Chères amies bibliophiles ou bibliomaniaques (permettez messieurs que je commence par saluer les quelques Dames qui nous lisent), cher amis amateurs de bons et beaux livres, demain sera le dernier jour de l'année 2011. Une année passe si vite que l'on a parfois du mal à suivre...
J'espère que le Bibliomane moderne vous apporte (presque chaque jour) votre lot de découvertes et de surprises en "amour des livres", amour des livres, qui, on le voit bien, va souvent jusqu'à la passion la plus déréglée. Mais après tout, n'est-ce pas dans les passions déréglées qu'on retrouve un peu de soi-même ? Les blogs qui traitent de bibliophilie ou de l'amour des livres anciens et modernes de collection sont désormais en nombre et apportent, chacun à leur manière, de quoi contenter l'amateur. C'est une belle chose pour nous tous.
2012 sera une année importante à plus d'un titre, elle apportera son lot de contentements et de mécontentements, mais chacun, pour peu que la bonne santé soit au rendez-vous, et que l'économie des ménages permette à chacun de suffire aux besoins du foyer et aux "petites passions" et tout sera parfait. Espérons-le ainsi.
Il y a quelques jours de cela j'ai écouté une émission de radio dont l'invité était un éminent commissaire priseur parisien, renommé pour ses ventes VIP et plutôt orientées vers l'Art Contemporain. J'avoue que j'ai écouté cette émission avec une grande attention et que j'ai essayé d'en retirer tous les enseignements possibles pour l'avenir. Ce commissaire priseur, sans être prophétique, donnait quelques clés pour "comprendre le marché de l'art", pour "bien investir", pour "acheter de l'art". Je reste très dubitatif sur ses propos. Si je résume ce qu'il a dit et qui peut s'appliquer à n'importe quel objet d'art vendu aux enchères, cela donne quelque chose du style : "N'achetez pas ce que vous aimez ! Apprenez à aimer ce qui est bien !" (...) "Quand on collectionne il faut apprendre" (...) "Achetez au dessus de vos moyens ! Achetez des chefs d’œuvre ! Payez en quatre fois, mais quand vous avez un chef d’œuvre vous avez un chef d’œuvre... Quand vous avez quatorze croutes vous avez quatorze croutes (...)"
Il explique ensuite que la vente aux enchères est un jeu de séduction... pour lui la salle est une femme...
Très intéressant tout ça. Il ajoute : "collectionner n'est pas un problème d'argent, c'est un problème de connaissance, alors il est clair que si vous voulez acheter ..." (la phrase n'a pas été terminée... on comprend pourquoi). Vous pouvez écouter ou réécouter cet entretien intéressant ICI.
Si l'on s'en tient au domaine du livre et plus particulièrement du livre ancien ou moderne dit de collection ou rare, ces conseils sont-ils aussi judicieux ? Sans doute.
Mon humble avis sur la question est plus nuancé. Mes constats sur un peu plus de 20 années de collection, de recherche assidue du livre rare, du document curieux, m'a amené plus d'une fois à m'interroger sur ce marché, sur ses habitudes, sur ses mœurs, sur son avenir. Quelques constats : si les livres anciens et rares restent recherchés, des pans entiers sont désormais devenus complètement hors marché (je veux parler notamment des livres de références et autres bibliographies classiques, mais aussi de nombreux petits livres d'art ou de monographies, aujourd'hui sévèrement concurrencés par la numérisation et la mise en ligne des sources, je veux parler aussi des livres imprimés dans des langues mortes, latin, grec, hébreu, etc, ouvrages aujourd'hui la plupart du temps boudés par les amateurs si ce ne sont pas en même temps de riches livres illustrés). C'est ainsi. A contrario, quels sont les secteurs qui marchent ? Les livres anciens très illustrés, les grands classiques d'auteurs passés à la postérité, qu'ils soient français ou étrangers (Zola, Hugo, Maupassant, Hemingway, Proust, Céline, etc). Les autographes et les livres modernes dédicacés importants sont aussi très convoités. Peut-être me direz-vous : "comme depuis toujours". Sans doute. Les livres modernes, les livres d'artistes sont aussi à mon avis en plein essor. Autant dire que si vous recherchez des éditions anciennes d'Aristote ou de Cicéron vous avez de bonnes chances de les obtenir pour rien ou presque... mais ce n'est pas aussi simple puisque si les mêmes sont recouverts de riches reliures anciennes en maroquin ou ayant appartenu à de nobles bibliophiles tels Grolier ou Maïoli, vous avez peu de chance de les avoir à bon compte. Alors comme toujours, tout est une question de dosage, de moyens, de savant mélange de passion et de raison. Savoir se faire plaisir tout en sachant garder la tête froide. Est-il raisonnable d'acheter un livre au delà de 50.000 euros ? Doit-on d'ailleurs se poser la question ? J'ai lu hier que le manuscrit enluminé de la Vie de Sainte Catherine d'Alexandrie (vers 1474) avait finalement rejoint les collections de la Bibliothèque Nationale de France, faisant suite à un mécénat important et à diverses souscriptions à hauteur de 4,5 millions d'euros. Ce manuscrit sera d'ailleurs présenté au public courant 2012 par la BNF. Évidemment nous sommes là dans l'exceptionnel, la pièce de musée. Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir à partir de quels critères une pièce de collection devait être classée "monument national" ? Quels autographes ? Quels livres ? Quels chefs d’œuvre de la peinture ? de la sculpture ? La réponse n'est pas aisée. Pourtant elle me semble légitime. Ce qui m'amène à revenir sur les propos du commissaire priseur évoqué ci-dessus : "N'achetez pas ce que vous aimez ! Apprenez à aimer ce qui est bien !" Je trouve cela très réducteur. Cela ne laisse la place finalement ni à la curiosité ni à la fantaisie. Et si moi je préférais Gavarni à Picasso ? Et si vous préfériez les éditions populaires du XIXe siècle imprimées sur mauvais papier aux incunables imprimés sur peau de vélin ? Et si la valeur des choses rares ne donnait finalement qu'une bien mauvaise image la curiosité des amateurs les plus nombreux. Pour tout vous dire je conçois assez mal toute cette débauche préfabriquée autour de l'Art Contemporain qu'on nous impose à longueurs de pages dans les colonnes de la Gazette Drouot notamment. J'aime avoir envie de dire : "ce n'est pas parce que vous me les montrerez mille fois que je les aimerai mille fois plus !" On a le droit d'aimer ou de ne pas aimer. On a aussi le droit de trouver que le prix de l'indécence à des limites. 180.000 euros pour une toile de Pierre Soulages "brou de noix sur papier" (1950) ... 410.000 euros pour un dessin érotique de Balthus (1954) .... alors que des toiles de petits maîtres français ou italiens du XVIe ou du XVIIe s. se vendent le plus souvent pour quelques milliers d'euros seulement, parfois beaucoup moins. Je reste songeur. Si j'adapte ce processus aux livres, je ne donne pas cher de la peau de nombreux bibliophiles qui ne s'y retrouveront bientôt plus. Car impose-t-on finalement à quelqu'un ce qu'il doit aimer ? L'amour de l'art à l'image de l'amour pour une femme nait, me semble-t-il, d'une rencontre magique, d'un instant, peu importe tout le reste, que la femme fut riche ou pauvre, jolie ou laide, l'important c'est d'aimer. Alors ? Nous verrons bien... seul l'avenir nous dira ce qu'il adviendra de tout ça, de tout ce que l'on nous impose. Peut-être suis-je totalement dans l'erreur... ou pas.
Voici donc ma question qui vous occupera si vous le voulez bien jusqu'au début de l'année prochaine (le temps que je me remette de quelques fantaisies gastronomiques et œnologiques...) :
Quel livre a marqué pour vous cette année 2011 ? Quel évènement bibliophilique ? Que retiendrez-vous de cette année 2011 en la matière ?
J'espère que le Bibliomane moderne vous apporte (presque chaque jour) votre lot de découvertes et de surprises en "amour des livres", amour des livres, qui, on le voit bien, va souvent jusqu'à la passion la plus déréglée. Mais après tout, n'est-ce pas dans les passions déréglées qu'on retrouve un peu de soi-même ? Les blogs qui traitent de bibliophilie ou de l'amour des livres anciens et modernes de collection sont désormais en nombre et apportent, chacun à leur manière, de quoi contenter l'amateur. C'est une belle chose pour nous tous.
2012 sera une année importante à plus d'un titre, elle apportera son lot de contentements et de mécontentements, mais chacun, pour peu que la bonne santé soit au rendez-vous, et que l'économie des ménages permette à chacun de suffire aux besoins du foyer et aux "petites passions" et tout sera parfait. Espérons-le ainsi.
Il y a quelques jours de cela j'ai écouté une émission de radio dont l'invité était un éminent commissaire priseur parisien, renommé pour ses ventes VIP et plutôt orientées vers l'Art Contemporain. J'avoue que j'ai écouté cette émission avec une grande attention et que j'ai essayé d'en retirer tous les enseignements possibles pour l'avenir. Ce commissaire priseur, sans être prophétique, donnait quelques clés pour "comprendre le marché de l'art", pour "bien investir", pour "acheter de l'art". Je reste très dubitatif sur ses propos. Si je résume ce qu'il a dit et qui peut s'appliquer à n'importe quel objet d'art vendu aux enchères, cela donne quelque chose du style : "N'achetez pas ce que vous aimez ! Apprenez à aimer ce qui est bien !" (...) "Quand on collectionne il faut apprendre" (...) "Achetez au dessus de vos moyens ! Achetez des chefs d’œuvre ! Payez en quatre fois, mais quand vous avez un chef d’œuvre vous avez un chef d’œuvre... Quand vous avez quatorze croutes vous avez quatorze croutes (...)"
Il explique ensuite que la vente aux enchères est un jeu de séduction... pour lui la salle est une femme...
Très intéressant tout ça. Il ajoute : "collectionner n'est pas un problème d'argent, c'est un problème de connaissance, alors il est clair que si vous voulez acheter ..." (la phrase n'a pas été terminée... on comprend pourquoi). Vous pouvez écouter ou réécouter cet entretien intéressant ICI.
Si l'on s'en tient au domaine du livre et plus particulièrement du livre ancien ou moderne dit de collection ou rare, ces conseils sont-ils aussi judicieux ? Sans doute.
Mon humble avis sur la question est plus nuancé. Mes constats sur un peu plus de 20 années de collection, de recherche assidue du livre rare, du document curieux, m'a amené plus d'une fois à m'interroger sur ce marché, sur ses habitudes, sur ses mœurs, sur son avenir. Quelques constats : si les livres anciens et rares restent recherchés, des pans entiers sont désormais devenus complètement hors marché (je veux parler notamment des livres de références et autres bibliographies classiques, mais aussi de nombreux petits livres d'art ou de monographies, aujourd'hui sévèrement concurrencés par la numérisation et la mise en ligne des sources, je veux parler aussi des livres imprimés dans des langues mortes, latin, grec, hébreu, etc, ouvrages aujourd'hui la plupart du temps boudés par les amateurs si ce ne sont pas en même temps de riches livres illustrés). C'est ainsi. A contrario, quels sont les secteurs qui marchent ? Les livres anciens très illustrés, les grands classiques d'auteurs passés à la postérité, qu'ils soient français ou étrangers (Zola, Hugo, Maupassant, Hemingway, Proust, Céline, etc). Les autographes et les livres modernes dédicacés importants sont aussi très convoités. Peut-être me direz-vous : "comme depuis toujours". Sans