vendredi 24 février 2017
La complainte un peu bêtasse du bibliophile malin.
La complainte un peu bêtasse du bibliophile malin.
Je suis un bibliophile tout malin,
Qui gentiment du soir au matin,
M'en va chercher des beaux livres,
Maladie ! J'en ai besoin pour vivre.
Je suis un bibliophile tout malin,
Qui gentiment du soir au matin,
Va causer chez son ami libraire
Sans être pour autant son actionnaire.
Je suis un bibliophile tout malin,
Qui gentiment du soir au matin,
Achète à la salle des ventes
Parce qu'elle est émouvante.
Je suis un bibliophile tout malin,
Qui gentiment du soir au matin,
N'achète pas moins cher le soir
Et se lève pourtant tôt le matin.
Un bibliophile pas bien malin
vendredi 17 février 2017
EUGÈNE DEMOLDER, LA ROUTE D'ÉMERAUDE, PARIS, MERCURE DE FRANCE, 1899. EX. N°1/3 SUR JAPON IMPÉRIAL AVEC ENVOI DE L'AUTEUR À SON ÉPOUSE CLAIRE DEMOLDER (FILLE DE FÉLICIEN ROPS) Rédigé par Jonathan Devaux et publié depuis Overblog.
EUGÈNE DEMOLDER, LA ROUTE D'ÉMERAUDE, PARIS, MERCURE DE FRANCE, 1899. EX. N°1/3 SUR JAPON IMPÉRIAL AVEC ENVOI DE L'AUTEUR À SON ÉPOUSE CLAIRE DEMOLDER (FILLE DE FÉLICIEN ROPS) (*)
16 FÉVRIER 2017
Rédigé par Jonathan Devaux et publié depuis Overblog
En 2009, le librairie Bertrand Hugonnard-Roche interrogeait les lecteurs de son blog "Le Bibliomane moderne" sur leur graal bibliophilique dans un article intitulé : "Pour vous, une bombe bibliophilique, c'est quoi?". Si l'occasion m'avait été donné de connaître le propriétaire de la librairie "L'Amour qui bouquine", à l'époque, j'aurais spontanément répondu à son enquête : "ma bombe bibliophilique ? un livre d'Eugène Demolder sur grand papier avec un envoi à sa muse, illustratrice et compagne Claire Duluc, fille de Félicien Rops".
12 ans après ma rencontre avec l'oeuvre d'Eugène Demolder, ressuscitée par l'universitaire Laurence Brogniez dans ses articles sur les rapports littérature-peinture dans la Belgique fin-de-siècle, et des milliers de patientes heures à courir les bibliothèques, archives et collections privées pour consulter, — parfois acheter —, les livres de l'auteur (jamais réédités), ses manuscrits, envois et correspondances afin de préparer l'édition de ses oeuvres complètes, j'ai enfin mis la main sur mon graal bibliophilique.
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer le grand roman pictural d'Eugène Demolder, La Route d'émeraude, sur ce blog, dans un article consacré à un exemplaire sur papier courant avec envoi à Octave Mirbeau acquis auprès de la librairie Le Feu Follet (ICI), mais je ne résiste pas à la tentation de vous présenter le plus exceptionnel de tous, puisqu'il s'agit d'un tirage extrêmement limité sur grand papier offert par l'auteur à son épouse, enrichi d'une dédicace manuscrite des plus touchantes.
