Ce site a rendu
hommage par le passé à des auteurs oubliés ou méconnus et leur a redonné une
certaine gloire posthume. Il appartenait donc au Bibliomane Moderne d’honorer cet
amateur d’histoire locale que fut Philibert Falcoz, érudit savoyard,
académicien et membre agrégé de la Société Savoisienne d’Histoire et
d’Archéologie.
On rencontre de temps
à autre chez les libraires ces petites plaquettes consacrées au régionalisme savoyard.
(J’en rappelle la liste en annexe à cet article).
Fig 1 Les Mélanges
Savoyards de Philibert Falcoz
Fig 2 Quelques
plaquettes signées Falcoz
Fig 3 Notice sur
Saint Hélène du Lac, 1922
Fig 4 Du même Auteur
Fig 5 Souvenirs d’un
touriste à travers la Savoie, 1899
Philibert Falcoz est
la figure typique de ces lettrés du XIXème siècle qui animaient les sociétés
savantes et contribuaient à faire progresser les sciences humaines grâce à leurs
travaux de fourmi dans les archives notariales, les chartes et les livres de
comptes des siècles précédents. Il fallait posséder le latin et le grec, avoir
des notions de paléographie et une bonne culture classique pour écrire dans un
style souvent brillant ces sommes historiques puisées à la source (et dont les
preuves, patiemment retranscrites en annexes des ouvrages, ont parfois disparu aujourd’hui).
L’archiviste Gabriel Pérouse, Timoléon Chapperon ou Léon Menabrea, bien connus
des amoureux de l’histoire de la Savoie, sont de ceux-là.
Philibert Falcoz fut
une figure plus discrète et à mon grand étonnement, aucune monographie ne lui
est consacrée. Si vous « googlelisez » son nom, vous trouverez essentiellement
des notices de libraires proposant une des nombreuses plaquettes dont il est
l’auteur, ou bien encore quelques références sur des blogs consacrés à
l’histoire d’Arbin, village près de Montmélian (Savoie) où il a vécu et où il
fut inhumé.
Il n’est que justice
de lui dédier à notre tour une notice, lui qui, en 1924, avait conté l’histoire
d’un de mes lointains ancêtres grâce à la documentation que lui avait fourni un
grand-oncle, Joseph Vallin.
La quête
bibliophilique conduit parfois à de curieux hasard. A quelques mois
d’intervalle, je suis tombé sur une petite partie de sa bibliothèque chez un
libraire grenoblois puis, au hasard d’une promenade dans le village d’Arbin, sur
sa sépulture. Trouver les Mélanges Savoyards collationnés par Philibert Falcoz
relevait déjà d’une prouesse mais découvrir sa tombe quasi détruite, sans vraiment
la chercher, défit le calcul des probabilités !
Voyez plutôt dans
quel état d’abandon je l’ai trouvée. Je me suis dit que la municipalité d’Arbin
avait bien peu d’égards pour ses figures historiques…. Après une bonne heure de puzzle, j’ai pu reconstituer
la plaque de marbre qui gisait sur le caveau depuis plusieurs mois déjà et
déchiffrer le nom de notre érudit et de sa famille.
Fig 6 Le cimetière
d’Arbin en Savoie et la tombe détruite de la famille Falcoz
Fig 7 La plaque de
marbre avant reconstitution
Fig 8 la plaque de
marbre après reconstitution
Nous savons, somme
toute, peu de chose de Philibert Falcoz, sauf ce qu’il veut bien nous dire sur lui
dans ses notices et ce que laissent transparaître les brochures qu’il a
patiemment collectionnées et fait relier.
Brochures qu’il entendait bien transmettre à la postérité puisqu’il avait
assorti chaque volume d’un ex-libris et d’une mention : « Les
brochures ont été collectionnées par Ph Falcoz, membre agrégé de l’Académie de
Savoie, officier de l’instruction publique».
Philibert est né le
24 Mai 1867, place St Léger à Chambéry, il était le fils d’Alexis Falcoz,
avocat né à Saint Jean de Maurienne (1821-1874) et de Jeanne Alibert
(1828-1893). Google Books le qualifie parfois dans ses notices « d’Abbé
Ph. Falcoz », ce qui est plutôt surprenant pour quelqu’un qui s’est marié
à 27 ans avec Marie Duluc de Grenoble (1872-1947) et qui était employé au
Crédit Lyonnais de Grenoble en 1892 puis de Chambéry en 1909, lors de sa
seconde entrée à la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie. Sa vocation d’abbé, s’il l’a jamais été, a
dû être très furtive. Ce qui est certain c’est que mon grand-oncle l’a
rencontré alors qu’il était lui-même archiviste au Crédit Lyonnais de Chambéry.
D’ailleurs l’état civil mentionne à son mariage « employé de
banque ».
Fig 8 bis
Philibert Falcoz eut
l’existence de ces notables provinciaux que l’aisance matérielle laissait
libres de se livrer à leur passion. Son père avait acheté pour le rebâtir le vieux
château de la Pérouse à Arbin, en 1852. Philibert y vécut là son enfance,
demeure imposante sur des fondations et une terrasse médiévale, de quoi donner le goût de l’histoire.
C’est dans sa
brochure sur Sainte Hélène du Lac qu’il nous donne le plus d’information sur sa
famille et son intérêt pour les alentours de Montmélian. Au Chef-Lieu, derrière
l''Eglise, se trouve une
grande maison à la haute toiture appelée « Le Château » ; elle existe toujours aujourd’hui.
Construite en 1629 par noble Etienne Brunet, la
demeure passa ensuite aux mains des de Roberty, baron de Sainte Hélène du lac, puis
des de Gerbaix de Sonnaz qui l’agrandirent. En 1855, le Château fut vendu à
Etienne Rey, administrateur du domaine. A la mort de la veuve d’Etienne Rey en
1892, Philibert Falcoz, son petit neveu, devint héritier des deux tiers de
cette propriété ainsi que du château lui-même. C’est à cette époque qu’il y
séjourna et qu’il commença à écrire des notices historiques, la première sur le
domaine de Combilioles à St Hélène du lac, propriété d’un cousin. En 1895,
Philibert Falcoz finit par revendre la propriété à des marchands de domaines
qui la morcelèrent. Malgré l’attrait du village de St Hélène, il devait être
compliqué d’entretenir deux châteaux à une dizaine de kilomètres de distance !
Fig 9 Notes de Ph.
Falcoz
Fig 10 Mélanges
savoyards avec ex-libris
Fig 11 Mélanges
savoyards avec ex-libris
Fig 12 Mélanges
savoyards avec ex-libris
Fig 13 Page de titre
manuscrite de Philibert Falcoz sur l’Histoire de Chambéry de L. Menabrea,
ouvrage paru en livraisons et demeuré inachevé
Il écrit dans les
Mélanges savoyards qu’il est Officier de l’Instruction Publique, ce qui colle
mal avec son poste à la Banque, à moins d’un brusque changement de carrière au
cours de sa vie, que je n’ai pas réussi à retrouver. J’en déduis que son entrée
à l’Académie de Savoie, dont il semblait être très fier, lui avait permis
d’obtenir les palmes académiques, honneur réservé en général aux professeurs et
autres membres de l’Instruction publique.
Ce titre
d’Académicien n’apparait que tardivement, alors qu’il fut membre agrégé de la
Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie pendant une très longue période.
Les statuts de la Société requéraient
que les prétendants soient majeurs. C’est donc à la séance du 20
Décembre 1891 que Messieurs Marie-Girod et Guigues présentèrent l’impétrant
pour qu’il puisse être admis dès l’année 1892 à l’âge de 25 ans tout juste.
Dès cette année-là, au
cours d’une séance du 16 Novembre 1892, il donne lecture de ses travaux sur le domaine
des Combilioles, à St Hélène du Lac. Par ailleurs, il travaille à une histoire de
Montmélian qui parait en feuilleton dans le courrier des Alpes.
