Paul Lacroix, dit le Bibliophile Jacob (1806-1884)
Photographié par Nadar
« votre exemple comme guide et votre mérite comme but »
Mesdames, Messieurs,
bonjour et merci de votre présence à cette journée d’études Paul Lacroix.
Je m’appelle Bertrand
Hugonnard-Roche et je gère une librairie ancienne depuis maintenant 13 ans.
J’ai fait la connaissance
d’Octave Uzanne il y a de cela près de 20 ans. Depuis, par l’intermédiaire d’un
site internet et quelques publications, j’essaye de faire revivre la mémoire de
cet homme de lettres oublié du grand public.
Dans un premier temps je
vais vous présenter brièvement Octave Uzanne et son parcours.
Dans un deuxième temps
nous verrons les liens entre Octave Uzanne et Paul Lacroix, dit le Bibliophile Jacob.
Octave Uzanne est né à
Auxerre, en Bourgogne, en 1851. Issu, par sa mère d’une longue lignée de
marchands de cette même région, et par son père, d’origine savoyarde, également
d’importants marchands en gros établis dans cette ville depuis les premières
années du XIXe siècle. Octave Uzanne est orphelin de père à l’âge de 15 ans
(1866).
Le jeune Octave Uzanne
suit des études au collège d’Auxerre, fait un passage par un collège en Angleterre
(1870), revient au collège Rollin à Paris. On sait qu’il suit des cours de
droit et que ses études s’achèvent vers 1872. Pendant ces années de jeunesse Octave
Uzanne mène une vie mêlée de bohême et d’études au cœur des quartiers de fête
parisiens. C’est à ce moment là qu’il se dirige vers une carrière d’hommes de
lettres. Ses premières publications datent de 1875, avec la réédition annotée
des Poètes des Ruelles (Sarasin,
Montreuil, Voiture, Benserade). Sa formation littéraire passe par la rencontre
de plusieurs éminents lettrés : Paul Lacroix (ce que nous verrons plus en
détail), mais également Jules Barbey d’Aurevilly, et bien d’autres. Il
collabore à de jeunes revues bibliographiques et littéraires (Le Conseiller du Bibliophile – 1876
-1877 ; La Jeune France ; Les Miscellanées bibliographiques de
Rouveyre (1878-1880).
Très vite, le caractère
très indépendant du jeune bibliophile-bibliographe s’affirme. Ayant tissé un
réseau de relations suffisant, il fonde en 1880, aux côté du jeune
imprimeur-gérant Albert Quantin, ce qui sera une revue bibliographique
incontournable pendant 10 années : Le
Livre. Cette revue sera le point de rendez-vous de très nombreuses
connaissances dans le milieu des lettres : On y retrouve Paul Lacroix,
Paul Bourget, Edouard Drumont, son collaborateur communard Bernard Henri
Gausseron et une myriade de noms encore connus aujourd’hui. Cette revue formera
20 gros volumes in-4 truffés de très nombreuses reproductions de documents,
illustrations, estampes, etc.
Uzanne poursuit son
aventure éditoriale avec 2 revues d’un format différent mais non moins luxueuse :
Le Livre moderne (1890-1891) et L’art et l’idée (1892). Les collaborations se
poursuivent. Uzanne y montre son amour de l’art qui se disperse vers d’autres
domaines comme la céramique, la sculpture, la peinture, l’ameublement.
Il faut tout de suite
souligner que ces revues sont éditées alors qu’il publie quantité d’ouvrages à
côté, en simultané : Depuis 1875 chaque année voit paraître un nouvel
ouvrage : On citera Le Bric-à-Brac de l’amour (1878) préfacé par Barbey
d’Aurevilly ; Les Surprises du Cœur ; Le Calendrier de Vénus. Trois
productions personnelles aujourd’hui oubliées. En 1878 il publie les Caprices
d’un Bibliophile. A partir de 1879 il publie les Conteurs du XVIIIe siècle
(série de 12 volumes) avec notes et préface. Paraissent également en 1882 et
1883 les deux ouvrages qui feront sa renommée d’écrivain précieux :
L’éventail et l’Ombrelle. Puis viennent les livres sur la femme : Son
Altesse la Femme (1884) et La Française du Siècle (1885), puis bien d’autres que
nous ne pouvons citer ici. Uzanne publiera sans relâche jusqu’aux premières
années de 1900 sur la femme, la mode et la bibliophilie. Les bibliophiles
connaissent ses ouvrages sur l’art de la décoration extérieure des livres
(reliures et cartonnages), l’illustration, etc. Nous ne pouvons nous étendre ici
sur le détail de toutes ces publications luxueuses et destinées avant tout à
une élite (tirages numérotés).