Outre le fait que mon exemplaire est le premier du tirage de tête sur papier Japon impérial, il est enrichi, sous la dédicace imprimée "A Madame Claire Demolder" commune à tous les exemplaires, d'un poignant hommage de l'auteur à celle qui fut sa compagne, sa collaboratrice et l'illustratrice de sept de ses ouvrages sous divers pseudonymes :
- Étienne Morannes pour La Légende d'Yperdamme (Paris, Mercure de France, 1896), Le Royaume authentique du grand saint Nicolas (Paris, Mercure de France, 1896), Quatuor (Paris, Mercure de France, 1897), Sous la robe (Paris, Mercure de France, 1897), La Mort aux berceaux (Paris, Mercure de France, 1899)
- Haringus pour L'Agonie d'Albion (Paris, Mercure de France, 1901)
- anonyme pour les ornementations des Trois Contemporains (Bruxelles, Edmond Deman,1901)
L'envoi, à l'encre noire, est des plus émouvants :
à ma petite compagne chérie
dont l'affection protège et réveille
ma vie et mon art,
au Toto délicieux qui joue "au
ménage" avec moi, sans qu'on
se dispute jamais
de tout mon coeur
Eugène Demolder
J'avais déjà relevé ce surnom affectueux de "Toto" dans la correspondance entre Eugène et Claire (conservée dans une collection privée), mais aussi dans son exemplaire personnel du pamphlet L'Agonie d'Albion passé en vente publique chez Simonson, en Belgique, le 16 janvier 1988, avec un envoi de l'auteur qui ne laisse d'ailleurs planer aucun doute sur l'identité du caricaturiste de l'ouvrage, un certain Haringus :
au Petit Toto
qui a travaillé avec tant de courage à la confection de ce livre
au caricaturiste !
à la belle petite fille chérie ! avec mille baisers E.D.
Une lettre de Claire Demolder au grand ami de la famille, Nadar, conservée à la BNF sous la cote NAF 24995 332, va aussi dans ce sens : "Permettez-moi de vous présenter mon mari en photographie et de vous envoyer un petit livre que nous venons de faire tous les deux, car oserais-je vous le dire ? Je suis « Monsieur Haringus lui-même »".
Je profite de cette petite digression pour reproduire ci-dessous l’envoi manuscrit d'Eugène Demolder à Nadar sur son exemplaire de L'Agonie d'Albion, puisqu’il nous a été permis de le consulter dans une collection privée. Nul doute que le photographe-caricaturiste français a dû apprécier les charges anglophobes de Claire Demolder, digne héritière de son père Félicien Rops.
Eugène Demolder, "L'Agonie d'Albion", Paris, Mercure de France, 1901. Envoi manuscrit de l'auteur à Nadar (collection privée)
Avant de rejoindre ma bibliothèque, cet exemplaire unique de La Route d'émeraude dédié à Claire Demolder a appartenu au grand collectionneur belge Carlo de Poortere dont je vous avais déjà parlé à propos du Quatuor d'Eugène Demolder avec un envoi à Lucien Guitry (ICI).
Connu dans le milieu des bibliophiles pour avoir entre autres possédé l’une des plus importantes collections d’œuvres du peintre-graveur belge Félicien Rops, ainsi que des manuscrits et éditions sur grands papiers de Maurice Maeterlinck, Émile Verhaeren, Georges Rodenbach et Michel de Ghelderode, Carlo de Poortere avait aussi fait l'acquisition de nombreuses oeuvres d'Eugène Demolder (dont 3 en ma possession à l'heure actuelle) et d’une dizaine de manuscrits/épreuves corrigées de l'auteur, dont un roman inédit (collection privée).
L’ex-libris du collectionneur est collé sur la garde du premier contreplat : c’est un macaron octogonal, en cuir rouge, avec l’inscription dorée "EX LIBRIS CARLO DE POORTERE", surmontée d’un dessin doré d’un métier à tisser, motif qui rappelle l’activité de la célèbre manufacture familiale dont il est l'héritier.
Quant à la reliure et l'étui, probablement confiés par le collectionneur au soin d'Émile Fryns, il s'agit d'un demi-maroquin vert à coins, avec filets dorés sur les plats, tranche supérieure dorée, dos lisse avec nom de l'auteur, titre et date de publication dorés. 1ère couverture, 4e couverture et dos ont été conservés.
Avant de paraître en volume, La Route d'émeraude a fait l'objet d'une prépublication dans la revue du Mercure de France, en quatre livraisons correspondant aux quatre parties du roman, de juin à septembre 1899. Pour les consulter gratuitement sur Gallica, cliquez ICI et ICI.
Claire Demolder a également donné au Mercure de France, cette année-là, cinq vignettes nouvelles pour la livraison du mois d'avril et trois pour la livraison de mai qui seront régulièrement réutilisées dans la revue jusqu'en 1904, notamment pour enluminer la table des matières et des textes de Remy de Gourmont, Hugues Rebell (à qui elle était promise avant que Félicien Rops ne lui préfère Eugène Demolder), André-Ferdinand Hérold, Walter Pater, Jules de Gaultier, Marcel Collière, Fernand Caussy, Jean Le Tinan, H.G. Wells, Charles-Henry Hirsch, ou encore ... Eugène Demolder.
Les vignettes sont toutes signées "CDR" - Claire Demolder Rops - même si la piètre qualité de la reproduction peut parfois laisser penser que certaines sont anonymes. Quoi qu'il en soit, la table des matières de la revue ne laisse guère planer de doutes quant à leur auteur.
Claire Demolder, vignette pour la revue "Le Mercure de France", n° 112, avril 1899, p. 5, pour le texte de Remy de Gourmont « Du style ou de l’écriture » ; reprise notamment dans le n° 119, novembre 1899, p. 289 pour « La Bataille pour un mort » d'Hugues Rebell.
Claire Demolder, vignette pour la revue "Le Mercure de France", n° 112, avril 1899, p. 39, pour « Les Bacchantes » de A.-F. Hérold ; reprise notamment dans le n° 117, septembre 1899, p. 606, pour « Léonard de Vinci » de Walter Pater ; reprise également dans la table alphabétique, p. 864.
Claire Demolder, vignette pour la revue "Le Mercure de France", n° 112, avril 1899, p. 113, pour « D’un hiver tiède » de Fernand Caussy ; reprise notamment dans le n° 119, novembre 1899, p. 342 pour « La Bataille pour un mort » d'Hugues Rebell.
Claire Demolder, vignette pour la revue "Le Mercure de France", n° 113, mai 1899, p. 289, pour « L’Homme qui pouvait accomplir des miracles » de H.G. Wells.
Claire Demolder, vignette pour la revue "Le Mercure de France", n° 113, mai 1899, p. 315, pour « L’Homme qui pouvait accomplir des miracles » de H.G. Wells.
Deux de ces vignettes représentent Eugène Demolder.
La première figure l'écrivain dans un habit monastique, encapuchonné, absorbé par la lecture d'un lourd livre à fermoirs qu'il tient, les mains jointes, dans une posture qui rappelle celle de la prière.
La deuxième figure la tête de l'écrivain, coiffé du casque ailé de Mercure, les yeux clos. Cette image n'est d'ailleurs pas sans rappeler la devise du couple Demolder "Duo capita, una mens", probablement dessinée par Armand Rassenfosse. Cf. la reproduction ci-dessous.
Claire Demolder, vignette représentant Eugène Demolder lisant, pour la revue "Le Mercure de France", n° 112, avril 1899, p. 165, pour « Aimienne » de Jean le Tinan ; reprise notamment dans le n° 115, juillet 1899, p.169, pour « La Route d’émeraude » d'Eugène Demolder ; reprise également dans la « table des matières », p. 860.
Claire Demolder, vignette représentant Eugène Demolder lisant, pour la revue "Le Mercure de France", n° 113, mai 1899, p. 346, pour « Six petits poèmes » de Charles-Henry Hirsch.
Pour terminer, Claire a réalisé l'une des vignettes les plus reproduites dans la revue et qui va devenir la marque historique du Mercure de France.