Curieusement le
bulletin de la Société Savoisienne pour l’année 1909 enregistre à nouveau son
entrée dans cette société savante (Séance du 21 Novembre). Il a donc quitté le
cercle pour une raison inconnue. Nous pourrions penser que c’est à la suite de
son éloignement à Grenoble, pour raison professionnelle, mais ce n’est pas la
bonne raison puisque qu’en 1892 il est enregistré dans la liste des membres
effectifs sous cette adresse : «Falcoz Philibert, au Crédit lyonnais à Grenoble». Un autre événement a dû l’empêcher d’assister aux séances. A partir de 1909, son
assiduité est très grande ; Il présente ses travaux sur un rythme soutenu jusqu’au milieu des
années 30 et, demeurant à Chambéry,
rue Croix d’or, il lui est facile de se rendre aux séances de la Société
Savoisienne qui se déroulent non loin de là, au château des Ducs. Par la suite il
sera nommé Trésorier de l’association. Quoi de plus normal pour un banquier…
Fig 15
Séance de la Société Savoisienne du 20 Décembre 1891
Fig
16 Séance de la Société Savoisienne du 21 Novembre 1909
En 1924, à la séance du 28 juin, alors que
l’archiviste Gabriel Pérouse présidait la séance, Philibert Falcoz fit une
intervention qui est resté dans les annales de l’Histoire de Savoie :
« M.Philibert Falcoz rappelle qu'en Savoie,
dit-il, on nommait autrefois Sarvan (en français, servan) un esprit follet,
lutin, familier, ayant des griffes et des ailes. Cet esprit imaginaire a eu
pour origine le feu-follet, flamme légère et fugitive produite par des
émanations de phosphore d'hydrogène qui se dégage des endroits marécageux et
des cimetières; certains troncs d'arbres, en pourrissant, produisent parfois
les mêmes émanations, comme le saule et le peuplier. Nos campagnards,
ajoute-t-il, appelaient aussi jadis les feux-follets, parfois, les
francs-maçons; ils estropiaient généralement ce mot et disaient avoir vu les
flancs-maçons».
Puis la savante
assemblée aborda une autre question tout aussi pointue, de celles qui font
avancer les sciences.
La même année, à la
séance du 27 janvier, Falcoz
s’était déjà fait remarquer : « M. Philibert Falcoz présente un
écusson qu'il vient de peindre pour l'offrir à la ville de Montmélian. Ce sont
les armoiries de cette ville : de gueules au chef cousu de même chargé d'une
croix d'argent. Ainsi, comme Chambéry, la capitale, la place forte de
Montmélian portait les mêmes couleurs et le même emblème que la dynastie, avec
une disposition différente. M. Carie observe que, dans le chef de cet écusson,
la croix blanche affecte la même forme qu'elle avait sur les anciens pennons :
allusion à l'importance militaire de la forteresse savoyarde.»
Comme on savait se distraire avant
internet !
Fig.17 Recueil de
Philibert Falcoz sur le Chevalier de Rosaz
Fig.18 Tonton
Joseph !
J’espère vous avoir
donné envie de lire les opuscules de Philibert Falcoz, en éclairant un peu la
vie d’un auteur qui fut si utile pour l’histoire de sa région. Dans la brochure
sur Montmélian et ses environs, l’auteur introduit son propos par cette pensée :
« Tout savoyard aime d’un ardent amour le petit coin de terre qui le vit naître et qui le verra mourir, il entoure de l’affection la plus tendre la
ville aux alentours gracieux où s’égarèrent ses premiers pas, et le modeste
village qui ouvrit sa jeune âme aux douces émotions de la nature.» Voilà qui résume tout Falcoz, le fil rouge de
son œuvre.
Bonne journée
Textor
ANNEXE :
Bibliographie
Succincte des Œuvres de Philibert Falcoz
(La plupart des travaux ont paru à la
fois dans les Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie
et en tirés à part, dont nous signalons les références lorsque nous en avons
connaissance.)
1893 Communication sur le
domaine des Combilioles à Sainte-Hélène-du-Lac in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne
d'Histoire et d'Archéologie, Vol. 32 (1893).
1898 L'abbé Lovet, souvenir
affectueux d'un ami. Chambéry, Imprimerie Générale de Savoie.
1899 Le Bourget du lac: le
château, l'église, le prieuré. Chambéry, Paris, Imprimerie savoisienne.
1899 Souvenir d'un touriste à
travers la Savoie - Légendes et descriptions. in Imprimerie Générale Savoisienne.
