 9 janvier 1980. Nicole Felkay. Balzac et ses éditeurs, 1822 -1837, Editions du Cercle de la Librairie, 1987 Correspondance I ; (1809-1835). Edition établie, présentée et annotée par Roger Pierrot et Hervé Yon, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 2006. Expositions : EXEMPLAIRE AYANT FIGURÉ AUX EXPOSITIONS : - Honoré de Balzac, 1799-1850. Exposition organisée pour commémorer le centenaire de sa mort. Catalogue par Roger Pierrot, Jean Adhémar et Jacques Lethève, Préface de Julien Cain. Bibliothèque nationale, 1950, n°270, page 70. - Maison de Balzac, 1995-1996. Balzac Imprimeur et défenseur du Livre, n°227, page 228. Provenance : - Ancienne collection Philippe Hériat (arrière-petit-fils de Zulma Carraud). - Collection particulière (Paris). PORTRAIT DE ZULMA CARRAUD PAR EDOUARD VIENOT, SALON DE 1827, PARIS, MAISON DE BALZAC. Crédit photographique : © Maison de Balzac / Roger-Viollet. « J'AVAIS PENSÉ À VOUS JOINDRE UNE LETTRE DANS LAMBERT, UNE LETTRE D'ENVOI, MAIS ENTRE COEURS QUI S'ENTENDENT, CELA M'A PARU PETIT... » Honoré de Balzac à Zulma Carraud, 25 janvier [1833]
Il y a vraiment aussi dans cette vente de très beaux curiosa qui méritent qu'on s'y attarde. Je vous laisse faire votre choix libertin !
Voici les informations générales relatives à cette belle vente :
mardi 29 juin 2010 à 14h00Drouot Richelieu - Paris SALLE 16
Importants livres anciens et modernesPierre Bergé & associésEMail :
contact@pba-auctions.comTél. : Paris +33 (0)1 49 49 90 00
INFORMATIONS SUR LA VENTE LIVRES ANCIENS & MODERNES AUTOGRAPHES & MANUSCRITSCATALOGUE EN LIGNE ICIExpositions publiques :
Lundi 28 juin 2010 de 11 heures à 18 heures
Mardi 29 juin 2010 de 11 heures à 12 heures
TÉLÉPHONE PENDANT LES EXPOSITIONS ET LA VENTE : +33 (0)1 48 00 20 16
Experts :
LIVRESDominique Laucournet
Tél. : +33 (0)1 49 49 90 14,+33 (0)6 08 89 64 68
dlaucournet@pba-auctions.comMANUSCRITSRenato Saggiori
Tél. : +41 22 348 77 55
renato@saggiori.comContactEric Masquelier
T - + 33 (0)1 49 49 90 31
M -
emasquelier@pba-auctions.comDora Blary
T - + 33 (0)1 49 49 90 11
M -
dblary@pba-auctions.comAVERTISSEMENTCe catalogue contient des images qui ne doivent pas être vues ou perçues par des mineurs. Le fait de proposer le contenu de ce catalogue à la vue d’un mineur est passible de sanctions pénales.
Vos commentaires avant et après la vente sont les bienvenus et seront très appréciés des lecteurs du
Bibliomane moderne qui ne peuvent pas se déplacer ou n'ont pu payer leur facture de téléphone en mai...
Bonne vente à tous !
Bertrand