lundi 27 octobre 2025

Rémi Beaudar ou l'histoire d'un pornographe resté au secret. 1961. LES DISCIPLES D'ONAN. ROMAN. Textes et dessins de l'auteur. Une affaire à suivre ...


Rémi Beaudar ou l'histoire d'un pornographe resté au secret.

L'histoire des livres s'écrit le plus souvent livre en mains. Parfois le hasard fait étonnamment bien les choses et on découvre avec le plus grand des plaisirs, toute une histoire cachée, toute une histoire restée dans l'ombre depuis des décennies, sans que jamais rien ne soit venu lever le voile sur celle-ci. C'est ce qui vient de nous arriver en découvrant un livre, unique exemplaire, réalisé par les soins de son auteur, tant en ce qui concerne le texte, qu'en ce qui concerne son illustration.

Rémi Beaudar. Tel est le nom de cet auteur mystérieux, ou plutôt le pseudonyme bien choisi, qui nous a donné au moins un roman pornographique rédigé et illustré par ses soins. Je devrais même dire, dactylographié par ses soins puisqu'il s'agit d'un texte dactylographié original agrémenté de plusieurs illustrations pornographiques réalisées au stylo bille à encre noire et rehaussées au crayon de couleurs. Par ailleurs chaque dessin (sauf les dessins in-texte et un dessin hors-texte) est signé au stylo en bas à gauche : Rémi Beaudar. 

Mais quel est cet ouvrage ?

Cet ouvrage à caractère pornographique, au format 21 x 16 cm environ et composé de feuillets non paginés et illustré de nombreux dessins originaux de l'auteur, a pour titre : LES DISCIPLES D'ONAN. ROMAN. Sur la page manuscrite calligraphiée en lettres capitales qui sert de titre on lit en haut : Rémi Beaudar ; et au bas : // Editions du Boulevard // - 1961 - //. Ce titre a été réalisé à l'aquarelle ou gouache en noir. Il est encadré de deux minces filets de vert et de rouge au stylo Bic vraisemblablement. Tout est dit ou presque ! Non, nombre de pages : 151 en comptant les illustrations hors-texte dans la pagination. On compte 9 illustrations dans le texte et 21 illustrations hors-texte pleines pages. Ce qui fait un total de 30 illustrations originales. Plus exactement 31 illustrations puisque nous devons également compter une esquisse de fellation restée à l'état de trait au crayon au verso d'une autre illustration en couleurs. Cette esquisse doit compter puisqu'elle illustre parfaitement un paragraphe situé en regard. L'une des dernières illustrations du volume, placée en regard de la dernière page de texte, représente une fellation en médaillon avec cette inscription sur son pourtour intérieur : CLUB DES ONANISTES - MEDAILLE D'OR - 1961. Autre élément intéressant : à la fin du texte a été tapé à la machine tout comme le reste du texte : FIN DU Ier VOLUME. Ce qui indiquerait donc qu'un deuxième volume (au moins) existe ou pour le moins, était prévu. Mais le plus intéressant sans aucun doute se trouve être le tout dernier feuillet dactylographié et qui a pour titre : DEJA PARUS DANS LA MEME COLLECTION. Avec à la suite la suite de 29 ouvrages dont voici le détail tel qu'il est dactylographié.

1. - Aline au pays des merveilles.
2. - Aline au pensionnat.
3. - Les plaisirs d'Aline.
4. - Le retour d'Hervé.
5. - Les turpitudes d'un notaire.
6. - Les filles de St. Eglantin.
7. - A couilles rabattues
8. - La famille Tuyau de poële.
9. - Histoire de Q.
10. - La confession d'un Amant. T. 1
11. - La confession d'un Amant. T. 2
12. - Olga la perverse.
13. - Train de plaisir.
14. - Jeux d'enfants.
15. - L'âge ingrat.
16. - Le fruit vert
17. - Nouvelles histoires de Q.
18. - Une affaire de moeurs.
19. - A Capri.
20. - Divertissement chez Borgia
21. - Le temps des Amours. T. 1.
22. - Le temps des Amours. T. 2.
23. - Le temps des Amours. T. 3.
24. - Les vicieux. T. 1.
25. - Les vicieux. T. 2.
26. - Les Jeux de Domino.
27. - L'aventure de Moune.
28. - A la Queue.
29. - Les routiers.

Quelle liste !

Que reste-t-il de tout cela ? Pas grand-chose, il faut le craindre. Si plusieurs de ces titres semblent avoir existé dans le XIXe ou le XXe siècle, il n'apparaît aucune occurrence exacte avec ces titres faisant état de tapuscrits originaux illustrés (ou non) dans cette période du début des années 1960. Par ailleurs, si nous devons faire confiance à l'auteur qui indique la date de 1961 pour "Les Disciples d'Onan" cela signifierait que les 29 autres titres présentés sont antérieurs et doivent donc dater de la fin ou du milieu des années 1950. Mais faut-il croire tout cela ? Ces titres et a fortiori ces livres supposés déjà parus ont-ils seulement existé ?



La première des questions à se poser est : Qui est Rémi Beaudar ? ou plutôt : Qui se cache sous le pseudonyme de Rémi Beaudar ? Et nous n'avons trouvé en tout et pour tout qu'une seule référence à cet auteur. Il s'agit d'un résultat de vente aux enchères de la maison Pierre Bergé. Le lot 49 de la vente du 7 décembre 2007 (vente d'ouvrages érotiques). Voici la notice de la maison de vente :

BEAUDAR (Rémi). - Lot 49 BEAUDAR (Rémi). [Trois romans pornographiques illustrés]. 1973-1975. 3 volumes in-8 dactylographiés, montés sur onglets, sous couvertures illustrées. Curieux ensemble confectionné par un amateur, sur ses « presses privées ». Les récits délibérément obscènes sont émaillés de photocopies coloriées à la main, illustrant des scènes très crues. Le nom de l'auteur, Beaudar, est évidemment un pseudonyme. L'ensemble se compose de : - Studio 69. Roman porno traduit du danois par Rémi Beaudar. 1973. 96 illustrations. - Christine. Roman illustré. 1974. 120 illustrations. - Oh ! 1975. 88 illustrations.

Tout d'abord nous sommes dans les années 1973-1975 et non pas dans les années 1960. Par ailleurs, s'il s'agit bien comme notre livre, de tapuscrits dactylographiés, ces derniers sont illustrés de photocopies coloriées à la main illustrant des scènes très crues. Cet ensemble de 3 romans se présente comme un roman pornographique traduit du danois pour le premier (Studio 69), et les deux autres comme des productions originales (apparemment, mais nous n'avons pas plus de précisions). Nous n'en saurons pas plus. Cet ensemble était estimé 200 / 300 euros et a été adjugé 1 100 euros.

Sinon, de Rémi Beaudar, sur Rémi Beaudar, rien de rien !





Saurons-nous jamais quelque chose de plus sur ce pornographe ? Rien n'est moins sûr. Qui se cachait derrière cette écriture totalement débridée ? Seul un heureux hasard nous permettra de découvrir un jour, nous ou l'un de nos heureux successeurs es érotico-bibliographie, quelques précieuses informations supplémentaires.

Afin que vous puissiez vous faire une idée du ton de l'ouvrage nous allons en donner ci-dessous quelques extraits choisis après vous avoir donné un semblant de résumé de l'histoire contée dans "Les disciples d'Onan" (tome I).

André Bitred (le bien nommé) a été victime d'un grave accident de voiture trois semaines auparavant. Hospitalisé depuis, immobilisé dans toute la partie supérieure de son corps, buste et bras, seul ses parties inférieures et sa tête fonctionnent encore. Et plutôt très bien ! André était un jouisseur ! L'hospitalisation et des semaines d'inactivités sexuelles vont réveiller ses sens. Aidé en cela par deux charmantes infirmières : la jeune Arabelle, une demi-vierge peu farouche ; et la non moins jeune et jolie Francine, infirmière de nuit aux compétences médicales surdimensionnées. Bref, André reprend vigueur tout d'abord grâce aux douceurs prodiguées par la jeune Arabelle puis par Francine qui prend le relais pour la nuit. Le roman se passe au cours d'une seule nuit pendant laquelle André et Francine se donnent à qui mieux mieux. Francine va voir un autre patient et s'en occupe également (un vieux paysan très membré). Francine revient vers André finir sa garde et ils se racontent leurs initiations respectives. Tout finit en apothéose jouissive. Le tome II (s'il a été écrit) prévoyait le retour d'Arabelle, infirmière de jour, qui devait montrer qu'elle n'était pas en reste au niveau de ses performances sexuelles. Voilà le décor posé. Le scénario donné.

Les illustrations collent parfaitement au texte. Rémi Beaudar avait ce talent de l'amateur volontaire qui veut bien faire sans en avoir trop (du talent). Les dessins sont bien mis en scène mais dessinés un peu à la fruste. Les visages ne sont pas très réussis mais somme toute l'ambiance est là et bien rendue.







Quelques extraits maintenant pour vous faire une idée de la chose :

[...]

— Si ma mère savait quels genres de soins je suis parfois appelée à donner, j'ai l'impression qu'elle me ferait changer de profession.
Arabelle énervait doucement du bout des ongles le sac compact que les couilles faisaient au bas de la verge encore toute frémissante d'avoir été amenée si près du spasme. Puis, les doigts agiles de l’infirmière remontèrent à nouveau à l’assaut de la colonne virile et les ongles pointus se mirent à gratter doucement la peau luisante du gland de plus en plus congestionné. Par amples mouvements à peine appuyés, les doigts tiraient sur le prépuce pour décalotter et recalotter la tête rouge et sensible de l’épieu. La respiration d’André devenait haletante. Arabelle, pour prolonger à la fois son plaisir et celui de son compagnon ralentit son massage jusqu’à ce que ce ne soit qu’un frottement imperceptible, et, pour jouer jusqu’au bout son rôle d’infirmière indifférente, elle déclara.
— Je crois que vous m’avez monté le coup et que votre besoin n’était pas aussi impérieux que ce que vous vouliez bien le dire. Vous auriez pu attendre et dans un moment tout serait rentré dans l’ordre.
— Que non pas ! l’opération était nécessaire, vous verrez d’ailleurs lorsque l’abcès se videra.

[...]

Quoique Arabelle puisse dire, la petite séance de tête roustons à laquelle elle avait été contrainte de se livrer l'avait très fortement excitée. Elle regrettait bien, au contraire que son compagnon ait été privé de l'usage de ses mains car elle aurait apprécié comme il se doit, une incursion digitale du monsieur dans la zone la plus secrète de son individu. Elle se sentait le con en feu et elle avait tellement mouillé pendant qu'elle branlait son client que sa culotte était littéralement trempée et lui collait au derrière. Ne pouvant plus résister, à peine sortie de la chambre d'André, elle alla s'enfermer dans les cabinets, et là, ayant retiré sa culotte, elle s'accroupit au dessus de la cuvette de porcelaine glissa un doigt tremblant de désir jusqu'à son bouton raide et là; les yeux mi-clos le souffle haletant, évoquant dans son esprit la petite scène cochonne à laquelle elle venait de se livrer, elle commença à se masturber. Bien qu'excitée au plus haut degré, la jeune fille, qui aimait beaucoup ces caresses solitaires n'essaya pas de se faire jouir tout de suite. Après quelques effleurements de son clitoris, elle cessa d'attaquer ce point trop sensible et se contenta de caresser doucement du bout de ses doigts les grandes lèvres charnues de sa vulve en dessinant le contour de sa motte en feu. Puis, ses ongles allèrent gratter l'anus bien dégagé par le déploiement des fesses. Après cela, elle revint au bouton durci qu'elle pinça entre le pouce et l'index avec un petit mouvement de va et vient rapide qui rappelait le branlage d'un vit minuscule. Sentant venir le spasme, elle s'arrêta de nouveau, puis reprit sa caresse lente sur les poils blonds qui entouraient le grotte enfiévrée. À 22 ans, Arabelle était vierge, ce qui dans le milieu hospitalier et estudiantin est de plus en plus rare. Oh ne croyez pas qu'Arabelle soit une enfant sage. Loin de là: c'était une vierge folle, qui contentait ses envies de stupre au moyen de bagatelles de la porte. Dans le milieu étudiant, elle était connue sous le nom de Miss POMPIER car elle avait acquis une solide réputation de tailleuse de plumes auprès de ses camarades de faculté. Elle branlait aussi à la perfection. Au cours de surprises parties, elle avait bien des fois offert son con aux caresses digitales et linguales de ses compagnons de débauche, mais la peur d'être engrossée l'avait toujours retenue au moment de se faire baiser. Accroupie sur la cuvette du W.C., notre vicieuse amie continuait donc à se livrer sur elle même à de savants dosages de contacts voluptueux et il faut croire que le résultat de ces caresses ne la laissait pas indifférente car elle poussait des soupirs d'aise tout en se tortillant et des lèvres bien écartées de sa vulve, deux petits filets de cyprine coulaient comme deux stalactites à l'entrée d'une grotte.

[...]

Pour toute réponse, Arabelle se pencha sur le ventre de son client et ouvrant la bouche, y logea le gland enfiévré du malade qui soupira d'aise au contact des lèvres de velours. Baissant la tête, l'infirmière fit glisser dans sa bouche la moitié au moins de la longue colonne, jusqu'à de que la tête camarde de l'outil vienne buter contre son gosier, puis, elle releva son visage en serrant les lèvres et en creusant les joues comme si elle voulait aspirer l'asperge de belle taille qu'elle était en train de déguster avec un plaisir non dissimulé. Du bout des dents, mais sans faire à André le moindre mal, Arabelle serra le gland à la base, tout en titillant d'un mouvement rapide du bout de la langue, l'orifice étroit par lequel tout à l'heure s'élancerait le foutre qu'elle était en train de solliciter. Puis, d'un coup de langue plus ample, elle entoura la tête brûlante de l'engin d'une caresse humide et suave qui fit gémir le malade de plaisir. Après quoi, notre accorte infirmière se mit à serrer la prune dure entre sa langue et son palais et fit glisser la pine ainsi comprimée dans sa bouche par un lent mouvement de va et vient de la tête. Pendant qu'elle agissait ainsi sur les points les plus sensibles de la virilité de son compagnon, Arabelle ne négligeait pas le corollaire habituel de ce genre de caresses et ses doigts agiles malaxaient doucement les burettes du mâle en plein travail, les faisant rouler sous ses doigts tandis que ses ongles effilés grattaient doucement la peau ridée du scrotum. Aussi délicieusement travaillée, la bite de notre héros se mit à vibrer intensément et Arabelle cessa aussitôt de sucer son gros sucre d'orge pour éviter de faire cesser trop vite ce petit jeu qui lui plaisait énormément. La pine libérée et trempée de salive luisait comme un fruit mur et le méat s'ouvrait tout rond comme un œillet au bout du cône violacé qui était tendu à éclater.

 [...]

Demeuré seul, André, repu et satisfait se mit à songer. Ses pensées, comme cela lui arrivait très souvent avaient un penchant pour l'Érotisme. C'était un homme d'une très grande culture et sa façon de se comporter devant le problème sexuel était celle d'un intellectuel. Il estimait qu'il fallait bannir des rapports érotiques, tout ce qui pouvait rappeler le rut bestial des animaux. Son grand plaisir était d'intellectualiser tous ses rapports intimes, estimant qu'il sublimait ainsi les actes que la nature avait institué tout d'abord pour perpétuer les espèces. Il avait un culte tout particulier pour ONAN, ce personnage de la bible qui avait su diviniser l'acte charnel et le retirer de son contexte purement matériel. De même que l'homme civilisé a cessé depuis l'âge des cavernes de manger la viande crue, depuis qu'il a inventé la cuisson des aliments, il a tendu tous ses efforts pour faire de la cuisine un art, et pour transformer en un plaisir sans cesse renouvelé une simple fonction vitale. Pourquoi alors continuer cette étrange aberration des hommes qui ne veulent voir dans l'amour que le simple fait de saillir une femelle et le cas échéant de l'engrosser pour son plus grand désagrément. Qu'y a t'il de plus subtil, songeait il que d'écarter par exemple les fesses d'une femme et de regarder la moite vallée qui sépare les globes laiteux, cette vallée d'un ton plus foncé, aux reflets d'ambre ou de bistre selon que la femme est brune ou blonde. Quel plaisir suave que de regarder palpiter dans ce mystérieux sillon les plis serrés d'une rosette frémissante et, en approchant ses narines de humer le fumet léger qui s'en dégage et dont les effluves vous parcourent l'épiderme et vous font à demi pâmer. Et que dire de la vulve? cette bouche intime aux cent visages. Car, la vulve si l'on sait bien la regarder, c'est le visage intime de la femme que l'on aime. Il n'y a que les sots pour croire que toutes les vulves se ressemblent. André, lui, aurait été capable de reconnaître toutes ses maîtresses rien qu'à la vue de leurs entre cuisses. Il est des cons mutins et rieurs, dont les babouines roses s'écartent en frémissant pour dégager une bouche rose et luisante. Il en est d'austères et de solennels devant lesquels on a envie de prier et auxquels on rend une sorte de culte. Il en est de vastes et accueillants, dans lesquels la pine se sent à l'aise et a tout de suite envie de pénétrer. D'autres au contraire, semblent pudiques et discrets et c'est presque avec appréhension que l'on ose en fracturer l'entrée avec un gros mandrin bien dur et bien bandé. Il y a ceux des vierges, que notre héros savait respecter car il savait que la copulation n'est pas la seule formule de la volupté. André évoquait les cons des brunes, tout couverts de toison épaisse au milieu de la quelle la fente rouge du sexe s'ouvre comme une blessure. Il pensait au con des blondes, au pubis plus charnu, aux grandes lèvres plus épaisses et dont la toison est toujours plus discrète dissimulant fort peu les détails de la fente dans la dépression de laquelle on voit parfois dépasser le point rose d'un clitoris indiscret.

[...]

Nous nous arrêterons là pour les extraits. Notre ambition étant de pouvoir numériser intégralement ce texte pour en donner une édition numérique. Un inédit en somme !








Pour finir il nous faut vous donner à voir quelques illustrations de l'auteur. Elles ne sont pas toutes réussies (à notre goût) mais elles ont pour le moins le mérite de coller admirablement au texte et de donner une ambiance "amateur" un peu désuète mais non dénuée de charme.

Pour finir disons que ce tapuscrit était conservé dans une méchante reliure amateur en demi toile et matière plastifiée sur les plats, avec de méchantes traces de colle dans les marges des premiers et derniers feuillets. Cette reliure semble être la première reliure amateur, probablement réalisée par l'auteur-illustrateur même.

Vous en savez plus que moi ? N'hésitez pas à partager vos lumières sur ce sujet.

A suivre ...

Bertrand Hugonnard-Roche
Publié le 27 octobre 2025 pour le Bibliomane moderne

jeudi 23 janvier 2025

Etat complet du matériel typographique pour l'ouvrage : Discours sur l'origine et les fondemens de l'inégalité parmi les hommes. Un volume au format in-16 publié sous l'adresse de Londres en 1782 (en réalité imprimé à Paris par Jacques-François Valade)

Bonjour à tous,

le Bibliomane moderne n'est pas mort ! moins actif certes, mais point livide ou trépassé !

voici ci-dessous un état du matériel typographique utilisé pour imprimer le petit volume intitulé :  Discours sur l'origine et les fondemens de l'inégalité parmi les hommes, par J. J. Rousseau, Citoyen de Genève.

Publié en 1782 sous l'adresse de Londres.

Ce matériel typographique serait celui de l'imprimeur parisien Jacques-François Valade, producteur de petits volumes dits "formats Cazin". Valade fut d'ailleurs un temps associé au libraire Cazin, lire à ce sujet l'excellent ouvrage de Jean-Paul Fontaine, Cazin, l'éponyme galvaudé (2012) (*).

J'ai trouvé, ayant en main ce petit volume, qu'il était intéressant de mettre ensemble sous la forme d'un seul billet, l'ensemble des ornements typographiques (filets, fleurons, vignette) et aussi les diverses polices de caractères utilisées, afin de les avoir en mémoire, et pouvoir ce dire un jour : "ça c'est Valade !"






unique vignette gravée sur bois utilisée dans ce volume
(elle se trouve au verso de la page 241)






Bertrand Hugonnard-Roche
pour le Bibliomane Moderne


(*) Résultat de plus de quinze années de recherches sur le célèbre libraire et éditeur parisien, d'origine rémoise, Hubert-Martin Cazin (1724-1795), cet ouvrage, préfacé par Christian Galantaris, libraire expert honoraire près la Cour d'appel de Paris, renouvelle la biographie et la bibliographie de Cazin, pour lesquelles les bibliophiles, les libraires et les universitaires ne disposaient que d'un ouvrage fautif publié il y a un siècle et demi.

lundi 18 novembre 2024

Des chiffres et des lettres ... B C couronné (couronne de Vicomte) sur une reliure française de 1844 (signée E. GAUBERT). Une idée ?

Bonjour à tous,

Je ne vous oublie pas (ceux qui lisent encore ici), désormais la plupart des posts du Bibliomane moderne sont mis en ligne sur cette adresse : https://www.lamourquibouquine.com/blog-bibliomane-moderne

Je poste ici cette petite recherche en cours (19 novembre 2024), nous verrons bien si cette recherche trouve un écho parmi les lecteurs du Bibliomane moderne (il m'est arrivé de recevoir des réponse plusieurs années après avoir posté ...)




Un petit jeu pour bien commencer la semaine !

Des chiffres et des lettres ...
Qui saura trouver l'identité du propriétaire-bibliophile qui se cache derrière ce chiffre couronné ? Les lettres B et C en gothique surmontées d'une couronne (à priori une couronne de Vicomte).
Ce chiffre couronné se trouve poussé à froid sur une reliure datant de 1844 et signée par E. Gaubert (plein chagrin rouge)
A vos claviers !

mercredi 15 mai 2024

"On peut tromper mille fois mille personnes, non, on peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes. Non, on peut tromper une fois mille personne mais on peut pas tromper mille fois une personne. Non..." ou le Boccacio de 1527, non ! le Boccacio de 1729 ! en reliure de 1880-1890 ! Une histoire bibliophilique sur plus de 500 ans ! non ?

    La bibliophilie est riche en historiettes amusantes, étranges voire souvent étonnantes ! En voici une qui mérite d'être contée même bon nombre de bibliophiles la connait déjà.

    On a beaucoup glosé sur l'édition de 1527 du Décaméron de Boccace. Revenons cependant un instant sur cet ouvrage qui mérite qu'on en trace les contours historico-littéraires.

    Durant la peste qui frappa la ville de Florence en 1348 et dont l’auteur Giovanni Boccaccio (1313-1375) fût témoin, trois jeunes hommes et sept jeunes femmes se réunissent à l’église Santa María Novella et prennent la décision de s’isoler dans une villa lointaine pour échapper à la peste. Dans ce lieu, pour éviter de repenser aux horreurs qu’ils virent, les jeunes gens se racontent des contes les uns aux autres. Ils restent durant quatorze jours dans la villa mais ne racontent aucune histoire les vendredis et samedis. Le titre vient donc de ces dix journées de contes. Chaque jour, un participant tient le rôle de « roi » et décide du thème des contes. Cependant, le premier et le neuvième jours, cette règle n'est pas appliquée. Au total, l'œuvre se compose de cent récits de longueur inégale. Les sources qu’utilise Boccace sont variées : des classiques gréco-romains aux fabliaux français médiévaux. La femme et la condition féminine est au centre de la plupart des nouvelles. Les moines et l'église ne sont pas épargnés par des récits souvent scabreux, ce qui vaudra un siècle plus tard une condamnation par l'église de Rome. Mais l'ouvrage a acquis une telle célébrité et a été tellement diffusé et traduit que cette réprobation de l'église ne sert à rien.

    Le Décaméron a été rédigé en italien de Florence entre 1349 et 1353 (Il Decameron ou Decameron). Il circula en manuscrit pendant plus d'un siècle. La première édition italienne imprimée du Décaméron, connue sous le nom d'édition Deo Gratias, a paru aux environs de Naples vers 1470 (elle n'est pas datée). Le Décaméron a été très tôt adapté en français. Une première fois dans les années 1415 (depuis une version latine et non italienne) par Laurent de Premierfait. D'abord sous forme de manuscrits puis imprimé (avec de nombreuses modifications) dès 1485 sous différents titres : Livre de cent nouvelles ; Bocace des cent nouvelles ou Le Livre Cameron autrement surnommé le prince Galliot. Il a ensuite été retraduit par Antoine Le Maçon, secrétaire de Marguerite de Navarre en 1545. Les éditions italiennes du Décaméron sont très nombreuses. Si les Alde de Venise en ont donné une très belle édition en 1522 qui passe pour très correcte et très recherchée, c'est l'édition de Florence par Giunta en 1527 qui passe pour être la plus belle de toutes les éditions anciennes. Cette édition de 1527 a depuis lors été recherchée par les amateurs de raretés. Les exemplaires sont si rares que peu de grandes bibliothèques privées ou publiques en possèdent de beaux exemplaires bien conservés et complets de tous les feuillets d'origine. C'est un joli volume de format petit in-4 de 284 feuillets chiffrés non compris le titre et 6 feuillet non chiffrés placés à sa suite. L'impression est en petit caractère italique. Un exemplaire de cette très rare édition de 1527 en reliure d'époque décorée a été vendu 21 000 livres sterling en septembre 2019 (Dominic Winters Auctioneers). En voici la description faite par la maison de vente :

Boccaccio (Giovanni). Il Decamerone. Nuovamente corretto et con diligentia stampato, Florence: heirs of Filippo di Giunta, 1527, [8], 284 leaves, signatures 2A8 (2A8 blank), 2A8 a-z8 &8 [con]8 [rum]8 A-H8 I12, woodcut Giuntine device to title-page and verso of final leaf, italic types, spaces with printed guide letters, title-page somewhat damp-stained, tipped to initial blank and slightly marked from erasure of 2 old ownership inscriptions, small spot to following leaf 2A2, small damp-stain to lower margins of f3 and s1-2, closed tear in I4 touching a few letters both sides to no effect on legibility, faint tide-mark to final 50 or so leaves, first appearing at head of gutter in quire F, gradually becoming stronger and extending into upper outer corners of text, endpapers sometime renewed, inner hinges tightened. Contemporary Italian binding of dark brown goatskin over pasteboard, sewn on 3 cords, spine with 3 thick raised bands alternating with 4 narrow false bands, compartments with simple floral centrepieces within thick-and-thin blind rules, interlacing rectilinear strapwork design in gilt and blind to covers incorporating central lozenges lettered 'Di Michele da Prato', edges gilt gauffered with ropework pattern, traces of 4 pairs of ties, spine-bands and joints rubbed, headcap torn but largely intact, board-edges slightly rubbed, corners worn, 4to in 8s (21 x 13.6 cm) (Quantity: 1) Brunet I 998-999; Gamba (1828) 156 (‘Rarissimo’); Renouard, ‘Notice sur la famille des Junte’, supplement to Annales de l’imprimerie des Alde, (1834), 93; STC Italian p. 110; not in Adams; see further Kirkham et al., eds., Boccaccio: A Critical Guide to the Complete Works, pp. 42-8. The famous 1527 Giunta edition of the Decameron, known as the Ventisettana, with all the points listed by Brunet distinguishing it from the Venetian facsimile edition of 1729 (Adams B2147). ‘There are few books which have acquired such great esteem and value’ (Renouard). Printed in the year in which Florence threw off Medici rule during the War of the League of Cognac, the Ventisettana was the work of several Florentine humanists, who collated Delfino’s edition printed at Venice in 1516 against manuscripts including the important Mannelli copy made in 1382. It superseded all previous editions and quickly acquired immense prestige, serving as the direct model for all subsequent versions until the 1761 Lucca edition, which was based solely on the Mannelli MS but reproduced much of the textual apparatus of the 1527 edition. Provenance: In a superb contemporary Italian binding in the Grolieresque style developed by the Pflug and Ebeleben binder of Bologna, but perhaps exhibiting greater similarity to the work of the Sienese craftsman active c.1520-40 who is identified in Anthony Hobson’s essay ‘A Central Italian Bookseller and Bookbinder’ (Gutenburg-Jahrbuch 2010, pp. 215-20). Hobson emphasises the Pflug and Ebeleben binder’s predilection for curvilinear fillets as opposed to the rectilinear style of the Siena binder. The panelling seen in the present copy is more elaborate than the forms which Hobson describes, but the other features which he identifies as typical of the Sienese binder’s work are much in evidence: ‘With few exceptions all lines cross each other at right angles. The bindings are of goatskin, usually black, but sometimes red or dark olive-brown, over stiff pasteboards. The edges of five of the more elaborately decorated volumes are gilt and gauffered … Nearly all the volumes were fitted with four pairs of ties. They are sewn on three wide bands. The compartments between the bands are decorated with double blind lines in a variety of patterns … The more elaborately decorated covered were given four false bands alternating with the real ones’ (op. cit., p. 215). The Michele da Prato named on the covers is conceivably Michele Modesti da Prato (b.1510), son of Jacopo Modesti (1463-1530), ‘who had been one of the officials [most] closely involved with the Medici as Chancellor of the Riformagioni from 1515 to 1527, when he was dismissed with the overthrow of the regime’ (H. A. L. Knox, Opposition to Government in Early Sixteenth-Century Florence 1494 -1530, unpublished PhD thesis, Edinburgh, 1998, p. 148). Michele himself was imprisoned in 1528 for criticising the rulers of the short-lived republic, which ended with the restoration of Medici control in 1530. His sister, Dorotea, married into the Giunta family (Treccani, online). An exceptional copy of one of the emblematic books of the Italian Renaissance.

    Cette édition a tant attiré la convoitise des plus grands bibliophiles qu'on a méchamment pensé à les tromper. En 1729, une contrefaçon de cette édition de 1527 a été faite, à Venise, chez Pasinello, par les soins d'Etienne Orlandini, et aux frais de Salvatore Ferrari. Cette édition, dont les caractères neufs ont été fait spécialement pour imiter l'italique de Philippe Giunta, a, selon la tradition et les divers écrits des bibliographes, été imprimée à 300 exemplaires seulement. Cette contrefaçon a été imprimée sur un très beau papier vergé fin fabriqué également pour l'occasion. L'imitation a été si bien faite, tant dans la justification des lignes, les caractères, etc. que les premiers bibliophiles à avoir découvert cette contrefaçon se seraient laissés trompés. Cependant des différences existent bien entre l'édition de Forence de 1527 et son imitation de 1729 sortie des presses vénitiennes d'Orlandini. Même si le bibliographe Brunet dans son Manuel insiste sur le fait qu'on peut aisément faire la différence entre les deux impressions "au premier coup d'oeil", il liste les détails typographiques qui permettent de faire la différence. Les a qui ont la tête en pointe dans la première édition de 1527 ont la tête ronde dans l'impression de 1729. C'est sans doute l'argument principal qui permet en effet de faire de suite la différence. Nous avons pu comparé les deux impressions et d'autres lettres sont légèrement différentes également bien que très proches les unes des autres. Brunet précise également que dans l'impression de 1729 le caractère est neuf tandis que l'impression de 1527 a été faite avec des caractères usés. Brunet indique ensuite des différences dans la numérotation des feuillets et signale que les erreurs de foliotation de l'édition de 1527 ont été corrigées dans l'impression de 1729. Pour être encore plus précis une page pleine mesure 153 millimètres de hauteur (justification) et seulement 149 millimètres dans l'imitation (ce point n'est pas totalement vérifié sur l'exemplaire que nous avons de l'imiation puisque dans notre exemplaire une page pleine mesure 158 mm avec le titre courant et les signatures de bas de page ou bien 149 mm sans). D'autres petites différences sont notées par Brunet. Néanmoins la mise en forme générale, la marque du libraire parfaitement imitée, le colophon avec le registre et la date d'impression, tout est imité sur l'originale avec une certaine perfection et volonté de tromper l'amateur non éclairé par un bibliographe averti (remettons-nous dans le contexte du XVIIIe siècle au moment de la mise en circulation de cette imitation dans les premières semaines après l'impression de 1729). Cette imitation ne tromperait plus personne aujourd'hui. Déjà dans les catalogues de vente de livres rares de la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle cette imitation est parfaitement décrite.

    Cette petite histoire méritait d'être à nouveau contée aux bibliophiles du XXIe siècle. Nous l'illustrons avec des photographies d'un exemplaire de l'imitation de 1729 relié à la fin du XIXe siècle en plein maroquin rouge par Visinand. Nous donnons également quelques points de comparaison entre les deux éditions grâce aux photographies de la vente en 2019 de l'exemplaire de 1527.



Ci-desus page de titre de l'imitation de Venise, imprimée en 1729



Ci-dessus page de titre de l'édition de Florence, 1527



Ci-dessus première page de texte de l'imitation de 1729



Ci-dessus première page de texte de l'édition de Florence, 1527



Ci-dessus verso du dernier feuillet (marque) de l'imitation de 1729













Ci-dessus quelques pages de l'imitation de 1729




Ci-dessus reliure plein maroquin signé Visinand (ca 1880-1890) sur l'imitation de 1729



Reliure de l'époque décorée sur l'édition de 1527
(exemplaire adjugé 21 000 livres sterling en 2019)









Ci-dessus quelques pages de l'édition de 1527


Bertrand Hugonnard-Roche

Publié pour le Bibliomane Moderne le 15 mai 2024

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