mardi 30 juin 2009

Etude de cas, "version live", sur une reliure du XVIe siècle en peau de truie estampée à froid...


Voici ce que m'envoie Textor pour alimenter nos cervelles... et notamment celle de Raphaël (qui semblait bien se ramollir ces derniers temps, il faut le dire... sourire ...)


Au boulot ! (si Textor veut bien nous faire un petit topo en commentaire sur ce volume... ce sera parfait.




Bonne soirée,
Bertrand pour Textor

lundi 29 juin 2009

Le jour où Rasmus le suédois fit cadeau d’un livre à Hieronymus le Silésien (1562)




Sur la page de garde d’une édition des tragédies d’Euripide (Francfort, Braubach, ca 1558 ; VD 16, E 4216) relié en peau de truie estampée par Hans Cantzler se trouve une inscription à l’encre rouge d’une belle écriture humanistique :

Hieronym(us) Rhenander possidet libru(m) dono datum a M. Eras(mo) Nicolai Sueco Viteb(ergae) Anno 1562 me(n)se Junio.

Optimus est ut quisq(ue) ve- terrimus extat amic(us). Eia age, si dubitas experiare novos.

« Ce livre appartient à Hieronymus Rhenander, donné par Maître Erasme Nilsson le Suédois, à Wittemberg. Juin 1562. D'autant meilleur est l'ami qu'il est plus vieux ; Allons, si tu en doutes, tâtes-en de nouveaux ! »


Voilà un livre passé d’une main à une autre en ce début d’été 1562, un geste d’amitié entre deux hommes que distinguaient leur langue natale mais que le latin, le grec et peut-être une certaine façon d’approcher Dieu rapprochaient. Des témoins qui nous racontent une Europe humaniste et enfièvrée de Réforme.

Chacun des deux hommes a laissé derrière lui suffisamment de traces pour reconstituer une partie de son itinéraire personnel.

C’est le 24 Octobre 1558 que le suédois Rasmus Nilsson, alors âgé d’environ 28 ans, quitta sa ville natale d’Arboga où il était depuis quatre ans recteur d’école pour s’inscrire à l’Université de Wittemberg en Saxe, sous le nom latinisé d’Erasmus Nicolai suecus (« le suédois »). Il suivait en cela l’exemple d’autres jeunes gens des pays du Nord qui dès le début du luthéranisme voulaient se former à la théologie auprès de l’université allemande. Erasmus le suédois y devint Maître es Philosophie le 7 mars 1560. A cette occasion, il rédigea un manuel de théologie à l’intention de la jeunesse suédoise. Il recensa aussi et nota dans le bel in-folio de Vésale (De humani corporis fabrica libri septem, Basilea, Johannes Oporinus, 1555) qui lui avait été remis lors de la cérémonie de remise de son grade de Magister par le Doyen Mathias Gunderam –un livre qu’il avait payé de ses propres deniers -, il nota donc avec fierté la liste de ses compatriotes qui avaient obtenu le magister avant lui, dès 1517. C’est dans ce livre aussi qu’il résuma les événements importants de sa vie jusqu’en 1567 (1).

On sait que pendant son séjour à Wittemberg (2), Erasmus achèta des livres, au nombre de neuf au moins entre 1559 et 1562, dont il fit relier la plupart en peau de truie estampée à ses initiales (ENA pour Eramus Nicolai Arbogensis) par des artisans réputés de la ville tels que Hans Cantzler, Christopher Georg (ou Caspar Genseler) et Valentin Reich. Il adressa en 1561 un recueil d’œuvres de Philippe Melanchton, qui venait de mourir, à l’archevêque d’Uppsala peut-être son protecteur, en ayant pris soin de le faire relier aux initiales de l’ecclésiastique. On rapporte qu’Erasmus fréquenta d’ailleurs la maison de Melanchton, le réformateur ami de Luther et professeur de grec à l’Université. C’est peut-être chez lui qu’il croisa un certain Reimann, un Silésien né à Leoberga (Löwenberg, actuellement Lwówek Slaski en Pologne).

Reimann n’était pas un étudiant en théologie ; il avait adopté la forme hellénisée de son nom, Hieronymus Rhenander, et se consacrait probablement à l’étude des Lettres grecques. Erasmus étudiait également le grec, la langue du Nouveau testament, qu’il appréciait tout comme l’hébreu comme « sources de l’enseignement divin » mais ajoutait-il « le grec a son propre charme » (2).

Erasmus fit cadeau à Hieronymus Rhenander de ce bel exemplaire en grec des Tragédies d’Euripide en Juin 1562. Cela se situa quelques semaines avant qu’il ne quittât définitivement Wittemberg le 16 juillet pour rejoindre la Suède où l’attendait un poste de recteur d’école à Vasteras, un mariage en janvier 1563 avec la veuve de celui qu’il remplaçait, la peste qui lui décima ses enfants puis, plus tard, une carrière épiscopale dans l’Eglise Réformée de Suède. Erasmus mourut à environ 50 ans, en 1580. Ses livres sont conservés à Vasteras.

Rhenander conservera la mémoire de ce don en inscrivant la phrase sibylline suivante: « D'autant meilleur est l'ami qu'il est plus vieux; Allons, si tu en doutes, tâtes-en de nouveaux! ». dont on se demande si cette phrase s’adressait à lui-même ou à son ami qui partait, ou avait été prononcée par ce dernier, à moins qu’elle ne fût simplement destinée au lecteur, l’ami pouvant désigner dans la tradition humaniste le livre lui-même (4).

L’édition des tragédies imprimée par Braubach sans date, mais supposée en 1558 à Francfort est ici dans sa version la plus complète, Electre étant présente en fin d’ouvrage dans une section non foliotée ce que tous les exemplaires ne présentent pas. Il s’agit au total de la cinquième édition d’Euripide. Certaines de ses tragédies ont fait l’objet d’une étude lexicale et grammaticale très approfondie. Ce ne sont cependant pas les pièces appartenant au grands cycles tragiques qui ont été le plus étudiées mais deux tragédies plus secondaires, les Bacchantes et les Héraclides ainsi qu’un des rares drames satyriques conservés, le Cyclope. Ces pièces ont fait l’objet de très nombreux commentaires marginaux et notes interlinéaires, à l’encre noire, certaines soulignées de rouge. L’écriture est fine, minuscule et utilise le grec, le latin et l’hébreu quelquefois. L’écriture humanistique de Hieronymus se reconnaît de place en place ; peut-être s’est-elle ajoutée à celle d’Erasmus.


Des citations manuscrites figurent au contre-plat d’au moins deux mains. On lit du Virgile (Enéide, VI, 620) : « Apprenez la justice et à ne pas mépriser les dieux. » et du Sénèque (Première lettre à Lucilius), qu’on imagine inscrite par un possesseur à la maturité, un peu désabusé : :« Une grande partie du temps se passe à ne rien faire, la plus grande partie à mal faire et la vie toute entière à faire autre chose » et « Les biens sont à tous, le temps n’est qu’à soi ». Un proverbe en allemand : « Injustice de cent ans ne devient pas justice en un jour », et une citation de Luther en latin: « De ton plat avarié ressers-toi à souhait, Toi qui crois que le temps peut tout amender - Comme l’ont fait les papistes » sont de la main de Hieronymus.

Hieronymus Rhenander, le silésien de Leoberga a laissé des traces discrètes de sa vie. Son année de naissance est inconnue. Poète, il composa entre 1562 et 1577 quelques épithalames et des élégies à la mode, à l’occasion des noces de notabilités et d’amis de Vratislavia (Breslau, actuelle Pologne) (VD16, ZV 10996, ZV 5165 , ZV 6366, Burb. Scharff. 53 & 60). L’épithalame de 1562 fut imprimé à Wittemberg par Krafft (VD16, ZV 10996) mais les suivants, à partir de 1564, le furent chez Scharffenberg de Breslau, ce qui suggère que Hieronymus retourna en Silésie peu de temps après le départ d’Erasmus. Il était professeur à Breslau au moins en 1568, sans doute de grec ; il y écrivit dans cette langue une élégie funèbre à la mémoire de son collègue Balthasar Neander (VD16 ZV 8078). Grec encore, son nom apparaît dans la liste des auteurs d’une version d’Aristote en latin, imprimée en 1572 à Leipzig (VD16, A 3426). Enfin, il est vraisemblable que ce soit lui encore, « Hieronymus Rhenander, Leobergensis Silesius » qui, à la date du 2 Mai 1575, s’inscrivit à l’Université d’Heildeberg pour un cursus malheureusement resté inconnu (5). En supposant qu’il ait eu entre 20 et 25 ans en 1562, il aurait été alors âgé d’environ 35 ans.

L’Euripide n’appartenait pas à Erasmus. En effet, ce ne sont pas ses initiales qui figurent sur le premier plat. Celui-ci fut relié en 1560 à Wittemberg par Hans Cantzler pour un certain « FFA ». Aucun ex-libris ou note ne permettent d’identifier ces initiales. Le F peut correspondre à un petit nombre de prénoms ; la large liste des étudiants inscrits à Heildelberg au 16e siècle (5), consultée à titre d’exemple fournit les prénoms de Fridericus, Franciscus pour les plus usités ou de plus rares Foxius, Fabianus, Fabricius ou Ferdinandus. Aucun prénom avec cette initiale ne figure dans le catalogue des Magisters suédois de Wittemberg établi par Erasmus de 1518 à 1561, ni dans la liste des étudiants suédois inscrits dans les universités allemandes entre 1558 et 1562 (même entre 1550 et 1600)(6) suggérant qu’Erasmus ne tenait pas ce livre de l’un de ses compatriotes.

Relié l’année où il obtint son Magister, l’Euripide pourrait avoir été offert au suédois par une relation d’une autre nationalité qui fréquentait le même cercle que lui à l’Université de Wittemberg mais il est alors probable qu’un ex-dono de sa main aurait conservé la mémoire de ce présent comme celui qu’Erasmus a inscrit sur un Petrus de Natalibus de 1513 (Walde n°3)(2).

Une autre hypothèse serait qu’Erasmus ait commandé la reliure de l’Euripide en 1560 à Hans Cantzler avec l’intention de l’adresser à une de ses relations en Suède, à l’exemple de ce qu’il fît l’année suivante en faisant parvenir à Laurentius Petri, Archévêque d’Uppsala, des œuvres de Melanchton reliées en peau de truie estampée aux portraits des deux Réformateurs et marquée des initiales « LPA » (Walde n°15)(2). La dernière lettre des initiales de l’Euripide évoque une possible origine du destinataire de Vasteras (Arosiensis) ou d’Arboga (Arbogensis), deux villes chères à Erasmus.

Pour une raison inconnue, l’envoi ne s’est pas réalisé et, à son départ de Wittemberg, Erasmus le suédois a confié ce bel exemplaire des Tragédies d’Euripide à son ami helléniste, Hieronymus le Silésien.

D’autres histoires peuvent s’imaginer ; des lecteurs auront peut-être des pistes ou des indices permettant d’identifier ce FFA, premier propriétaire de cet Euripide, pour qu’à leur tour ses cendres légères puissent être ranimées. Si vous croisez l’un de ces deux hommes, Erasmus ou Hieronymus, n’oubliez pas de me faire signe, ils sont de mes amis maintenant.

(1) M. Erasmi Nicolai Arbogensis descriptio vitae sui ipsius. Kongl. bibliotekets tidningar om lärda saker 1767, T. 1, p. 49-59. Il s’agit de la retranscription des notes du Vesale publiées au 18e siècle. Communiqué par la National Library of Sweden.

(2) Otto Walde. Biskop Erasmus Nicolai I vasteras och hans bibliotekNordisk tidskrift för bok-och biblioteksväsen, vol. XXVIII (1941). L’article est en suédois mais la liste des livres, en latin, sauve…copie aimablement communiquée par M. Jan Larsson, Västerås stadsbibliotek.

(3) De humani corporis fabrica libri septem (Basilea, Johannes Oporinus, 1555, fol., n°13) qui est conservé à Vasteras (http://www.bibliotek.vasteras.se/index.htm). ENA a inscrit sur le contre-plat la note suivante : « Hic liber mihi apertus tradebatur a spectabili viro D. Magro Matthia Decana Collegii philosophici Witebergensis in renunciatione cum Gradus Magisterii mihi decerneretur, die 7 Martij Anno 1c 1560. Anno 61 xiiii calen : Augusti receptus and receptus sum Viterbergae, praesentib : doctorius & magistris, in numerum & ordinem collegarum Collegij Philosophici Academiae Vitebergensis.” La reliure en peau de truie estampée porte les portraits rehaussés d’or de Melanchton sur le premier plat, accompagné des initiales ENA (Erasmus Nicolai Arbogensis) avec la date 1560, et de Luther sur le second, signés VR (Valentin Reich).

(4) Dans une interprétation où amicus se rapporterait au livre, à rapprocher d’Erasme : « Tu me demandes quelles sont mes occupations ? Je m’occupe de mes amis et je me plais dans leur agréable intimité […] Ce que j’ai dit des amis, entends-le des livres, dont la compagnie me rend pleinement heureux […] » (Allen, Opus, t.1, pp.288-289, &. 11-35, printemps 1500. In Erasme, L.E. Halkin, Fayard, 1987, p. 82 (réed. 1997) et de Montaigne, Essais, Livre II, Des livres : « Je ne me prens guiere aux nouveaux, pour ce que les anciens me semblent plus pleins et plus roides. »

(5) Matrikel der Universität Heidelberg, II (Zweiter Theil): 1554 bis 1662. Gustav Toepke F2134-Heidelberg 1886.
http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/matrikelregister/ et
http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/matrikel1554/0077
Les listes d’inscription des étudiants dans les universités de l’Europe de la Renaissance sont d’un très grand intérêt non seulement pour se rendre compte de l’importance du déplacement des étudiants en Europe au 16e siècle mais également pour identifier des provenances éventuelles d’après les initiales des noms.

(6) Voir http://runeberg.org/samlaren/1904/0017.html). Erasmus Nicolai suecus y figure bien à l’année 1560.

Merci aux nombreuses bonnes volontés qui, à un moment ou à un autre, sur un point ou un autre ont bien voulu répondre à mes sollicitations.

Bonne journée,
Raphaël

dimanche 28 juin 2009

Petite Histoire des ex-dono (suite).



Chers amis curieux,

pour faire suite au billet de notre dévoué Textor au sujet des ex dono, je me permets de poursuivre sur le même sujet avec un autre exemple en images.

Il s'agit d'un exemplaire des "Entretiens sur la pluralité des mondes" de M. de Fontenelle, édition de Paris, chez les libraires associés, à la date de 1766. Il s'agit d'un seul volume de format in-12, relié en veau fauve marbré.

Ce volume est frappé aux armes du "Collège Royal Ste-Marie de Bourge" sur les deux plats, avec, au verso blanc de la garde de papier marbré, un bel ex dono manuscrit de 11 lignes et la signature. On trouve en bas de cette même page un beau cachet de cire rouge aux armes royales de France avec cette devise "SIG. COLL. REG. BITURICENSIS P. V. DOCTRINA CHRISTIANA" (voir photo ci-dessous).


Cliquez sur l'image pour l'agrandir et lire le texte.



Je laisse nos amis Raphaël et Textor, pieux latinistes confirmés, nous faire la traduction intégrale de cet ex dono.

Bonne soirée,
Bertrand

Petite Histoire des ex-dono.


L’ex-dono est la marque de sympathie que témoigne le possesseur du livre qu’il offre à un ami on à une relation. Il peut s’agir d’une manifestation de la donation, ou, si le donateur est également l’auteur du livre, une dédicace, appelée encore envoi. Les ex-dono sont très fréquents depuis le 18ème siècle, et plus rares au 17ème, si bien qu’Alexis Martin nous dit : « Au temps passé on était fort peu prodigue de la dédicace autographe, et je crois qu'on chercherait vainement trace d'un véritable Ex-dono sur les livres qui ont paru avant le dix-septième siècle. » (in Etude sur les ex-dono, Paris, J. Baur, 1877)


Affirmation qui est loin d’être exacte puisque je citais récemment le cas d’un ex-dono de Jehan Lemoyne, ami de Ronsard, réalisé dans les années 1570/1580 et qu’il existe même des ex-dono carolingiens dans les manuscrits de la bibliothèque de Laon.

Plus spectaculaire qu’une mention autographe du donateur, l’ex-dono estampé sur le plat de la reliure avait un autre objectif. C’est parfois une indication de provenance, au même titre que l’ex-libris, et dans ce cas les ouvrages ont pu faire partie de la bibliothèque du donateur. Mais il pouvait s’agir plus fréquemment d’une donation en numéraire faite à une institution qui avait alors le droit de frapper les armes du donateur sur les plats de livres qu’elle distribuait.

Pour les deux exemples qui vont suivre, il est difficile de savoir si les ouvrages leur ont vraiment appartenu. Mais, amis lecteurs, rien ne vous empêchent d’apporter des précisions.

Toujours est-il que ces donations étaient l’occasion de réaliser de belles reliures qui ont une certaine valeur aujourd’hui. (En témoigne la vente récente d’une reliure peinte du collège de Chalon, aux armes de Druot, qui a atteint, de mémoire, plus de 3500 euros)

A tout bien tout honneur, le premier donateur est bourguignon (et fier de l’être :)). Il aimait les livres, et sans doute aussi le vin puisqu’il était Sommelier du roi. C’est Antoine Druot, capitaine de Germoles. Il vivait au commencement du XVIIe et avait constitué une donation au profit des élèves du collège de Chalon. Les livres ainsi distribués sont généralement en maroquin citron ou brun, décorés d’une large dentelle et frappés aux armes de France et de Châlon-sur-Saône, avec un ex dono central. Pour celui-ci : « D. Antonii Druot 1653 » (fig 1 et 2 )



Le second s’appelle Thomas II de Morand, baron du Mesnil-Garnier, seigneur d'Eterville, né à Caen, le 13 nov 1584, il devint Grand Trésorier des ordres du Roi en 1621. (fig 3)


J’ai longtemps cru que ses armes représentaient 3 poussins et 3 lions. Mais non, il fallait y voir, selon la terminologie héraldique, un écartelé aux 1 et 4, d'azur à 3 cormorans d'argent, aux 2 et 3, de gueule aux griffons d'or, armé et membré de même. (fig 4 et 5)


Comme il avait fondé en 1620 des prix à perpétuité qui devaient être distribués au collège du Mont à Caen, (Regio-montano cadonensis) on trouve ses armes frappées sur des volumes publiés après sa mort. (1651). De fait, celui-ci contient un ex-dono manuscrit en date du 22 Aout 1679 de François de la Motte, préfet du collège des jésuites à l’élève François de la Roche, pour un prix de déclamation latine et de littérature. Fig 6)


L’ouvrage en question étant daté de 1519, il faut en déduire que la remise des prix au 17ème siècle se faisait avec des bouquins d’occasion…

Textor

vendredi 26 juin 2009

Expérience interactive : Les différentes marques des Angelier au XVIe et au début du XVIIe siècle.


Chers amis,

je vais tenter une première sur le Bibliomane moderne.

Ce qu'il y a de formidable avec un blog, outre les amis qu'on peut se faire, c'est de votre à quel point cela peut devenir un formidable outil de communication interactif et surtout, un outil internationaliste. La passion bibliophile se prête très bien à ce petit jeu et je vais essayer aujourd'hui de tester les possibilités de travail grâce à cette facilité de circulation de l'information à travers toute la planète.

Amis bibliophiles, rangez vos craintes et vos réticences à communiquer, devenez un bibliophile contributif, un bibliophile actif !

Voici le principe. Je souhaite établir une petite base de donnée des différentes marques de la famille des éditeurs "Les Angelier", famille active dans le domaine de l'édition depuis le milieu du XVIe jusqu'au début du XVIIe siècle. Je vous propose donc de fouiller dans vos bibliothèques et de partager avec nous, le modèle de marque que vous possédez sur ou plusieurs de vos exemplaires, sagement rangés sur vos rayons.

Pour ce faire, je vous propose de m'envoyer à l'adresse mail suivante : bertrand.bibliomane@gmail.com les informations suivantes :

- photo de la ou les marques des Angelier que vous possédez.
- adresse en bas de la page de titre correspondant à cette marque ou retranscription du colophon.
- titre et format de l'ouvrage sur lequel figure cette ou ces marques.
- votre pseudo ou identifiant d'envoi.

Au fur et à mesure de vos envois, j'ajouterai les photos de chacune avec le titre de l'ouvrage concerné. Ce message est valable sans limite de temps, c'est à dire que si vous le lisez dans un mois, n'hésitez pas à m'envoyer vos clichés, ils seront publiés. Les exemplaires identiques envoyés par plusieurs personnes ne seront cités qu'une fois pour éviter les doublons.

A vos marques... c'est parti !

Les œuvres de Lucian de Samosate... Paris, Abel l'Angelier, libraire juré, tenant sa boutique au premier pillier de la grand'salle du Palais, 1581. in-folio. (envoyé par bertrand)



(pour les deux marques ci-dessus)
Dion Historien grec, des Faictz et Gestes insignes des Romains.
Nouvellement imprimé à Paris, pour Arnoul et Charles les Angeliers, frères, libraires tenant leur boutique au premier et deuxiesme pilier de la grande salle du Palais devant la chapelle de Messeigneurs les Présidens.
1542 in folio de (8) (281) (1) ff. (envoyé par Textor).



(pour les deux marques ci-dessus)
Le Livre de Police Humaine.
Il se vend à Paris par Charles Angelier tenant sa boutique au premier pilier du Palais, devant la chapelle de Messeigneurs les Présidens et en la rue de la ..... à l'image Saincte Croix, au logis dudit l'Angelier.
In 8 en 2 livres de (8) (101) et (11) (4) (108) ff .


Essais de Michel seigneur de Montaigne, 1595, in folio.
Chez Abel L'Angelier, au premier Pilier de la grande salle du Palais (envoyé par Philippem).

jeudi 25 juin 2009

Galerie photos d'une ballade au Grand Palais pour le Salon International du livre ancien de Paris des 19, 20 et 21 juin 2009.



Avec un peu de retard,

voici une petite ballade en images au Grand Palais, samedi dernier, au milieu des beaux livres.

Pour le plaisir des yeux. Encore merci à Luca, Xavier, Textor, Eric, Valérie, Jean-Marc et Raphaël sans qui la fête aurait été moins belle.

Bonne visite virtuelle.












PS : il y a une photo qui me fait vraiment bien rire... devinez laquelle...

Bonne journée,
Bertrand

mercredi 24 juin 2009

La marque du libraire ! Tout est dans le symbole.


En attendant un billet sur les Angelier... que je n'ai pas eu le temps de faire...

Les marques des anciens libraires ou celles des imprimeurs sont pour moi toujours source d'émerveillement. Notions d'esthétique et symbolique mélangés, elles réunissent souvent en un tout identifiable ce que le libraire ou l'imprimeur était. Quatre ou cinq siècles plus tard, c'est d'ailleurs souvent grâce à ces petites icônes
qu'on reconnait un nom aujourd'hui oublié du reste du monde.


Je vous livre celle-ci ce soir. Sans autre détail. Je vous laisse deviner et son propriétaire, et sa période d'activité.

Bonne soirée,
Bertrand

mardi 23 juin 2009

Renaud de Montauban et le roman de Chevalerie au XV et XVIeme siècle.


Les récits épiques sur
Charlemagne, Roland et les pairs de France, connus en Italie dès le XIIe siècle, y sont récités et copiés en français jusqu’au XVe siècle. Cependant, au début du XIVe siècle, de nouvelles chansons de geste sont composées sous une forme linguistique hybride, en franco-italien ou en franco-vénitien, notamment dans la vallée du Pô. En Toscane, sous l’influence linguistique de Dante et de Boccace (lui-même auteur d’un récit épique en ottava rima, la Teseida), la mise en italien de ces récits va de pair avec l’invention de ce nouveau mètre, l’ottava rima, (stance de 8 vers) qui va bientôt s’imposer dans la poésie narrative italienne. C’est au récit en ottava rima que reviennent la transmission et la floraison des chansons de geste dans l’Italie des XVe et XVIe siècles. Leur succès est attesté par la quantité de titres produits et les nombreuses réimpressions de ces récits épiques. (Roland le Furieux, l’Arioste, Renaud de Montauban, Manbrino, ...) C’est seulement au XVIe siècle que ce genre décline mais il subsistera dans la culture populaire, dans des récits tels que les «trois fils de rois ». (Voir infra)

Le titre présenté ici est intitulé "Inamoramento de Rinaldo da Montalbano", (les Amours de Renaud de Montauban) c’est un poème chevaleresque en 75 chants, 10 stances de 8 vers par page sur 2 colonnes, lettres gothiques. (Pet. In-8 de (191) ff, mq a1)

Imprimé à Venise par Alessandro e frattelli Bindoni, en voici le colophon (fig. 1)


Ce qui est amusant c’est que Brunet nous dit que ce roman "fut découvert par feu le Comte de Boulourdin et sur lequel tous ses soins et ses recherches n'ont pu lui procurer de renseignements satisfaisants. Son excellence conservait ce volume comme le plus précieux de sa collection." (il s’agissait de l’édition incunable de Naples, en 50 stances et non de la mienne !)

De fait, j’ai le même problème avec cette édition du 12 décembre 1522, Impossible de trouver la moindre référence sur ce livre dans les bibliothèques publiques en Europe ou aux États-Unis.

Roman retraçant l'épopée de Renaud de Montauban, l'un des quatre frères Aymon, en lutte contre Charlemagne, avec le cheval magique Bayard, chacune des 75 stances commence par une petite vignette naïve qui représente des scène de batailles, de tournois, l’enlèvement d’une belle captive, etc…

Brunet classe cet ouvrage à Rino car une édition de Milan de 1521 cite Messer Rino comme auteur de l’épopée. Ici, il est fait référence à un certain Sigimberto, mais aussi à Guillaume de Naugis ( voir fig. 2 en haut du premier chant, colonne de droite).


Je vous livre quelques pages de ce curieux petit ouvrage en attendant que les férus de Chevalerie m’en disent plus sur cette édition. (fig. 3 à 5).


Ces ouvrages ont eu de multiples prolongements pendant tous le XVIeme siècle dans des éditions populaires en prose. Ainsi "l’ l’Histoire merveilleuse et notable de trois excellens et très renommez fils de roys". Le livre des trois fils de rois est un copieux récit anonyme, qui a dû être composé aux alentours de 1450, et qui raconte comment les princes Philippe de France, Humphrey d’Angleterre et David d’Ecosse délivrent le royaume de Naples des Sarrasins et épousent trois belles princesses. L'attribution à David Aubert semble fausse, bien qu'il soit au moins le copiste d'un des manuscrits. Si l’écrivain de Philippe le Bon n’est pas l’auteur des Trois fils de rois, il n’en est pas moins fort probable que le scribe soit lui-même intervenu pour retoucher le texte qu’il transcrivait et pour embellir le style de sa source. C'est un récit complètement romanesque, Brunet indique plusieurs éditions de ce roman de chevalerie en 1501, 1504, 1508, également à Lyon, chez Benoist Rigaud en 1579. (Brunet III/1127). (fig. 6)


Bonne journée, Textor

lundi 22 juin 2009

Des vicissitudes de la peste noire sur une entreprise éditoriale.



J’ai sur mes rayons un ouvrage bien connu sur l’histoire de la Bourgogne intitulé "De l'origine des Bourgongnons et antiquités des Etats de Bourgongne, deux livres. Plus des antiquitez d'Autun, de Chalon, de Mascon, de l'Abbaye et ville de Tournus" par Saint Julien de Balleure, Paris, 1581 chez Nicolas Chesneau. (Collation :In-f en 4 parties de 12 ff. n.ch., 6 parties à pagination continue de 674 pp., 17 ff.n.ch., 6 plans.) ; Bel ouvrage orné de plans gravés sur bois des cinq principales villes de Bourgogne - Dijon, Beaune, Autun, Mâcon et Tournus, d'une planche de blason rehaussé de couleur et d'une figure dans le texte montrant la composition des États de Bourgogne.


L’ouvrage est donc composé de différents recueils, à pages de titre séparées. Le premier recueil, « de l'antiquité et vraye origine des Bourgongnons » , contient une particularité insolite : Le premier livre est en début d’ouvrage comme il se doit, mais le second livre est rejeté en fin d'ouvrage, après les recueils sur les antiquités d’Autun (1580) de Mâcon (1580) Châlons ( 1581) et Tournus (1581) ; Par ailleurs, le privilège est daté du 30 mai 1567 mais l’achevé d’imprimé est du 10 Juin 1581, soit 14 ans plus tard !

L’explication nous est donné par l’imprimeur, Nicolas Chesneau, dans son adresse au lecteur du second livre p 540 (mal chiffrée 504): 'l'auteur m'ayant envoyé peu de temps avant la dernière contagion ledit premier livre et traitez particulier pour le mettre sur la presse, ...a eu tant de loisir par les interruptions de ladite contagion qu’il a parachevé ledit second livre et me l’a envoyé ( il y a peu). Il n’a pu toutefois être mis en son ordre, parce que ledit premier livre imprimé, on avait mis à la suite et fort avancé lesdits traitez ; Dont je t’ai voulu averti , afin que telle transposition ne te semblast estrange pour n’en avoir entendu la cause ' .

De quelle contagion s’agit-il ? Les annales médicales nous apprennent qu’en 1567, les villes d’Autun, Avallon, Beaune, Dijon, Mâcon, Paris, Troyes étaient touchées par la Peste (nom générique donné à un certain nombre de maladies contagieuses) qui a frappé pendant tout le Moyen-âge et la Renaissance. Quelques années plus tard l’épidémie sera présente en Guyenne, entrainant le décès de La Boetie, point de départ, dit-on, de la rédaction des Essais que Montaigne entama après avoir publié toute l’œuvre de son ami.

Cette même peste empêcha Montaigne de siéger au Parlement de Bordeaux en 1585 et lui fit écrire "Les raisins restaient suspendus aux vignes, des corps jonchaient les champs, les uns creusaient leurs fosses, d'autres s'y couchaient vivants". On peut imaginer une ambiance similaire à Dijon dans ces années-là.

Pour terminer sur une note plus joyeuse, voici quelques photos tirées de l’Origine des Bourgongnons, dont Le vray pourtraict de la ville de Dijon. Sans lieu, 1574 (42 x 33,3 cm) Texte imprimé au dos avec envoi de N Chesneau aux lecteurs et la description de Dijon. Très beau plan de la ville, avec blasons, château et fortifications. Échelle en toises, mention en bas à droite de la gravure : 'Geometrice depinxit Edoardus Bredin 1574'. C’est un tirage du plan que l’on trouve dans le Belleforest, repris de la cosmologie de Munster.



Bertrand , Dijon a-t-il changé ?

Bonne journée,
Textor

dimanche 21 juin 2009

Le Bibliomane se repose...


Chers amis,

de retour dans mes terres bourguignonnes,
le repos semble la meilleure solution à ce week-end agité,
je vous retrouve très bientôt,
pour vous faire patienter je vous offre cette petite image du livre,

Très jolie et grand marque de l'éditeur Abel l'Angelier,
sur un ouvrage in-folio de 1581.


Bon dimanche,
Bertrand

vendredi 19 juin 2009

Le Bibliomane moderne au Grand Palais ou la Papesse Jeanne dévoilée.


Cher(e)s ami(e)s bonsoir,

Message court ce soir. Juste un mot pour vous dire que le Bibliomane moderne a passé la journée au Grand Palais, entre beaux livres, rencontres franco-italiennes, discussions autour de l'enquête que le SLAM avait organisée, pour finir par une agréable soirée livresque. Je vous retrouve bientôt pour des messages plus riches.

En petit cadeau bonus, retrouvez en fin de soirée et en exclusivité sur Bibliomane moderne, de croustillantes photos de la Papesse Jeanne d'Eugène Paillet... revenue toute chaude du Grand Palais.

A tout de suite, Bertrand, Xavier, et les autres...



Eugène Paillet était donc parmi nous au Grand Palais...
Restait à le débusquer ! Bravo Xavier !


jeudi 18 juin 2009

Hommage à un bourguignon qui repose près d'un grand cèdre du Liban ou Daubenton au jardin des plantes à Paris.


Chers amis,
il ne me reste que peu de temps ce matin pour publier le billet quotidien,
dans moins de deux heures je serai dans un TGV pour Paris et ses fastes livresques.

J'étais déjà dans la capitale ce mardi où j'ai flâné en belle compagnie (officielle) dans les jolis chemins du jardin des plantes. Belles allées, plantes rares, entretien impeccable, autant d'éléments qui rendent une ballage agréable.

Pas grand chose à voir avec la bibliophilie tout ça me direz-vous ? Eh bien pas tant que cela. Comme on ne sait jamais tout, j'ignorais une chose essentielle à propos du jardin des plantes, une chose un peu éloignée de la bibliophilie mais pas vraiment. Et cette chose, c'est que l'auteur de l' "Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; avec d'autres ouvrages sur les moutons et sur les laine, etc.", reposait dans les allées d'un labyrinthe du Jardin des plantes à Paris, loin de son Montbard natal. Son ouvrage principal, outre sa collaboration à l'Histoire Naturelle, avec Buffon, a paru pour la première fois en 1782, et a été de nombreuses fois réédité ensuite. Talentueux collaborateur de Buffon, tous deux étaient natifs de Montbard, en Bourgogne, travaillant de concert pendant près de dix ans.

La Révolution française transforme le Cabinet du Roi en Muséum d’Histoire Naturelle, Louis Daubenton en devient le premier directeur. Il devient Sénateur en 1799. Mais, il est frappé d’une crise d’apoplexie le 31 décembre 1799, il meurt dans la nuit de la Saint Sylvestre, le 1er janvier 1800. Il est inhumé dans le labyrinthe du Jardin des Plantes sous une colonne très simple. Pour l’anecdote, son cerveau prélevé, appartient toujours aux collections du Musée de l’Homme, et repose dans un bain de conservateur en compagnie de quelques autres...

Alors vous comprendrez que lorsque j'ai vu cette tombe dépouillée, simple, à l'ombre d'un labyrinthe et d'un grand cèdre vieux de plus de 250 ans (graine ramenée par de Jussieu en 1740 si mes souvenirs sont bons), mon sang de bourguignon n'a fait qu'un tour et j'ai essayé d'immortiliser, pour moi, et pour vous, cette image du repos éternel.

Tombe de Daubenton.
Labyrinthe du Jardin des plantes, Paris.
Photographie prise vers 17h30 le mardi 16 juin 2009.


Vous trouverez peut-être ce billet peu bibliophilique, et pourtant, l'histoire des grands hommes et surtout celle des petits, est sans doute ce qui m'importe le plus finalement dans ce tourbillon de curiosité que peut être le livre et son histoire.

Bonne journée,
Bertrand

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...