Parallèlement à tout
ceci, Uzanne mène une vie agrémentée de nombreux voyages en Europe et dans le
monde (USA, Japon). Progressivement, sa passion d’écrire le conduit à devenir
de plus en plus journaliste ou plutôt chroniqueur. Il passe ainsi, dès les
années 1893, du Figaro à l’Echo de Paris, puis à la Dépêche de Toulouse où il
chroniquera pendant près de 30 ans, pratiquement jusqu’à sa mort en 1931.
Octave Uzanne aujourd’hui
oublié méritait de retrouver sa place dans le monde des lettres. Il a côtoyé
les plus grands de son temps : hommes de lettres et artistes. Il a été
l’ami de Félicien Rops, du céramiste Jean Carriès, de Barbey d’Aurevilly dans
ses dernières années, etc.
Nous allons voir
maintenant ce que nous savons à ce jour de ses liens avec Paul Lacroix.
Il faut tout d’abord
insister sur les dates. Paul Lacroix est né en 1806. Lorsqu’Octave Uzanne finit
ses études et s’oriente vers les lettres en 1872, c’est un jeune homme de 21
ans qu’il rencontre. Lacroix est alors âgé de 66 ans. Lacroix est conservateur
à la bibliothèque de l’Arsenal depuis plus de 17 ans (1855). Lorsque Lacroix
meurt en 1884, Uzanne dresse ce portrait de l’infatigable bibliographe :
« Levé vers cinq
heures, il se mettait à l’œuvre jusqu’à 8 heures du matin. Il consacrait une heure
à son coiffeur qui, régulièrement, venait le friser, le raser, l’éveiller pour
ainsi dire à la vie extérieure ; puis, jusqu’à l’heure du déjeuner, il
reprenait son labeur. L’après-midi, lorsqu’il n’était pas de service aux
manuscrits de l’Arsenal, il travaillait encore, il travaillait toujours, et
souvent le soir il quittait le salon hospitalier de l’Arsenal, où tant
d’anciens amis venaient égrener leurs souvenirs, pour aller s’enfermer jusqu’à
minuit dans ce petit cabinet encombré et impraticable où il avait emmuré sa vie
dans les livres depuis de si longues années. »
C’est là que le jeune
Octave Uzanne fit sa connaissance. Tous deux partagèrent bien des découvertes
et des travaux en cours, pour l’un et pour l’autre. Le jeune Octave Uzanne se
prit d’admiration pour ce modèle encore vivace ancré dans un siècle qui n’était
déjà plus le sien. Uzanne s’en inspirera toute sa carrière.
Voici ce qu’écrit Octave
Uzanne en tête de sa réédition de la Guirlande
de Julie (1875) :
« Monsieur,
Je viens, disciple fidèle, placer cette édition, de la Guirlande de Julie sous
votre haute protection, rendre humblement hommage à votre vaste savoir, et
atténuer, s'il est possible, ma dette de reconnaissance envers vous. C'est
non-seulement au maître, au docte bibliophile, au grand lettré de ce siècle,
que je dédie cette réimpression, c'est plus encore à l'homme bienveillant, au
savant d'intimité, prodigue, comme les vraiment riches, de ses immenses trésors
bibliographiques, de son expérience et de ses conseils. N'est-ce pas, en effet,
sous l'influence de vos généreux encouragements que j'ai pu concevoir ma tâche,
préparer et mûrir la réhabilitation des poètes de ruelles du XVIIe siècle ? Aux
quelques beaux esprits que je me proposais d'exhumer, à Sarasin, Voiture,
Colletet, Malleville, Brébeuf et Scudéry, n'avez-vous pas ajouté, avec
l'enthousiasme juvénile de votre ardente érudition, les noms de Chapelle,
Montreuil, Charleval, Lainez, Ferrand, et autres poètes, hélas ! oubliés, jadis
oracles dans le temple du beau langage, talents originaux, précieusement
étoffés de couleur locale, au milieu de la grandiose universalité littéraire du
siècle de Louis le Grand ? Vous avez particulièrement daigné sourire à
l'illustre galanterie du marquis de Montausier, éclose dans ce pays de la
conversation, ou Julie d'Angennes était reine et idole, et j'ai eu
l'inappréciable bonheur de contempler dans votre cabinet de travail, radieuse
dans son auréole de fleurs, la ravissante Guirlandeuse, dont le portrait
si recherché, et jusqu'alors ignoré, embellit, grâce à vous, cette nouvelle
édition. Ne sont-ce pas là, monsieur, des titres à mon entier dévouement, et ne
dois-je pas m'estimer fier et heureux d'avoir su rencontrer, au début du
chemin, le guide sûr et charmant qui a bien voulu faire quelques pas sur ma
route ? C'est donc sous votre inspiration que paraît aujourd'hui la Guirlande
de Julie, et que renaîtront tour à tour tous ces rimeurs galants, favoris des
Parnassides, troupe légère d'avant-garde des Corneille et des Molière, qui, en
dépit de la verte férule du régent Boileau, sut si agréablement faire l'école
buissonnière et butiner dans les sentiers de la double colline. Grâces vous
soient rendues, monsieur, si je puis mener à bonne fin l'entreprise que je conçois,
et offrir aux lettrés, dans une gracieuse rénovation, ces délicates victimes de
l'oubli. Quoi qu'il en soit, heureux ou non dans l'avenir, ayant votre exemple
comme guide et votre mérite comme but, je marcherai fièrement en avant, prenant
la devise que les anciens, dans leur erreur, plaçaient sous le disque solaire :
Fit cursu clarior. Avec l'assurance de ma plus vive
reconnaissance et de ma sincère amitié, veuillez me croire, Monsieur, Le plus
fervent et le plus dévoué de vos admirateurs. »
Octave Uzanne est
admiratif, Octave Uzanne est redevable à Paul Lacroix de tout ce qu’il sait ou
presque. A son décès en 1884 ne fera que réitérer remerciements et marques
d’admiration à l’égard du maitre.
Dans l’article qu’il
publie dans sa revue Le Livre
quelques semaines après le décès du Bibliophile
Jacob, Octave Uzanne nous donne quelques intéressants détails sur les
soirées de l’Arsenal auxquelles celui-ci a assisté à plusieurs reprises :
« [...]
Chaque vendredi soir, c'était fête à l'Arsenal ; le bibliophile groupait
quelques amis autour de la table ; c'était tout une Renaissance délicieuse à
étudier pour les jeunes admis au cénacle. Là, venaient le vieux baron Taylor,
Paul de Saint-Victor, Henri Martin, Maquet, Monselet, Jules Lacroix, Faber,
l'auteur de l'Histoire du théâtre en Belgique, Mme de Montmerqué, autrefois la belle
Mme de Saint-Surin, et nombre d'aimables survivants de la génération de 1830.
Paul Lacroix, à ces réunions, se montrait un causeur intarissable, spirituel,
délicat, un narrateur exquis, qui savait faire revivre ses souvenirs avec une
précision et un charme de jeunesse inoubliables. C'est peut-être le dernier
salon de conversation qu'il m'aura été donné d'entrevoir, la dernière maison
qui eût conservé, dans l'urbanité de la causerie, comme un malicieux reflet des
bureaux d'esprit du XVIIIe siècle ; on n'y fumait point, on y causait
doucement, en savourant un café spécial dont Balzac avait fourni la recette ;
on y lisait, on y inventoriait les pièces curieuses, les bibelots des étagères,
et, en particulier, cette fameuse canne de l'auteur de la Comédie humaine, dont la pomme
en argent réprésentait trois singes ciselés que le charmant bibliophile
affirmait n'être autres que Lautour-Mézeray, Emile de Girardin et ...nescio
quem. - On n'y parlait que littérature ancienne et moderne, beaux-arts et
bibliographie ; on y projetait des volumes, on y échangeait des idées sur les
morts et les vivants, on renversait des bibliothèques sur le tapis, on admirait
la superbe galerie de tableaux de l'aimable et accueillante hôtesse, on y
vivait double par l'esprit ... enfin, à dix heures on se retirait. »
Octave Uzanne poursuit :
« Pourrais-je
oublier ces soirées de l'Arsenal où pour moi défilait la tradition orale de
tout un passé, où le regretté bibliophile m'apprenait paternellement à
distinguer les souvenirs écrits des souvenirs parlés. »
Uzanne dresse ensuite un portrait du vénérable bibliophile :
« [...]
Paul Lacroix devint l'homme-livre par excellence, bien que rien en lui ne
trahit le rat de bibliothèque grincheux et étriqué d'idées. Il avait l'esprit
aussi large que son cœur était ouvert à toutes les miséricordes [...] Paul
Lacroix joignait à une extrême facilité de conception et d'exécution une
infatigable persévérance dans ses entreprises. Dans le logis qui lui était
réservé à la bibliothèque de l'Arsenal, le cabinet était situé derrière la
porte d'entrée. Lorsqu'on y pénétrait pour la première fois, on ne distinguait
qu'une agglomération de livres, de journaux et de brochures, une sorte d'arrière-boutique
de bouquiniste, où il semblait impossible à un écrivain, ami du confort
moderne, qu'un homme pût vivre, penser et travailler à loisir. On cherchait
avec peine un siège pour s'asseoir, et tout à coup d'un amas de paperasses la
tête souriante du vieux bibliophile surgissait. Assis devant une petite table
d'acajou recouverte de papier goudron, l'historien du moyen âge et de la
Renaissance, penché comme un myope sur sa copie, écrivait fébrilement, d'une
écriture menue, microscopique, presque indéchiffrable pour les compositeurs. La
croisée, sanas autres rideaux qu'un store pour les heures de soleil, s'ouvrait
sur l'entrepôt ; dans le lointain brumeux, au-dessus du Jardin des Plantes, le
Panthéon et le Val-de-Grâce s'étageaient sur les hauteurs de la Montagne
Sainte-Geneviève. Sur la cheminée, le buste de Paul Lacroix romantique de 1830
par Jehan Duseigneur ; dans l'âtre, à terre sur les sièges, des cartons, des
papiers, des livres dans le plus incroyable désordre ; - appendus au mur, des
tableaux de maîtres, un Greuze : une femme vue de dos tressant sa chevelure, un
Jordaens, un Ribeira, quelques portraits de famille et une grande toile anonyme
du XVIIe siècle représentant le Temps coupant les ailes de l'Amour. Au milieu
de ce capharnaüm dont il avait fait sa thébaïde, l'érudit conservateur vivait à
l'aise, accueillant pour tous, conteur et causeur inépuisable et exquis pour
ses amis, conseiller précieux, guide empressé, vous mettant sur la piste de
toutes les recherches. Dans ce fouillis, il ne s'égarait jamais, et s'il
s'agissait d'obtenir des renseignements sur un poète du XVIIe siècle, tout en
causant, sa main ramassait à terre un tome in-folio de la bibliothèque du roi,
qu'il ouvrait juste à point donné, ou bien le volume voulu du père Niceron ou
de l'abbé Gouget, qu'il feuilletait vivement pour y lire à haute voix les
références littéraires qu'il y trouvait. Les heures s'écoulaient vite en
compagnie de ce charmeur, qui pensait que c'est rester jeune que de savoir
vieillir. [...]. »
Uzanne conclut :
« Paul
Lacroix fut un collaborateur assidu du Livre ; il rêvait d'y publier une longue
série de notices bibliographiques sur des écrivains inconnus du grand siècle,
pour en former en quelque sorte un Quérard
des livres français imprimés au XVIIe siècle ; il projetait de nombreuses études
sur les Romantiques avortés ; il avait également ébauché pour
cette revue une intéressante Histoire
des livres doubles dans les bibliothèques publiques, ainsi qu'une collection
physiologique des Voleurs et
destructeurs de livres. »
Personne, hélas ! ne saurait reprendre ces projets ni les traiter avec
la science, l'humour, l'élégante concision, la conscience littéraire et surtout
la prodigieuse mémoire qu'il y eût apportés.
La bibliothèque particulière du bibliophile
Jacob restera probablement la propriété de l'Arsenal, selon les vœux du
défunt. - Je ne saurais dire ce que deviendront ses manuscrits.
Le temps qui nous est imparti ne nous permet pas hélas ! d’aller
plus loin.
Il nous faudrait pourtant, pour être complet, parler de bien d’autres
choses qui réunirent pendant quelques années les deux hommes férus de
curiosités en tous genres.
Il nous faudrait parler de cet ex libris dessiné par Marius Perret sur
les indications d’Octave Uzanne pour le Bibliophile
Jacob. Ex libris qui était destiné à orné les volumes de la bibliothèque de
sa bibliothèque de romans. Mais Lacroix meurt trop tôt.
Il nous faudrait parler des nombreux compte-rendus d’ouvrages de
Paul Lacroix publiés dans la revue Le Livre entre 1880 et 1884.
Il nous faudrait parler de l’excellent article signé Bernard Henri
Gausseron (bras droit d’Octave Uzanne à la revue Le Livre) intitulé : Cabinets
de travail et bibliothèques : M. Paul Lacroix (1884).
Il nous faudrait parler également de leur avis convergeant sur les Femmes bibliophiles. Lacroix aurait
confié à Uzanne :
« Les
femmes n’aiment pas les livres et n’y entendent rien : elles font à elles
seules l’Enfer des bibliophiles : Amours de femmes et de bouquin ne se
chantent pas au même lutrin. »
Octave Uzanne tout à la fois féminolâtre et gynécophile, un brin
mysogine pour certains, devait apprécier au plus haut point ces propos.
Il nous faudrait parler des nombreuses anecdotes rapportées par le Bibliophile Jacob au jeune Octave Uzanne.
Notamment celle du fameux parasol nommé Pépin
de Henri IV, conservé pendant longtemps à l’Arsenal, ancien hôtel de Sully.
Il nous faudrait également parler de ses anecdotes sur les bouquinistes
parisiens qu’a longtemps fréquenté Paul Lacroix (pendant plus de 60
ans !).
Mais nous manquons de temps.
Ainsi, nous conclurons :
Octave Uzanne paraît
aujourd’hui, à la plupart des lecteurs, un écrivain mineur, au style précieux.
On l’accuse d’avoir épuisé des sujets jusqu’à lasser son public : La
femme, la mode, les mœurs féminines, mais aussi la bibliophilie. C’est ne pas
connaître son œuvre qui comprend plus de 50 ouvrages et plusieurs milliers
d’articles dispersés dans de très nombreux journaux.
Je crois d’ailleurs
pouvoir dire que les plus virulents à le critiquer sur son style ou sur se
choix littéraires sont ceux là même qui ne l’ont pas lu, ou si peu.
Ses années de formation
sont à mettre sous la direction de deux maîtres : Paul Lacroix et Jules
Barbey d’Aurevilly. Deux personnages de l’ancienne France, plus ancrés dans la
première moitié du XIXe siècle que dans le XXe siècle qui s’annonce. De Paul
Lacroix, Octave Uzanne retiendra une force de travail impressionnante et une
curiosité démesurée pour toutes choses. De Barbey d’Aurevilly il retiendra un
style d’écriture, reconnu et adoubé par le Connétable
des lettres lui-même.
Arrivé à maturité, formé
par ces « anciens », Octave
Uzanne s’orientera de lui-même vers la nouveauté, le moderne. Sa devise
bibliophilique n’était-elle pas « Tout aux modernes ! » ?
Son esprit indépendant, travailleur, insensible à la gloire littéraire et aux
lauriers tressés, feront de lui un personnage incontournable pendant plus de 25
ans (1875-1900). Son côté misanthrope dès l’aube de sa vieillesse, feront de
lui un chroniqueur paradoxal, mal compris, y compris de ses contemporains.
Oublié avant même sa mort par ses contemporains alors qu’il était à la tête
d’une œuvre littéraire et critique méritante, il nous a semblé juste de
remettre à l’honneur, et son travail, et sa personnalité tout à la fois
attachante et complexe.
C’est le but du site
internet qui, à travers déjà plus de 750
articles, donne un panorama des plus complet de son œuvre et de son caractère.
Mesdames, Messieurs,
Merci de votre attention,
Bertrand Hugonnard-Roche (*)
*
* *
(*) Ce texte a été lu lors de la Journée Paul Lacroix, l'homme-livre du XIXe siècle qui s'est déroulée à la bibliothèque de l'Arsenal le 20 mars 2015. Notre intervention a eu lieu à 11h15 : Bertrand HUGONNARD-ROCHE (libraire et chercheur) – Paul Lacroix et Octave Uzanne, apprentissages d’un jeune homme de lettres : votre exemple comme guide et votre mérite comme but. Durée : 20-30 min. Le programme entier de cette journée se trouve ICI. Nous avons refusé de nous plier au diktat des règles et snobismes universitaires qui consistait en une refonte complète de notre texte avec ajouts de notes et mise en forme "militaire". Ce refus nous a valu de ne pas retrouver ce texte parmi les actes de cette journée (normalement publiés à ce jour). Peu importe le flacon, nous voulons l'ivresse, et par dessus tout la connaissance. Ni Octave Uzanne, ni Paul Lacroix n'auront à souffrir de mon abjection pour les conventions qui ne servent à rien. Voici donc mon texte, en pleine propriété de mes mots, je le livre ici tel qu'il a été lu devant quelque dizaines de personnes tout au plus à l'Arsenal. Espérons qu'il trouve en ce lieu virtuel un lectorat plus ample et non moins passionné.
Nous vaincrons !
Bertrand Hugonnard-Roche, le 25 janvier 2018