doute. Les livres modernes, les livres d'artistes sont aussi à mon avis en plein essor. Autant dire que si vous recherchez des éditions anciennes d'Aristote ou de Cicéron vous avez de bonnes chances de les obtenir pour rien ou presque... mais ce n'est pas aussi simple puisque si les mêmes sont recouverts de riches reliures anciennes en maroquin ou ayant appartenu à de nobles bibliophiles tels Grolier ou Maïoli, vous avez peu de chance de les avoir à bon compte. Alors comme toujours, tout est une question de dosage, de moyens, de savant mélange de passion et de raison. Savoir se faire plaisir tout en sachant garder la tête froide. Est-il raisonnable d'acheter un livre au delà de 50.000 euros ? Doit-on d'ailleurs se poser la question ? J'ai lu hier que le manuscrit enluminé de la Vie de Sainte Catherine d'Alexandrie (vers 1474) avait finalement rejoint les collections de la Bibliothèque Nationale de France, faisant suite à un mécénat important et à diverses souscriptions à hauteur de 4,5 millions d'euros. Ce manuscrit sera d'ailleurs présenté au public courant 2012 par la BNF. Évidemment nous sommes là dans l'exceptionnel, la pièce de musée. Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir à partir de quels critères une pièce de collection devait être classée "monument national" ? Quels autographes ? Quels livres ? Quels chefs d’œuvre de la peinture ? de la sculpture ? La réponse n'est pas aisée. Pourtant elle me semble légitime. Ce qui m'amène à revenir sur les propos du commissaire priseur évoqué ci-dessus : "N'achetez pas ce que vous aimez ! Apprenez à aimer ce qui est bien !" Je trouve cela très réducteur. Cela ne laisse la place finalement ni à la curiosité ni à la fantaisie. Et si moi je préférais Gavarni à Picasso ? Et si vous préfériez les éditions populaires du XIXe siècle imprimées sur mauvais papier aux incunables imprimés sur peau de vélin ? Et si la valeur des choses rares ne donnait finalement qu'une bien mauvaise image la curiosité des amateurs les plus nombreux. Pour tout vous dire je conçois assez mal toute cette débauche préfabriquée autour de l'Art Contemporain qu'on nous impose à longueurs de pages dans les colonnes de la Gazette Drouot notamment. J'aime avoir envie de dire : "ce n'est pas parce que vous me les montrerez mille fois que je les aimerai mille fois plus !" On a le droit d'aimer ou de ne pas aimer. On a aussi le droit de trouver que le prix de l'indécence à des limites. 180.000 euros pour une toile de Pierre Soulages "brou de noix sur papier" (1950) ... 410.000 euros pour un dessin érotique de Balthus (1954) .... alors que des toiles de petits maîtres français ou italiens du XVIe ou du XVIIe s. se vendent le plus souvent pour quelques milliers d'euros seulement, parfois beaucoup moins. Je reste songeur. Si j'adapte ce processus aux livres, je ne donne pas cher de la peau de nombreux bibliophiles qui ne s'y retrouveront bientôt plus. Car impose-t-on finalement à quelqu'un ce qu'il doit aimer ? L'amour de l'art à l'image de l'amour pour une femme nait, me semble-t-il, d'une rencontre magique, d'un instant, peu importe tout le reste, que la femme fut riche ou pauvre, jolie ou laide, l'important c'est d'aimer. Alors ? Nous verrons bien... seul l'avenir nous dira ce qu'il adviendra de tout ça, de tout ce que l'on nous impose. Peut-être suis-je totalement dans l'erreur... ou pas.
Voici donc ma question qui vous occupera si vous le voulez bien jusqu'au début de l'année prochaine (le temps que je me remette de quelques fantaisies gastronomiques et œnologiques...) :
Quel livre a marqué pour vous cette année 2011 ? Quel évènement bibliophilique ? Que retiendrez-vous de cette année 2011 en la matière ?