1900 La Tour des Mollettes.
Chambéry, Imprimerie Générale Savoisienne.
1910 Notice sur Montmélian.
1911 La Croix du Nivolet depuis
son érection.
1911 Notice sur la commune
d'Arbin (Savoie). Chambéry, F.Gentil.
1912 La Révolution de 1848 à
Chambéry.
1912 Les ruines du château de
Saint-Claude à Saint-Cassin près Chambéry.
1912 Un récit savoyard. La
révolution de 1848 à Chambéry. Chambéry, Nancy, André Perrin, libraire.
1913 Les ruines du château de
Montagny près de Chambéry. Chambéry, Nancy, André Perrin, libraire.
1913 Notice sur la commune
d'Arbin. in Mémoires et Documents
de la Société Savoisienne d'Histoire et
d'Archéologie, Vol. 53
1913 Souvenirs d'un touriste.
Légendes et récits savoyards. Chambéry, Paris, Imprimerie savoisienne.
1914 L'abbé Lovet, souvenir
affectueux d'un ami. Chambéry, F. Gentil.
1914 La Gorge de Saint-Saturnin
près Chambéry (Savoie). Chambéry, Nancy, André Perrin, libraire.
1914 Les ruines du château de
Saint-Cassin près Chambéry (Savoie) .
1916 La commune de Saint-Cassin
sous l'administration de M. Joseph-Marie Chabord, (1892- 1914). Chambéry, F.Gentil.
1917 Le lac d'Aiguebelette et
ses deux îles (légende). Poeme.
1917 Le lac d'Aiguebelette et
ses deux îles. Chambéry, F.Gentil.
1917 Notice sur Aiguebelette et
son lac. Chambéry, F.Gentil.
1918 Notice sur Aiguebelette et
son lac. (Situation et antiquités, le château féodal, le lac, les châteaux de l'Epine, de Montbel, et
de Lépin) in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, Vol. 58.
1920 Notice sur
Chambéry-le-Vieux, paroisse de Sainte-Ombre. Chambéry, Paris, Dardel, Libraire.
1922 Notice sur
Sainte-Hélène-du-Lac.
1924 Le chevalier François de
Rosaz, bienfaiteur de la ville de Montmélian (Savoie) in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne
d'Histoire et d'Archéologie, (1920-1924)
1924 Le chevalier François de
Rosaz, bienfaiteur de la ville de Montmélian. Chambéry, Imprimerie Chambérienne
1925 Guide du touriste.
Montmélian et ses environs avec une notice sur chacune des quatorze communes formant ce canton, ainsi que
sur diverses promenades et excursions concernant cette région. Chambéry, Imprimerie Chambérienne.
1925 Renseignements sur un prétendu
projet d'insurrection attribué au clergé de Tarentaise (en 1855). in Mémoires et Documents de la
Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, (1925-1926).
1925 Un épisode de la
Révolution à Sainte-Hélène-du-Lac (Savoie). in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et
d'Archéologie, (1925-1926)
1925 Une fête à Montmélian (Le
10 novembre 1844) à l'occasion de l'inauguration du portrait de M. le comte Pillet-Will. in Mémoires et Documents
de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie,
(1925-1926).
1926 Notice sur la fonderie de
canons établie à Montmélian en 1563 à laquelle se rattache la fonderie de quelques cloches et
autres objets.
1927 Chambéry, il y a 50 ans
(1877). Chambéry, Paris, Dardel, Libraire
1929 Les sapeurs-pompiers de
Chambéry. Chambéry, Imprimerie Réunies de Chambéry
1929 Les sapeurs-pompiers de
Chambéry. Notice historique illustrée. in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et
d'Archéologie, (1927-1929).
1933 L'ours de Montagnole dit
"Lalet".
1933 Les innocents et la
Maîtrise métropolitaine de Chambéry (notice historique). Chambéry, Imprimerie Réunies.
1935 Les dangers que
représentait autrefois Chambéry la nuit. Chronique chambérienne. Chambéry, Imprimerie Réunies.
1936 La chapelle du
Mont-Saint-Michel près Chambéry (Savoie). Notice historique illustrée Chambéry, Imprimeries Réunies.
1936 La chapelle du
Mont-Saint-Michel près Chambéry.
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