On est inconséquent quand on a 17 ans ! C'est ce qu'aurait dû se dire le jeune Marcel Proust avant d'écrire de la sorte à son cher petit grand père ...
J'ai toujours pensé que la vie n'était pas très sérieuse ; qu'il y avait forcément quelque chose de louche à vouloir nous faire suivre un chemin les yeux bandés, sans savoir où, quand, qui, ou pourquoi. L'ombre des jeunes filles en fleurs, la recherche du temps perdu, les plaisirs et les jours, le temps retrouvé ... il n'y a bien dans tout ce fatras que le parfum des jeunes filles en fleurs à l'ombre du temps perdu que le jeune Marcel Proust n'aura guère goûté.
J'ai toujours exécré les cours de français pendant lesquels ma professeure de l'époque (un brin neurasthénique) essayait de nous fourrer dans le crâne des commentaires de textes prédigérés et aseptisés. Je n'ai jamais compris comment une professeure fut-elle agrégée de lettres modernes pouvait rentrer dans la tête d'un auteur et être certaine sans faillir, de savoir. Savoir la pensée de celui qui couche les mots sur le papier. Quelle prétention ! Je ne suis toujours pas revenu de cette idée.
J'ai toujours pensé que la vie n'était pas très sérieuse ; qu'il y avait forcément quelque chose de louche à vouloir nous faire suivre un chemin les yeux bandés, sans savoir où, quand, qui, ou pourquoi. L'ombre des jeunes filles en fleurs, la recherche du temps perdu, les plaisirs et les jours, le temps retrouvé ... il n'y a bien dans tout ce fatras que le parfum des jeunes filles en fleurs à l'ombre du temps perdu que le jeune Marcel Proust n'aura guère goûté.
J'ai toujours exécré les cours de français pendant lesquels ma professeure de l'époque (un brin neurasthénique) essayait de nous fourrer dans le crâne des commentaires de textes prédigérés et aseptisés. Je n'ai jamais compris comment une professeure fut-elle agrégée de lettres modernes pouvait rentrer dans la tête d'un auteur et être certaine sans faillir, de savoir. Savoir la pensée de celui qui couche les mots sur le papier. Quelle prétention ! Je ne suis toujours pas revenu de cette idée.
Il n'y a bien qu'une seule catégorie de documents qui pourrait peut-être permettre d'envisager entrevoir un infirme bout de la vérité des gens ... La correspondance. Pas la correspondance officielle, pas les lettres obligées ou obligeantes, non, la correspondance libre, celle qu'on aurait dû jeter au panier parce qu'elle nous perce à jour sournoisement. D'ailleurs je crois que mes morceaux de littérature préférés sont les lettres. Initié en cela avec la divine marquise de Sévigné. Libre en son genre, hélas précieuse par son siècle. J'ai aimé la correspondance de Victor Hugo, Napoléon, Talleyrand, Voltaire, Rousseau, etc. Uzanne évidemment. Rops aussi. Mirbeau, Barbey d'Aurevilly, etc. Je ne pense pouvoir les approcher de près que par cette voie : la lettre.
L'autre soir je lisais la septième partie du catalogue de la vente de la bibliothèque Jacques Guérin (Paris, 20 mai 1992). Splendide catalogue ! Livres et manuscrits importants. Que de l'exceptionnel ! 117 numéros à tomber parterre ! Mon attention a été attirée par le n°60 : PROUST (Marcel). LA LETTRE SURPRENANTE. Lettre autographe signée "Marcel" à "mon cher petit grand père". (sans lieu ni date - marquée en haut à gauche : 18 mai 1888). 2 pages 1/4 in-12. Marcel Proust a 17 ans en 1888.
On est inconséquent quand on a 17 ans !
Les experts de la vente pour les manuscrits, Michel et Maryse Castaing écrivent en guise de préambule : Témoignage inattendu, document capital, qui se passe de commentaire ... (voir reproduction intégrale).
On est inconséquent quand on a 17 ans !
Les experts de la vente pour les manuscrits, Michel et Maryse Castaing écrivent en guise de préambule : Témoignage inattendu, document capital, qui se passe de commentaire ... (voir reproduction intégrale).
Voyez donc également par vous-même ci-dessous la reproduction de la page entière du catalogue. En réalité la reproduction n'est pas intégrale puisqu'il manque le fac similé pour la deuxième partie de la lettre.
Bibliothèque Jacques Guérin, septième partie
Livres et Manuscrits importants,
Paris, 20 mai 1992
Voici le début du texte (je vous laisse rétablir les ... en regardant le fac similé de la lettre).
"Je viens réclamer de ta gentillesse la somme de 13 francs ... Voici pourquoi.
J'avais si besoin de voir une femme pour cesser mes mauvaises habitudes de masturbation que papa m'a donné 10 francs pour aller au bordel. Mais 1° dans mon émotion j'ai cassé un vase de nuit, 3 francs 2° dans cette même émotion je n'ai pas pu baiser. Me voilà donc comme devant attendant à chaque heure davantage 10 francs pour me vider ... mais je n'ose pas redemander sitôt de l'argent à papa et j'ai espéré que tu voudrais bien venir à mon secours dans cette circonstance qui tu le sais est non seulement exceptionnelle mais encore unique : il n'arrive pas deux fois dans la vie d'être trop troublé pour pouvoir baiser ..."
Effectivement cela se passe de commentaires ...
Cependant, avec le recul (comment veux-tu ... comment veux-tu ... ), je me dis que si pendant mes années de lycée j'avais eu connaissance de cette lettre salée du jeune Marcel Proust, j'en aurais fait bon usage auprès de ma charmante professeure de lettres modernes ...
Ainsi va la vie ...
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne