EUGÈNE DEMOLDER, LE ROYAUME AUTHENTIQUE DU GRAND SAINT NICOLAS (1896), EO AVEC ENVOI À ANDRÉ FONTAINAS
Article publie initialement sur le blog "belgicana"
29 JUIN 2016
Dans un précédent article, je vous faisais part de l'acquisition d'une édition originale du Quatuor d'Eugène Demolder sur papier Japon, dans une très belle reliure, et avec un envoi manuscrit de l'auteur au comédien français Lucien Guitry : l'occasion de revenir sur l'amitié entre les deux artistes et de mettre en lumière quelques aspects des secrets de fabrication de cet ouvrage composé à la villa de la Demi-Lune, à Corbeil-Essonnes, par le trio Félicien Rops - Étienne Morannes (pseudonyme de Claire Demolder-Rops) - Eugène Demolder.
Il sera encore question d'Eugène Demolder dans cet article et d'histoires d'amitié entre l'auteur, le peintre James Ensor et le poète André Fontainas, mais aussi par extension entre Adrienne Fontainas et moi-même, à travers la description du livre "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" (Paris, Mercure de France, 1896) qui narre les aventures extraordinaires, sur fond de récits autobiographiques, de Saint Nicolas (Eugène Demolder) et de son compagnon de fortune Saint Fridolin (James Ensor) au royaume d'Hélimonde.
Couverture de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" (Paris, Mercure de France, 1896) d'Eugène Demolder
L'exemplaire que je possède est exceptionnel à plus d'un titre et ravive de merveilleux souvenirs : il m'a été offert par ma chère et regrettée amie Adrienne Fontainas (1929-2010), nièce par alliance du poète belge André Fontainas (1865-1948), alors que je séjournais chez elle, à Bruxelles, en février 2008, pour faire l'inventaire des livres d'Eugène Demolder offerts aux Fontainas (16 au total, majoritairement avec envois manuscrits) et de la correspondance d'Eugène et Claire Demolder aux Fontainas (297 pièces envoyées entre 1895-1946). Il m'aura fallu 15 jours de travail acharné pour en venir à bout et peu d'heures de sommeil au compteur.
Ce fonds extraordinaire a été conservé toute sa vie durant par Anne-Romaine Fontainas (1918-2007), la fille du poète, à Paris, dans l'appartement familial, puis au décès de cette dernière par Adrienne Fontainas qui, par l'entremise du libraire-expert Pascal de Sadeleer, en a fait don par la suite à la Réserve précieuse de l'Université Libre de Bruxelles selon les dispositions testamentaires d'Anne-Romaine Fontainas. (Pour plus d'informations au sujet du cabinet de travail et de la bibliothèque d'André Fontainas, cliquez ICI).
Connaissant mon intérêt scientifique et bibliophilique pour l'Œuvre d'Eugène Demolder, Adrienne a eu la gentillesse de m'inviter à consulter ce fonds chez elle avant qu'il ne soit légué à l'ULB et que le cabinet de travail de l'auteur ne soit reconstitué à la Réserve précieuse. Adrienne était ainsi, généreuse et disponible pour les chercheurs venus du monde entier en quête de souvenirs des XIXe et XXe siècles, comme en témoigne les nombreux hommages internationaux réunis dans l'ouvrage Homage to Adrienne Fontainas, Passionate pilgrim for the Arts (Peter Lang, 2013).
À l'issue de ce séjour inoubliable, je l'entends encore me dire : "Il faudra que tu choisisses un livre avant de partir". Un livre ? Mais quel livre, me disais-je? Devinant ma gêne, elle ajoute : "Un livre de Demolder, celui qui te plait le plus". Et ainsi commença ma collection...
Après mûre réflexion, je repartis ému et comblé avec un exemplaire singulier du "Royaume authentique du grand saint Nicolas". Pourquoi singulier ? C'est ce que nous allons découvrir.
Le Royaume authentique du grand Saint Nicolas a été publié à Paris, aux éditions du Mercure de France, en décembre 1896. C'est un grand in-8° (28x19,5, 214p), illustré d’une couverture, d’un frontispice, de 31 croquis de Félicien Rops (et non 30 comme indiqué sur la page de titre) et de 5 dessins hors texte d'Étienne Morannes, pseudonyme de Claire Demolder-Rops, épouse de l'écrivain et fille de l'artiste-graveur. Si l'on en croit la correspondance d'Eugène Demolder à Edmond Deman, "quarante croquis inédits de Rops" et "6 dessins hors texte de Morannes, un élève de Rops" étaient initialement prévus.
Il forme un diptyque d'un point de vue formel, livresque et éditorial avec un autre livre du trio, La Légende d'Yperdamme, qui parait au même moment et que nous évoquerons dans un prochain article. C'est un grand livre d'étrennes dont le format, la polychromie de la couverture, les dates d'éditions et les représentations de Noël constituent un produit d'appel pour un jeune public, mais aussi pour les bibliophiles et collectionneurs d'art à la recherche de dessins et gravures originales Félicien Rops. Il est d'ailleurs explicitement conçu "pour les petits et les grands enfants" et dédié aux petites nièces de Demolder, les filles du docteur Jules Loin (ce grand gynécologue, immortalisé par un portrait d'Henry de Groux, avait épousé la soeur d'Eugène Demolder) : "A mes chères nièces / Jeanne et Marguerite Loin".
Il a été tiré de cet ouvrage 15 exemplaires sur papier de Hollande, 10 exemplaires du papier impérial du Japon et 5 exemplaires sur papier de Chine. Dans la correspondance d'Eugène Demolder à Edmond Deman, il annonçait : "20 Hollande, 3 Chine et 10 Japon".
Demolder a tout fait imprimer à ses frais chez Édouard Crété, à Corbeil-Essonnes, qui possède alors quatre presses rotatives traitant la couleur et un atelier de brochage et de photogravure. La chose a toute son importance pour Demolder qui a préparé ses livres en vue d’une publication de circonstance et comme devant paraître à un moment particulier de l’année. Malheureusement, la correspondance entre l'auteur et l'éditeur Edmond Deman révèle les failles et les déceptions à la réception du produit fini qui paraîtra avec du retard.
"Ces livres ont paru, hélas ! trop tard cette année. Mais pensez-vous, étant donnés leur prix et ce qu’ils sont, qu’ils sont vendables, soit à toute saison, soit aux époques de St Nicolas, de Noël et d’étrennes ? Un avis de connaisseur sur ce point, s.v.p. ?"
Eugène Demolder, Lettre à Edmond Deman, aut.s., Demi-Lune, 23 janvier 1897. E. Demolder Letters, Mount Holyoke College, Archives and Special Collections, South Hadley, Mass.
"J’aurais tort de ne pas être très content de votre avis si franc sur mes livres. Ce n’est pas un banal compliment que je demandais. Et puis, ce n’est pas moi, en somme, c’est l’imprimeur qui écope. Quant à moi, j’ai beaucoup appris et vous verrez qu’au prochain volume vous serez plus content. On n’est pas maître d’emblée dans la confection d’un livre. Il faut faire des écoles. J’avais, pour le St Nicolas, douze croquis importants que j’ai retirés à la dernière minute. Cela faisait lourd et opaque. Et d’ailleurs ces deux volumes ont été fabriqués trop vite, bâclés presque, sous le coup des étrennes. Et malgré cela, ils sont arrivés trop tard !"
Eugène Demolder, Lettre à Edmond Deman, aut.s., Demi-Lune, 28 janvier 1897. E. Demolder Letters, Mount Holyoke College, Archives and Special Collections, South Hadley, Mass.
Affiche de librairie pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" par Étienne Morannes (Claire Demolder-Rops)
Notre exemplaire est celui d'André Fontainas avec un envoi manuscrit de l'auteur : « A André Fontainas / vieux souvenir / Eugène Demolder ».
Autre particularité et originalité de ce livre, il est agrémenté d'un deuxième envoi manuscrit d'André Fontainas à sa fille Anne-Romaine, à qui il offrit l'ouvrage pour ses 30 ans, et qui porte le témoignage poignant de l'amitié qui lia les deux familles pendant plus de 50 ans : « Ce beau livre, ma toute chère Anne-Romaine, / t’est donné, pour fêter / ton anniversaire, / et pour te faire songer parfois à nos grands amis disparus, / Eugène Demolder, de qui tu dois bien peu te souvenir, / et Etienne Morannes(pseudonyme de notre très chère Clairette / Demolder, fille radieuse de Félicien Rops) / de tout cœur, André Fontainas / Paris, 31 janvier 1946 ».
Anne-Romaine n'avait que 3 ans lorsqu'Eugène Demolder disparut, en 1919, mais 28 ans à la mort de Claire Demolder en 1944. Les archives Fontainas, aujourd'hui à l'ULB, conservent un exemplaire de La Route d'émerauded'Eugène Demolder avec un envoi de Claire à Anne-Romaine : "A ma chère jeune et grande amie Anne-Romaine en souvenir de la fraternelle amitié de l'auteur pour son papa et de ma tendre affection pour elle. Claire Demolder-Rops".
La reliure est d'époque : c'est un plein papier marbré à la cuve avec pièce de titre dorée.
La couverture à l’aquarelle de Rops est dans un très bel état de conservation : elle représente Saint Nicolas auréolé, tenant sa crosse d'archevêque d'Hélimonde, et Saint Fridolin en costume de Matamore vert, tenant un énorme livre sur lequel est inscrit "Eugène Demolder".
Couverture de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" (Paris, Mercure de France, 1896) d'Eugène Demolder
C’est un écho amusant au célèbre dessin à la plume d’Ensor représentant Fridolin et Gragapança d’Yperdamme, soit James Ensor et Eugène Demolder, que le peintre réalisa au cours d’une randonnée en Hollande avec l’auteur et dont on connaît plusieurs versions, épreuves et états. Cette joyeuse excursion est d'ailleurs transposée dans le conte, au chapitre IX, "Saint Fridolin" :
"Les villes de Zélande se rappelleront toujours la visite que leur firent Saint Fridolin et le comte d'Yperdamme, son plus fidèle ami et le compagnon de ses vagabondages à travers les beaux pays. Ils erraient dans cette superbe région, magnifiquement vêtus comme d'ordinaire, le coeur plein de douce fainéantise, l'âme éparse parmi les arbres et les clochers. Rêveurs convaincus, ils interrompaient leurs contemplations pour s'arrêter aux auberges des routes, où ils donnaient des aubades aux cabaretières. Ils avaient bonne mine ; on les écoutait volontiers ; et lorsqu'ils entraient dans les villes, tandis que le comte, oubliant la morgue à laquelle ses titres lui donnaient droit, dansait devant les Zélandais émerveillés, Fridolin, grave comme un juge qui va rendre une sentence ou bien moqueur comme un satyre, jouait des airs de danse. Un soir, pour prix de leurs joyeux ébats, on leur servit dans une hôtellerie un couple de poulets dodus et rôtis à point qu'ils engloutirent dans leurs estomacs en vidant force chopines. La patronne et ses filles les contemplèrent longtemps avec admiration, tandis que la nuit tombait et que la lune, rouge comme un bouclier de cuivre, se montrait au coin de la fenêtre, jalouse des voyageurs, elle qui n'avait que les brouillards à se mettre sous la dent".
Eugène Demolder, Le Royaume authentique du grand saint Nicolas, ch. IX, extrait, p. 68-69.
Le frontispice de Rops, sous serpente non légendée, représente saint Nicolas de dos, allant sur les chemins, courbé sous le poids des jouets qu'il laisse choir sur le sol derrière lui, avec au loin, un paysage de campagne avec moulin et un âne chargé de cadeaux. Ce cliché bistre sur papier couché fut réalisé, comme les autres qui composent l'édition, par l'imprimerie Crété à Corbeil. Il réduit un peu le dessin et dégrade les valeurs graphiques.
Les 31 croquis de Rops n'ont pas tous été créés originellement pour le volume et n'illustrent pas nécessairement, dans le sens de mettre en lumière, le texte ou le titre de chapitre auquel ils se rapportent. Les illustrations sont souvent allusives, contrairement aux dessins hors-texte de Morannes.
Les 5 premiers croquis représentent :
- Une vieille femme dans un intérieur flamand sur la page de titre (croquis 1)
- Un putto pour le titre du chapitre I, "Naissance de saint Nicolas" (croquis 2)
- Un paysage pour le titre du chapitre II, "L'enfance de saint Nicolas" (croquis 3)
- Saint Nicolas enfant à la fin du chapitre II (croquis 4)
- Un paysage pour le titre du chapitre III, "Adolescence de saint Nicolas" (croquis 5)
Croquis 1 à 5 de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" d'Eugène Demolder
Les croquis 6 à 10 représentent :
- Un portrait de profil d'une jeune fille (sauvé par saint Nicolas ?) pour le titre du chapitre IV, "Les trois pommes d'or" (croquis 6)
- Une tête de saint Nicolas auréolé pour le titre du chapitre V "Saint Nicolas sacré archevêque d'Hélimonde" (croquis 7)
- Un conteur avec casquette pour le titre du chapitre VI "Histoire des trois petits enfants" (croquis 8)
- Un paysage fluvial avec bateau pour le titre du chapitre VII "La mort de saint Nicolas" (croquis 9). Il s’agit en fait d’un fjord norvégien dessiné par Rops au cours de son voyage en Suède et Norvège avec les Hagemans en 1874 (Voir le commentaire de Pascal de Sadeleer dans le catalogue de la Librairie Simonson,Félicien Rops, Vente publique du 26 septembre 1987, Bruxelles, lot 44 ; et Pascal de Sadeleer, « L’Art et l’idée ». Un Centenaire fin de siècle. 1ère partie, Vente publique du 26 octobre 1992 organisée par la librairie Pascal de Sadeleer au Palais des beaux-arts à Bruxelles, lot 93).
- Un paysage fluvial avec barque et église pour le titre du chapitre VIII "Les cloches de Rome" (croquis 10). Il s’agit d’une église suédoise dessinée par Rops au cours du même voyage en Suède que nous mentionnons précédemment.
Croquis 6 à 10 de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" d'Eugène Demolder
Les croquis 11 à 15 représentent :
- Fridolin assis sur une chaise (?) pour le titre du chapitre IX "Saint Fridolin" (croquis 11)
- Saint Fridolin de dos (?) pour le titre du chapitre X "L'île rouge" (croquis 12)
- Un paysage fluvial pour le titre du chapitre XI "Le Rivage enchanté" (croquis 13)
- Un paysage fluvial avec maisons de pêcheurs pour le titre du chapitre XII "La légende du pêcheur" (croquis 14). Comme mentionné précédemment, il s’agit en fait de maisons de pêcheurs que Rops composent en 1874 lors de son voyage en Suède et en Norvège.
- Un enfant tenant un masque à grelots pour le titre du chapitre XIII "Une kermesse au ciel" (croquis 15)
Croquis 11 à 15 de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" d'Eugène Demolder
Les croquis 16 à 21 représentent :
- Deux animaux pour le titre du chapitre XIV "La ménagerie" (croquis 16)
- Un chien pour la 1ère page du chapitre XIV (croquis 17)
- Un putto ou innocent pour le titre du chapitre XV "Les Innocents" (croquis 18)
- Un paysage avec église pour le titre du chapitre XVI "Le château de saint Nicolas" (croquis 19). Une autre église suédoise dessinée par Rops lors de son voyage en Suède et en Norvège en 1874.
- Une tête de femme ou poupée zélandaise pour le titre du chapitre XVII "Le royaume des poupées" (croquis 20)
- Une nature morte avec tasse pour le titre du chapitre XVIII "Les cuisines en plein parc" (croquis 21)
Croquis 16 à 21 de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" d'Eugène Demolder
Les croquis 22 à 26 représentent :
- Un oiseau pour le titre du chapitre XIX "La nuit de Noël" (croquis 22)
- Une main tenant un soulier pour le titre du chapitre XX "Le bonhomme de Noël" (croquis 23)
- Une tête de vieil homme pour le titre du chapitre XXI "Au pays des pantins" (croquis 24)
- Un cavalier et sa monture en train de se faire lacer ses chaussures pour le titre du chapitre XXII "La fabrique de jouets" (croquis 25)
- Un verre à pied, un scarabée et un oiseau pour le titre du chapitre XXIII "Les masques de Fridolin" (croquis 26)
Croquis 22 à 26 de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" d'Eugène Demolder
Les croquis 27 à 31 représentent :
- Deux chats pour le titre du chapitre XXIV "La cheminée des voeux" (croquis 27)
- Un putto diabolique dansant pour le titre du chapitre XXV "Le compte de la mi-carême" (croquis 28)
- Une femme de profil pour le titre du chapitre XXVI "Le départ pour la terre" (croquis 29)
- Un personnage de profil avec bonnet phrygien pour le titre du chapitre XXVII "La nuit du six décembre" (croquis 30)
- Claire Demolder-Rops la tête plongée dans le livre de son époux Eugène Demolder représenté sous elle en putto écrivant pour la dernière page (croquis 31).
Croquis 27 à 31 de Félicien Rops pour "Le Royaume authentique du grand saint Nicolas" d'Eugène Demolder
Contrairement à La Légende d'Yperdamme, le deuxième illustrateur du livre, Étienne Morannes (pseudonyme de Claire Demolder-Rops) n'est pas mentionné sur la couverture. Ses cinq dessins hors texte sous serpente légendée précèdent systématiquement, comme dans La Légende d’Yperdamme, le conte qu’ils illustrent.
Le 1er, pour le chapitre I, « Naissance de Saint Nicolas », représente une scène d’intérieur flamand dans un hôtel d’Hélimonde où se tiennent Saint Nicolas endormi au bras de la maîtresse de maison près du foyer de la cheminée, une servante debout devant le feu ardant, l’ange porteur de l’enfant pelant une pomme du brabant, avec berceau, vaisselle et tableau de maître hollandais au trumeau de la cheminée.
Premier dessin hors texte d'Étienne Morannes (Claire Demolder-Rops) en tête du chapitre I "Naissance de Saint Nicolas"
Le 2e dessin hors texte pour le chapitre XIII, « Une kermesse au ciel » représente une scène de kermesse où l’on devine de dos Fridolin avec son sceptre et Saint Nicolas devant un carrousel rempli d’anges chevauchant des montures de bois à selles d’or, de nombreux anges dans le ciel et des oriflammes. Au premier plan une femme assise par terre tire les cartes tandis qu’un ange se tient de dos devant une corbeille de fleurs.
Deuxième dessin hors texte d'Étienne Morannes (Claire Demolder-Rops) en tête du chapitre XIII "Une kermesse au ciel"
Le 3e dessin hors texte, pour le chapitre XVI, « Le Château de Saint Nicolas », représente des anges plumant des oies de Noël.
Troisième dessin hors texte d'Étienne Morannes (Claire Demolder-Rops) en tête du chapitre XVI "Le château de saint Nicolas"
Le 4e dessin hors texte, pour le chapitre XIX, « La nuit de Noël », représente, dans un paysage de neige nocturne avec étoile du berger, Fridolin et Saint Nicolas se faisant indiquer la route qui mène à la cité d’or Bethléem, illuminée dans le fond et encerclée d’une foule immense.
Quatrième dessin hors texte d'Étienne Morannes (Claire Demolder-Rops) en tête du chapitre XIX,"La nuit de Noël"
Le dernier dessin hors texte, pour le chapitre XXII, « La fabrique de jouets », représente des anges dans un atelier en train de fabriquer des jouets. C'est cette illustration qui a servi à l'affiche de librairie présentée plus haut et dont nous présentons une épreuve avant la lettre ci-dessous.
Cinquième et dernier dessin hors texte d'Étienne Morannes (Claire Demolder-Rops) en tête du chapitre XXII, "La fabrique de jouets"
Chez Claire Demolder-Rops, l’image fonctionne donc comme une mise en lumière du texte. Ses dessins soulignent certains passages de la fiction tout en ménageant une pause dans la lecture. Ses images entretiennent un rapport d’analogie étroit avec le texte et l’insertion de serpentes légendées vient le renforcer. Un fin papier transparent protège l’illustration afin d’éviter le maculage et légende l’image avec une citation prise dans le texte, créant ainsi un mouvement de va-et-vient incessant où le lecteur est invité dans un premier temps à lire la légende, puis à soulever la serpente pour découvrir l’image, puis à aller retrouver dans le texte le moment qui a servi l’illustration, puis à revenir à l’image, etc. Éveil des sens où la vue et le toucher sont à l’honneur par le jeu qui se crée dans le maniement des pages et dans l’exploration labyrinthique du livre. La portée de l’oeuvre de Claire peut donc être perçue comme didactique et pédagogique dans ce sens, même si les images qu’elles proposent ne remplissent aucune fonction de désambiguïsation d’un texte qui serait équivoque, bien au contraire, car la prose de Demolder, descriptive et précise au plus haut point, est, pour filer la métaphore qui revient sous la plume des critiques à son égard, très visuelle et très picturale. L’image intervient donc pour renforcer la picturalité du texte et éveiller l’acuité visuelle du lecteur.
On ne peut pas en dire autant des illustrations de Rops qui semblent fonctionner comme des oeuvres autonomes, à part entière et qui ne sont pas du tout subordonnées au texte ou à ce qu’il raconte. Elles fonctionnent de leur propre chef pour des raisons essentiellement artistiques et personnelles à l’illustrateur. Ce sont bien les croquis de Rops qui tendent à faire basculer le livre illustré pour enfant en livre d’artiste.
Ainsi père et fille traduisent en leur art la double tension qui habite non seulement l’objet livresque mais aussi le contenu de la prose de Demolder.
Jonathan Devaux
Article initialement publié sur le blog "Belgicana", Collection privée d'un amateur de livres et autographes d'écrivains belges (XIXe-XXe siècles)