L'arrivée récente d'une série de volumes sur mes rayonnages m'a forcé à m'intéresser à un libraire du XVIIe siècle que je n'avais finalement pas ou peu croisé depuis une vingtaine d'années. C'était donc l'occasion de m'y intéresser de plus près.
Il s'agit d'Hélie Josset. Le site data.bnf.fr qui regroupe bon nombre de biographies concernant libraires et imprimeurs des siècles passés nous fournit quelques précieuses informations :
Seconde marque du libraire Hélie Josset
Sa devise, comme nous pouvons le voir sur sa marque reproduite ci-dessus est : CANDOR ET ODOR. C'est à dire, de manière littérale, éclat ou blancheur ou luminosité et senteur, parfum, odeur. Étrange devise à vrai dire.
Quel était le métier d'Hélie Josset ? Quelles étaient ses spécialités ? Libraire puis imprimeur comme nous l'indique le site de la Bnf. Ses spécialités étaient avant tout les livres de piété. La religion était à vrai dire tout son fond de commerce.
Nous avons sous les yeux les volumes de l'Année Chrétienne du Père Le Tourneux ou Letourneux publiés entre 1685 et 1694 (pour ce qui concerne les volumes que nous avons). Tous les volumes ont été publiés par Hélie Josset. Tous portent la même marque. Josset possède le privilège pour cette Année Chrétienne depuis 1682. Le premier volume de la série que nous avons porte la mention de troisième édition. A ce que nous avons pu constater, rien que cette série l'Année Chrétienne a été imprimé de très nombreuses fois dès la parution du premier volume et ce jusqu'aux derniers parus dans les premières années du XVIIIe siècle et encore publiés par Hélie Josset. Etant libraire depuis seulement 1686 on peut supposer que ce n'est pas lui a imprimé les premiers volumes de l'Année Chrétienne. Les volumes ne portent d'ailleurs aucun mention d'imprimeur.
Première marque du libraire Hélie Josset
Parmi les autres ouvrages publiés par Hélie Josset citons : Le Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France, parmi les honnêtes gens (1671), par Antoine de Courtin, ouvrage qui connut un grand succès et un grand nombre de réimpressions (probablement de nombreuses chez Josset lui-même) ; du même auteur, un Traité de la jalousie ou moyen d'entretenir la paix dans le mariage (1674) ; un Traité de l'Oraison divisé en 7 livres (1680 et 1684) ; des Instructions Chrétiennes sur les Sacrements et sur les Cérémonies, avec lesquelles l'Eglise les administre (1686) ; Le Pseautier de David, traduit en françois : Avec des notes courtes, tirées de S. Augustin des autres Pères. Septième édition. Corrigée augmentée des cantiques de l'Eglise, avec des notes tirées des Saints Pères (1689).
Dans le tome VII de l'Année Chrétienne (seconde édition, 1694) on trouve la fin du volume le catalogue des livres publiés par le sieur Hélie Josset. Nous le reproduisons ci-dessous :
Livres qui se vendent chez Hélie Josset,
Libraire rue Saint-Jacques, à la Fleur de Lys d'Or, à Paris.
Après la mort du libraire Hélie Josset
Sachant que la plupart de ces ouvrages furent de véritables succès de librairie, totalement dans l'air du temps et touchant le plus grand nombre des dévots et autres, nul doute que le Sieur Hélie Josset fut financièrement très confortablement installé tout au long de sa carrière.
Il faut noter également que la fameuse Année Chrétienne de Le Tourneux fut mise à l'index par Rome ! Un livre d'église pourtant mais qui ne devait pas faire l'unanimité, notamment les Explications des Évangiles ou l'Abrégé de la vie des Saints qu'elle contient. A moins que ce ne soit la Messe qui n'était pas du goût des censeurs apostoliques et romains. D'autres avance qu'elle a été mise à l'Index (en 1695) parce qu'elle se trouvait en beaucoup trop de mains ! En clair, il fallait arrêter de laisser se répandre les idées jansénistes dans tout le Royaume de France et au-delà. Quoi qu'il en soit cela ne semble pas avoir posé de problème à Hélie Josset qui continua à l'éditer.
La succession d'Hélie Josset semble dater des années 1712, moment où les pages de titres changent d'adresse. On lit par exemple En la boutique d'Elie Josset chez Guillaume Cavelier fils, sur une page de titre datée de 1712. On peut penser qu'il restait tant de livres (en nombre d'exemplaires) dans le fonds d'Hélie Josset, que plusieurs libraires achetèrent le fonds et se le partagèrent pour l'écouler sur des années durant.
Il faudrait retrouver les minutes notariales et l'inventaire après décès du libraire pour savoir à quel point celui-ci avait ou non fait fortune avec l'aide de Dieu et des Jansénistes.
Mais plaie d'argent n'est pas mortelle, surtout quand il s'agit de guérir les plaies du Seigneur. Gageons seulement que Josset, moins connu que Claude Barbin (libraire contemporain) qui édita les plus grands noms de la littérature française, fut plus heureux en affaires (voir notre article Barbin publié en 2008 ... cela ne rajeunit pas).
Encore un détail. La série de l'Année Chrétienne que nous avons en mains est superbement reliée à la Duseuil (Du Seuil), à l'époque. Par qui ? Les exemplaires de l'Année Chrétienne vendus par Josset étaient prisés 36 livres les 12 volumes à son catalogue. Brochés ? Reliés ? Très certainement brochés ou alors en reliure simple de basane. Mais en maroquin à la Duseuil ? C'est une autre histoire. Josset avait-il un relieur attitré pour ces volumes qui sortaient par milliers de son officine. Encore une question qui restera sans doute longtemps sans réponse.
Amen.
Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne