mardi 27 novembre 2012

Anecdotiana du Bibliomane moderne : Une lettre surprenante du jeune Marcel Proust (18 mai 1888). "J'avais si besoin de voir une femme pour cesser mes mauvaises habitudes de masturbation que papa m'a donné 10 francs pour aller au bordel. (...)"

On est inconséquent quand on a 17 ans ! C'est ce qu'aurait dû se dire le jeune Marcel Proust avant d'écrire de la sorte à son cher petit grand père ...

J'ai toujours pensé que la vie n'était pas très sérieuse ; qu'il y avait forcément quelque chose de louche à vouloir nous faire suivre un chemin les yeux bandés, sans savoir où, quand, qui, ou pourquoi. L'ombre des jeunes filles en fleurs, la recherche du temps perdu, les plaisirs et les jours, le temps retrouvé ... il n'y a bien dans tout ce fatras que le parfum des jeunes filles en fleurs à l'ombre du temps perdu que le jeune Marcel Proust n'aura guère goûté.

J'ai toujours exécré les cours de français pendant lesquels ma professeure de l'époque (un brin neurasthénique) essayait de nous fourrer dans le crâne des commentaires de textes prédigérés et aseptisés. Je n'ai jamais compris comment une professeure fut-elle agrégée de lettres modernes pouvait rentrer dans la tête d'un auteur et être certaine sans faillir, de savoir. Savoir la pensée de celui qui couche les mots sur le papier. Quelle prétention ! Je ne suis toujours pas revenu de cette idée.

Il n'y a bien qu'une seule catégorie de documents qui pourrait peut-être permettre d'envisager entrevoir un infirme bout de la vérité des gens ... La correspondance. Pas la correspondance officielle, pas les lettres obligées ou obligeantes, non, la correspondance libre, celle qu'on aurait dû jeter au panier parce qu'elle nous perce à jour sournoisement. D'ailleurs je crois que mes morceaux de littérature préférés sont les lettres. Initié en cela avec la divine marquise de Sévigné. Libre en son genre, hélas précieuse par son siècle. J'ai aimé la correspondance de Victor Hugo, Napoléon, Talleyrand, Voltaire, Rousseau, etc. Uzanne évidemment. Rops aussi. Mirbeau, Barbey d'Aurevilly, etc. Je ne pense pouvoir les approcher de près que par cette voie : la lettre.

L'autre soir je lisais la septième partie du catalogue de la vente de la bibliothèque Jacques Guérin (Paris, 20 mai 1992). Splendide catalogue ! Livres et manuscrits importants. Que de l'exceptionnel ! 117 numéros à tomber parterre ! Mon attention a été attirée par le n°60 : PROUST (Marcel). LA LETTRE SURPRENANTE. Lettre autographe signée "Marcel" à "mon cher petit grand père". (sans lieu ni date - marquée en haut à gauche : 18 mai 1888). 2 pages 1/4 in-12. Marcel Proust a 17 ans en 1888.

On est inconséquent quand on a 17 ans !

Les experts de la vente pour les manuscrits, Michel et Maryse Castaing écrivent en guise de préambule : Témoignage inattendu, document capital, qui se passe de commentaire ... (voir reproduction intégrale).

Voyez donc également par vous-même ci-dessous la reproduction de la page entière du catalogue. En réalité la reproduction n'est pas intégrale puisqu'il manque le fac similé pour la deuxième partie de la lettre.


Bibliothèque Jacques Guérin, septième partie
Livres et Manuscrits importants,
Paris, 20 mai 1992


Voici le début du texte (je vous laisse rétablir les ... en regardant le fac similé de la lettre).


"Je viens réclamer de ta gentillesse la somme de 13 francs ... Voici pourquoi.
J'avais si besoin de voir une femme pour cesser mes mauvaises habitudes de masturbation que papa m'a donné 10 francs pour aller au bordel. Mais 1° dans mon émotion j'ai cassé un vase de nuit, 3 francs 2° dans cette même émotion je n'ai pas pu baiser. Me voilà donc comme devant attendant à chaque heure davantage 10 francs pour me vider ... mais je n'ose pas redemander sitôt de l'argent à papa et j'ai espéré que tu voudrais bien venir à mon secours dans cette circonstance qui tu le sais est non seulement exceptionnelle mais encore unique : il n'arrive pas deux fois dans la vie d'être trop troublé pour pouvoir baiser ..."


Effectivement cela se passe de commentaires ...

Cependant, avec le recul (comment veux-tu ... comment veux-tu ... ), je me dis que si pendant mes années de lycée j'avais eu connaissance de cette lettre salée du jeune Marcel Proust, j'en aurais fait bon usage auprès de ma charmante professeure de lettres modernes ...

Ainsi va la vie ...

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 24 novembre 2012

Ce qu'est un livre rare à l'aube du XXIe siècle : Nouvelle méthode pour prendre copie de toutes les écritures par un procédé extrêmement simple. Hambourg, P.F. Fauche, 1796.

Qu'est-ce qu'un livre rare à l'aube du XXIe siècle ? Les Fables de La Fontaine illustrées par Oudry en maroquin d'époque ? Il en passe allègrement une bonne dizaines d'exemplaires par an en salle des ventes ou chez les libraires à gros budgets. Un incunable à figures sur bois en reliure de l'époque estampée à froid ? C'est plus rare mais ça se trouve si on n'est pas trop difficile sur le contenu (mais les bibliophiles ne lisent pas c'est bien connu). Un illustré moderne avec peintures ou dessins originaux de Picasso, Chagall, Matisse, qui sais-je ? On en trouve en y mettant le prix ! Alors un livre vraiment rare, un livre qui frise l'introuvable, c'est quoi en ce début de XXIe siècle crisiforme mais néanmoins boulimique de beaux ouvrages ? C'est un livre qu'on ne trouve nulle part, ni chez les libraires en ligne, ni dans les dépôts publics, ni dans aucune librairie ancienne de France et de Navarre. Cela existe-t-il vraiment ? Quels livres sont concernés ? Combien ? Que peut-on savoir de derrière sa machine virtuelle ? Interroge-t-on Vialibri ? Rien. Interroge-t-on le Catalogue Collectif des Bibliothèques de France (CCfr) ? Rien. 

Interroge-t-on Google (le Messie) ? Rien. Interroge-t-on l'ensemble des ressources du net ? Rien. Rien. Rien. Quand on ne trouve rien, c'est sans aucun doute que le livre qu'on a sous les yeux et qui résiste à nos investigations est rare. On peut le dire. Je crois même qu'en l’occurrence on pourrait dire sans trop de forfanterie qu'il est rarissime (mot à n'utiliser qu'avec des pincettes ... sur le nez) ! Quid ? Quo ? Quod ? se serait écrié le Bibliophile Jacob reclus dans son grenier de l'Arsenal. Mais plus de Paul Lacroix pour répondre à nos interrogations légitimes. Il faut se débrouiller avec les outils à notre disposition. Evidemment il faudrait faire le tour de toutes les librairies de France et de Navarre pour savoir si notre exemplaire n'a pas niché entre deux poutres vermoulues ou entre deux rayonnages bancals, chez un libraire archaïque pour qui internet est une sorte de puits sans fonds qui reflète toute la misère du monde. Mais le pourrait-on vraiment qu'on n'userait pas notre énergie à cela. Rien, rien, rien ! Notre livre est décrété orbi et orbi RARISSIME ! Et qu'on vienne nous démontrer le contraire !

Mais quid au juste ? Parce que vous pensez bien que si je bredouille sur le sujet, c'est que j'ai matière à moudre.
This is it ! (Mickael si tu m'entends...)

Nouvelle méthode pour prendre copie de toutes les écritures par un procédé extrêmement simple.

Plaquette in-8 (20,5 x 13 cm) de 16 pages seulement ! Publiée à l'adresse d'Hambourg chez P. F. Fauche, imprimeur et libraire, en 1796.

Qu'est-ce au juste ? Pour faire court disons qu'il s'agit d'une méthode pour "polycopier" les documents manuscrits en un certain nombre d'exemplaires, tout en évitant d'utiliser la machine à cylindre, peu connue et alors fort coûteuse. L'auteur, resté anonyme, indique comme procéder, sans aucune construction mécanique, le tout de l'invention résidant dans une encre spécialement préparée et un papier particulier. La méthode est expliquée de manière tout à faire claire et pratique. Le tout en à peine plus d'une dizaine de pages.
Document à la fois très intéressant pour la science de la reproduction des documents et très agréable à lire.

Quo ? Quel est l'auteur de cette méthode ? Est-elle originale ? A-t-elle connue des applications ? Si je lis bien entre les lignes, c'est à quelque chose près la méthode de l'impression offset qui ne sera inventée que dans le début des années 1970 ! Nous serions donc ici en présence d'une sorte de pré-invention de l'offset (dénué de toutes les avancées technologiques qu'on connait bien évidemment) datant de 1796 ! Soit près de deux siècles d'avance sur l'heure ! ...
Alors ? Me suis-je trompé ? Ce livret n'est-il pas si rare ? N'est-il finalement pas si important du point de vue de l'histoire des sciences ? Nous attendons avec impatience les sentences irréfutables de nos experts es sciences que sont Bernard, Eric, etc.

Juste un mot pour finir. Cette plaquette avait été se perdre au fond d'une caisse de rebut ... livres incomplets, éternels trainards de la librairie ancienne qu'on abandonne aux chiens dans un coin de grange ... ma curiosité aura eu raison de cette petite chose insignifiante qui fait que finalement on est libraire-bibliophile ou bibliophile-libraire.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

vendredi 23 novembre 2012

Anecdotiana du Bibliomane moderne : Le Libraire Glady.

Un rédacteur de la République française, visitant le nouvel asile municipal de nuit ouvert à Paris, y a rencontré, sollicitant son admission, un libraire dont nos lecteurs n'ont sans doute point oublié le nom, Louis Glady. Voici ce que raconte le chroniqueur :

"Un homme d'une quarantaine d'années se présente au guichet.
" - Votre nom ?
" - Louis Glady.
" - Votre état ?
" - Homme de lettres, ayant demeuré rue Cloche-Perce.

" Homme de lettres ? Par-dessus la tête de l'employé, nous regardons curieusement ce pauvre hère. Louis Glady ? C'est un nom parisien ... et bien connu celui-là, il y a quelque dix ans. L'erreur n'est pas possible. C'est bien un des frères Glady qui frappe à la porte de l'asile. Les Glady tinrent autrefois une boutique d'éditeur bien achalandé, rue des Colonnes, près de la Bourse. Ils publièrent d'abord, à grands frais, une Manon Lescaut (1875) avec eaux-fortes de Flameng et préface d'Alexandre Dumas ; puis une Imitation de Jésus-Christ, traduite par Veuillot et que J.-P. Laurens commença à illustrer ; Veuillot l'arrêta dans son travail ; il ne le trouvait pas assez mystique. Enfin, un des Glady - Albéric - s'avisa de toucher une plume et écrivit un grand roman, Jouir (1875), dont le titre n'était pas seulement prometteur de polissonneries. L'auteur de Jouir fut condamné durement, et, en compagnie de son frère Louis, passa en Angleterre. De là, nous vinrent avec cette firme énigmatique : Non Gladio Gladi des éditions bizarres ; une Daphnis et Chloé où les paroles du berger étaient imprimées en bleu et celles de la bergère en rose. Puis un beau matin, éclipse complète des éditeurs de Jouir. Il a fallu le hasard d'un reportage dans les bas-fonds parisiens pour amener à la surface le nom du survivant des deux frères."

Ainsi va la vie ... si vous entendez parler des frères Glady ... complétez leur histoire ! (ils méritent).

Cette anecdote a été relevée dans la Gazette Bibliographique de la revue Le Livre, Bibliographie Moderne, livraison n°86 du 10 février 1887, page 98, Octave Uzanne rédacteur en chef.

Nous ne savons ni la source, ni le conteur de cette historiette bien plaisante. Si cette rubrique Anecdotiana vous plait, je vous en proposerai d'autres prochainement.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 20 novembre 2012

Anecdotiana du Bibliomane moderne : Le Bibliophile et sa servante.

Fréquemment on rencontre sur les quais des gens qui modifieraient volontiers le mot de Richard III et qui s'écriraient : "Un bouquin ! Un bouquin ! Mon royaume pour un bouquine !" Les "bouquineurs" sont les héros d'une foule d'anecdotes, en voici une qui vient d'être rééditée :

"Un célibataire frisant la cinquantaine était un amateur passionné de bouquins. Une vieille servante prenait soin de son intérieur. A force de ranger et d'épousseter la bibliothèque de son maître, Augustine fut prise d'une folle envie de lire. La voilà donc dépensant tous ses gages à s'acheter des livres.
"Et, chose curieuse, c'était aussi de vieux livres qu'elle lisait. Une après-midi, un peu avant le dîner, elle arrive avec un paquet d'ouvrages acquis à la "cour des Miracles et à la grande Truanderie des livres parisiens". Par curiosité, le maître feuillette les bouquins. Tout à coup, sa face s'illumine.
"- Combien as-tu payé ça ? dit-il en montrant un volume piqué outre mesure.
" - Quinze sous, répond Augustine.
" - Quinze sous ... Mais cet ouvrage vaut vingt mille francs, s'écria le bouquineur.
" Il réfléchit trop tard qu'il venait de dire une bêtise.
" En vain, il essaya de se reprendre.
" - Je te l'achète cinquante francs ? demanda-t-il.
" - Monsieur m'a dit qu'il valait vingt mille francs.
" Augustine était rusée. Le bouquineur alla jusqu'à 1.500 francs. C'était une première édition, très rare, de Montaigne. Il eut beau marchander, sa servante ne voulait pas rabattre un radis des 20.000 francs.
Cette somme était difficile à débourser ! La nuit, le bouquineur rêvait du Montaigne.
" Bientôt, il ne put plus résister. A tout prix, il lui fallait le bouquin.
" - Cette fille me soigne bien ; elle paraît avoir la même passion que moi, se dit-il un matin où il était plus obsédé que jamais. Pourquoi ne l'épouserais-je point ? J'aurais ainsi mon Montaigne.
" Et il se maria avec sa servante qui apportait un bouquine en dot."

Ainsi va la vie ...

Cette anecdote a été relevée dans la Gazette Bibliographique de la revue Le Livre, Bibliographie Moderne, livraison n°86 du 10 février 1887, pages 97-98, Octave Uzanne rédacteur en chef.

Nous ne savons ni la source, ni le conteur de cette historiette bien plaisante.

Si cette rubrique Anecdotiana vous plait, je vous en proposerai d'autres prochainement.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 15 novembre 2012

Ex Libris gravé sur bois avec la devise : "Portio mea, Domine, sit in terra viventium."


45 x 40 mm
Bois gravé non signé.


Le premier qui me répond Jean Grolier a un gage !

Bonnes recherches !

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

Curiosa etc ... Liqueurs & Parfums : suite de 12 cuivres coloriés à la main à la fin du XIXe siècle.


L'exercice de la librairie ancienne et moderne réserve parfois de belles surprises, telle cette rare suite d'eaux-fortes libres fin XIXe siècle.

Pour la description matérielle disons qu'il s'agit de deux suites de 6 gravures toutes coloriées à l'époque à la main. La première suite porte pour l'une d'entre elles le titre gravé dans la planche "Liqueurs & Parfums". Cette première suite est imprimée sur papier teinté ressemblant fort à un papier Japon. Les feuillets mesurent 22,5 x 14 cm et la cuvette (cuivre) 11,7 x 9,2 cm environ. La deuxième suite est imprimé sur un papier différent, papier vergé fin filigrané. Les feuilles mesurent 18,5 x 13 cm seulement et la cuvette (cuivre) 11,7 x 9 cm environ. En somme, bien que les deux suites soient tirées sur papier différent, les cuivres sont eux, de taille presque identique. La deuxième suite porte également sur l'une des gravures "Liqueurs & Parfums". En clair ces deux suites servaient à illustrer 2 tomes d'un même livre. Aucune gravure n'est signée. On trouve juste au bas le numéro de la page pour le placement dans le livre.

Liqueurs & Parfums est un roman pornographique paru en 1893 sous le pseudonyme de la Vicomtesse de St-Luc. Liqueurs et Parfums des Importantes Fabriques de Lesbos, Cythère et Gomorrhe, Tome I [seul, le Tome II est publié séparément] pour être exact. En épigraphe : « Pas de flagellation, pas de godemichés, pas de chiens, rien que la chair humaine, mais toute la chair humaine sans aucune réserve. » (Mlle X… du Théâtre français). Ouvrage publié sous l'adresse de G. Labaucher [Gaucher], Montréal, Canada [Paris].

L'édition originale est parue sous les mentions "Montréal, Canada. Le Baucher, Libraire Éditeur. 1893", [Amsterdam, Brancart, 1893]. Publié en 1893 pour le premier volume et 1894 pour le second. Cf. Dutel vol. 1, 469. Pour l'édition Gaucher : "Édition publiée et imprimée sur un papier vélin, à Paris entre 1900 et 1904". Cf. Dutel vol. 1, 471. Troisième volume de la trilogie érotique de la Vicomtesse de Saint-Luc, qui comprend : Fleurs de Chair et Autour du mariage de Paulette. Ouvrage réédité sous les mentions : Saint-Luc, Vicomtesse de, Liqueurs féminines. Parfums sexuels, Cette Année [s.l., s.n., v. 1940]. Édition ornée de 12 illustrations en couleurs, reproduisant des dessins inédits de Rojan. Le texte du Tome II uniquement a été réédité sous la seule mention de titre Les Curiosités [s.l., s.n., s.d.] dans une édition publiée v. 1959 par Éric Losfeld, ornée de 8 illustrations en couleurs. Référence / Reference : Bécourt 46 : Condamné par le tribunal correctionnel de la Seine 17e chambre le 18 décembre 1954; condamné par le tribunal correctionnel de la Seine 17e chambre le 26 février 1955. Condamnation pour la réédition publiée sous le titre Liqueurs féminines. Dutel vol. 1, 471. "Madame la vicomtesse de Saint-Luc, en faisant ses adieux à la littérature érotique, a voulu donner à ses lectrices un véritable chef-d'oeuvre: saphisme, sodomie féminine, perversités les plus incroyables..." Source: Dutel vol. 1, 469. (source Bibliocuriosa)

Cette petite suite réjouissante ne me semble pas si courante que cela ... mais je laisse les grands spécialistes trancher la question.

Voici les 12 estampes en images.














Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

lundi 12 novembre 2012

Courrier des lecteurs : M. H. s'interroge : quel est le meilleur moyen de devenir libraire (de livres anciens et d'occasions) ?


Quel est le meilleur moyen de devenir libraire
(de livres anciens et d'occasions) ?


"Cher rédacteur du très estimable blog « le bibliomane moderne », Je me permets de vous écrire ces quelques lignes pour solliciter votre renfort afin de trouver auprès de vous conseil. Je suis étudiant à l’université de philosophie de Strasbourg (ma première année), un lieu fort propice à la méditation et au plaisir de l’esprit. Cependant me voilà gagné, depuis déjà un certain temps, par un étrange sentiment : je crois que je suis tombé amoureux des livres, et plus particulièrement des beaux livres! C’est devenu une véritable obsession qui me pousse sans cesse à me renseigner, à étudier toujours plus sur la diversité des livres et leurs secrets. Ce qui me plaît le plus dans cet objet est la beauté des matières (tel que le cuir, le papier,…), la sagesse qu’il renferme, la splendeur des gravures … bref tout ce qui fait le charme d’un livre. J’aimerais réellement faire de cet amour du livre mon métier. Mais voilà, je me sens submergé par des interrogations qui restent, hélas, sans réponses. J’ai l’espoir que vous pouvez éventuellement m’aider, me conseiller afin de me diriger sur le bon chemin. - J’aurais ainsi voulu, connaitre, quel est le meilleur moyen de devenir libraire ? Notamment en librairie spécialisé dans les livres d’occasions et de belles éditions. - Quelle formation plébisciter ? - Un rapport maître/élève est-il le plus souhaitable ? - Si oui, comment constituer et favoriser au mieux cette collaboration ? Tous vos conseils seront les bienvenus. La chance d’être débutant (au sens le plus noble du terme) est de pouvoir s’émerveiller et d’être studieusement à l’écoute de toutes sagesses. Je vous pris d’accepter, chaleureusement, mes salutations les plus distinguées. Continuez à distiller autant de passion et de ferveur à travers votre attachant blog."

M. H.

Je répondrai à M. H. en commentaire bientôt, mon ressenti, mon expérience personnelle, seuls éléments pour lesquels je suis apte à m'exprimer. En attendant je dois dire que parler ainsi de l'amour des livres à 20 ans ... c'est encourageant pour l'avenir ! La jeunesse est à nos portes, accueillons-là !

Si vous voulez répondre ou donner votre avis, commentez ou écrivez-moi par mail pour que je puisse transmettre.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 10 novembre 2012

Papiers dominotés de la bibliothèque de la ville de Grasse (Alpes-Maritimes).

Nous devons remercier ici M. Yves Cruchet, Directeur, et Mme Dominique Giudicelli de la bibliothèque muncipale de la ville de Grasse (Alpes-Maritimes) pour le partage dans les colonnes du Bibliomane moderne de ces beaux spécimens de volumes brochés ou reliés recouverts de papiers dominotés du XVIIIe siècle ou des premières années du XIXe siècle.

Encore une fois merci à eux pour ce partage instructif et esthétique.



Delalain, l'ainé et fils, Libraires. Paris, 1782 et 1789



Delalain, l'ainé et fils, Libraires. Paris, 1782



Delalain, l'ainé et fils, Libraires. Paris, 1789



Desray, Libraire. Paris, 1791



Desray, Libraire. Paris, 1791 (détail)



Imp. de Crapart. Paris, s.d.



Imp. de Crapart. Paris, s.d. (détail)



Imp. de H. Remy. Bruxelles, 1822



Imp. de H. Remy. Bruxelles, 1822 (détail)



J.N. Barba. Libraire, Palais Royal, 1820


Jean-Pierre Heubach. Lausanne, 1774



Laurent Aubanel, Imprimeur. Avignon, 1813



Laurent Aubanel, Imprimeur. Avignon, 1813



Remondini, Libraire. Bassani, 1793



Stamperia Salomoni. Roma, 1806



Stamperia Salomoni. Roma, 1806 (détail)



s.n. Amsterdam, 1771



Deperne, Libraire. Lille, 1793-1794



J.N. Barba. Libraire, Palais Royal, 1820


Jean-Pierre Heubach. Lausanne, 1774 (détail)



Remondini, Libraire. Bassani, 1793 (détail)



s.n., s.l., s.d., Nanette ou la jolie écoseuse ...



s.n., s.l., s.d., Nanette ou la jolie écoseuse... (détail)



s.n.. Paris, 1782 puis 1783


Bibliothèques-Médiathèques de la ville de Grasse
Site Internet

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mercredi 7 novembre 2012

Un ex libris posthume : Gustave Larroumet, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts, pour la librairie Dorbon Ainé, 53 ter Quai des Grands Augustins à Paris (1904). Dessiné et gravé par Albert Robida.


Etiquette Ex libris posthume Bibliothèque Gustave Larroumet
pour la Librairie Dorbon Ainé
53 ter Quai des Grands Augustins Paris
1904
70 x 53 mm


Louis Barthélemy Gustave Paul Larroumet, né à Gourdon le 22 septembre 1852 et mort à Paris VIe arr. le 25 août 1903 et inhumé à Villecresnes, est un historien d'art, écrivain et haut fonctionnaire français. Après ses études secondaires au lycée de Cahors, il semble d'abord envisager une carrière militaire, puis des études médicales, abandonnées pour raison de santé. Il est reçu à l'agrégation de grammaire en 1875. Il devient la même année professeur suppléant de rhétorique au lycée de Vendôme. Il est professeur agrégé à la fois de grammaire et de lettres, dans les lycées parisiens : collège Stanislas, Vanves et lycée Henri-IV. Il devient maître de conférence à la Sorbonne en 1884. Docteur ès-lettres et nommé professeur à la Sorbonne, il publie de nombreux ouvrages de critique d'art et de critique littéraire tels Marivaux, sa vie, son œuvre, Victor Hugo poète épique, La Comédie de Molière, L'Auteur et le milieu (1887), Racine. Il est élu membre de l'Académie des beaux-arts en 1891 puis secrétaire perpétuel. Chef de cabinet du ministre de l'Instruction publique, il devient directeur de l'École des beaux-arts en 1888. Critique de théâtre au Temps, il est l'envoyé spécial du journal aux premiers Jeux olympiques de 1896. De la croisière qu'il fait à cette occasion à bord du paquebot Le Sénégal, il tire son Journal d'un voyage en Grèce et en Syrie, paru en 1898. Gustave Larroumet s'intéressa également à la photographie. Franc-maçon, il fut membre du Grand Orient de France. Il fut ami avec Cécile Sorel. Lors de guerre de 1870, alors qu'il n'a pas vingt ans, Larroumet est engagé volontaire et franc-tireur à l'armée de la Loire. Il finit la guerre comme sous-officier de Dragons et titulaire de la médaille militaire. Il fut également président d'honneur de la Société des études du Lot.

Sa bibliothèque fut vendue en 1904 par les soins de la librairie Dorbon Ainé. C'est cette dernière qui demanda à Albert Robida de dessiner et graver cette jolie étiquette ex libris posthume, collée dans tous les volumes de cette vente. Celui-ci se trouve collé sur un exemplaire du Catalogue des livres rares et curieux composant la bibliothèque de M. Sainte-Beuve (Paris, L. Potier, 1870, 2 parties in-8).

Albert Robida donne ici une jolie composition qui nous était jusque là restée inconnue.

Le cas des ex libris posthumes est assez peu commun je crois mais j'en connais au moins un autre : celui de la bibliothèque d'Henri V comte de Chambord (1820-1883) dont la bibliothèque fut rachetée tardivement en bloc par le libraire anglais Maggs Bros en 1936. Maggs Bros avait alors fait faire une petite étiquette, toute simple, qu'on trouve collée au contreplat de tous les volumes (ou presque) provenant de cette prestigieuse bibliothèque.

En connaissez-vous d'autres ?

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 6 novembre 2012

Focus sur F.-L. Schmied, Peintre-Graveur-Imprimeur. Quelques beaux livres pour le prix d'une Jaguar ?

Ce que j'aime dans mon métier de libraire, c'est qu'on est amené à rencontrer tous types de personnages au cours de notre carrière. Comme dans tous les métiers me direz-vous ! Et vous aurez raison. Enfin presque. Car enfin, si vous êtes dentiste, vous rencontrerez des froussards et des timides des mandibules. Tandis que libraire d'ancien ... le rêve ! Tenez, dernièrement, j'avais encore au bout du fil un hésitant, un indécis, un homme tiraillé dans ses désirs, une vraie passion du cri. Il hésitait me disant qu'il achèterait bien un de mes livres mais qu'il voulait aussi changer son automobile pour une Jaguar. Damned ! Je voyais le deal mal engagé. Et j'eu raison. En réalité ce fut la Jaguar qui eut raison de moi. Mais ce n'est qu'un détail. Tout ceci pour dire que dans la vie, qui n'est qu'une question de choix en tous temps et en tous lieux de chaque instant que nous sommes conscients (il n'y a peut-être que dans notre sommeil que nous ne choisissons pas ... tenez pas plus tard qu'hier en rêve je rachetais une célèbre librairie chartraine et finissait ma vie entre les palaces de NY et de Rome, dans les plus belles salles de ventes, à chiner tous les plus beaux livres qui passent sans me soucier aucunement du lendemain ... voyez comme le rêve va au delà du réel ...). Bref, la vie n'est jamais aussi simple ou aussi compliquée qu'on croit. Pour quelques livres vous pouvez avoir une Jaguar. A la place d'une Jaguar vous pouvez avoir quelques beaux livres. Vous ne me croyez pas ? Regardez plutôt ce qui s'annonce dans la vente Binoche-Giquello du mercredi 5 décembre 2012 :


Quatre Schmied estimés entre 40 et 60.000 euros pièce ! En voulez-vous encore ?



Allez quatre de plus ! (estimés entre 20.000 et 50.000 euros pièce)

Mais comme je suis certain qu'un Schmied de plus ne serait pas pour vous déplaire, voici ! Un Schmied Un ! (estimé 40 à 50.000 euros)


Bon, si je compte bien, ça nous fait donc 9 Schmied ! Mais attention, 9 purs Schmied ! Du Schmied de Schmied, édité, imprimé, décoré, relié par Schmied ! C'est pas de la gnognotte comme disait ma grand-mère.

Récapitulons : 9 Schmied (numéros 3 à 11 du catalogue que vous pouvez VOIR ICI). Et encore je vous passe les Schmied de seconde zone fait pour les Bibliophiles trucs et machins. Je n'ai conservé pour cette petite étude que la crème de la crème.

Total des estimations basses pour ces 9 Schmied : 335.000 euros
Total des estimations hautes pour ces 9 Schmied : 415.000 euros

Nous verrons ... attendons que messe se passe ...

Avouez que vous lui auriez bien refilé votre cuisine à redécorer à ce Schmied là non ?

Ah mais au fait ... ça vaut combien une Jaguar ? Aucune idée en fait. En même temps j'ai une vieille Picasso Essence 1,6L alors ... Yes we can !

PS : je rappelle que je me suis fixé sur cette vente par pur hasard et liberté d'esprit, je n'ai aucun intérêt ni dans cette vente ni dans la maison de vente Binoche et Giquello. je ne suis même pas certain qu'ils apprécient mon humour (mais ça je vais le savoir assez rapidement).

PS2 : en fait en poursuivant la lecture du catalogue (j'avais fait une pause au numéro 11 pour aller chercher un rafraîchissement, quelques glaçons et un ventilateur...) je m'aperçois qu'il  y a encore moult aultres Schmied au catalogue... certains estimés même au delà des 60.000 euros ... 80.000 euros ! Les résultats de cette vente feront date ! En tous les cas, si l'envie vous prend de Schmieter début décembre, je vous invite à aller voir votre banquier avec une boîte de chocolat avant (ou une boîte de préservatifs à la fraise si c'est une dame...) parce que la note risque d'être sucrée-salée !

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Quelques résultats en images :






Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

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