Elle figure deux des principaux attributs principaux du dieu Mercure à savoir le pétase, ou casque rond ailé, et le caducée, baguette de bois de laurier ou d'olivier surmonté de deux ailes et entouré de deux serpents entrelacés.
Claire Demolder, vignette pour la revue "Le Mercure de France", n° 112, avril 1899, p. 105, pour « L’Instinct vital » de Jules de Gaultier ; reprise notamment dans le n° 119, novembre 1899, p. 386 pour « Le Poison rouge » de Marcel Collière ; reprise également dans la « table des matières », p. 859.
Merci d'avoir lu jusqu'ici !
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À bientôt !
(*) Adresse d'origine (publié sur le Bibliomane moderne avec l'autorisation de l'auteur : http://www.belgicana.com/eugene_demolder_claire_duluc_rops_route_emeraude_japon.html
jeudi 16 février 2017
Matériel d'imprimerie d'Aimé Delaroche, imprimeur à Lyon en 1757. 5 ornements gravés sur bois utilisés par cet imprimeur.
Pour en savoir plus sur l'imprimeur lyonnais Aimé Delaroche cliquez ICI. Ce mémoire numérisé datant de 1982 n'est peut-être plus très à jour mais il permettra à chacun de se faire une idée sur l'activité de cette imprimerie.
Les ornements présentés ci-dessus sont tirés des Statuts et Règlements des Hôpitaux de Lyon, publiés à Lyon chez Aimé Delaroche en 1757.
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne
mardi 14 février 2017
Saint Paulin ou la religion au service de la Querelle des Anciens et des Modernes, par Rintintin.
En 1686 parait chez Jean-Baptiste Coignard un ouvrage du fameux Charles Perrault, de l'Académie Françoise ; Saint Paulin, Evesque de Nole, avec une Epistre chrestienne sur la Pénitence, et une Ode aux nouveaux Convertis*.
Cet ouvrage, loin d'être un simple poëme héroïque, loin d'être une simple épître chrétienne, est à replacer dans son contexte et à ne pas négliger dans l'œuvre de Perrault. Bien au contraire, c'est un ouvrage passionnant, extraordinaire, important de l'œuvre de Perrault. J'en entends déjà se dire : "mais qu'est-ce qu'il nous emmerde avec un ouvrage religieux!". NON, continuez la lecture!
Officiellement, selon la très sérieuse encyclopédie Wikipédia (j'en entends déjà se dire : "et maintenant, il nous parle de wikipedia!"), la querelle des anciens et des modernes débute le 27 janvier 1687 avec la publication par Perrault, chef de file des modernes, de son poème Le siècle de Louis le Grand. Cette querelle durera jusqu'au 30 août 1694, date de l'embrassade de Perrault et Boileau à l'Académie Française. De cette période, il faut bien entendu noter l'important ouvrage de Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, 4 volumes parus entre 1688 et 1696, rendant d'ailleurs cet ouvrage très rare complet. Notons au passage que le très sérieux Tchémerzine fait ici une erreur puisqu'il indique 1697 pour le quatrième volume, mais il est loin d'être le seul, la plupart des références indiquent 1697...
Saint Paulin se situe bien avant, dans les prémices de la querelle : le privilège est daté du 18 octobre 1685 et l'achevé d'imprimé du 20 novembre 1685. On se situe clairement en dehors de la querelle propre, et Saint Paulin est pour lui l'occasion d'expliquer et de mettre en pratique une idée qu'il considère comme essentielle : la nécessité pour la France d'élaborer un art de type nouveau, un art chrétien qui sera nécessairement supérieur à l'art barbare de la civilisation païenne.
Il faut noter que la dévotion à Saint Paulin se développe un peu partout à partir des années 1665 et en particulier en France à partir de 1685 avec la venue des reliques du saint en France.
Le texte se divise ainsi :
Le texte se divise ainsi :
- Épître à Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux. Cette dédicace à Bossuet n'est pas innocente. En effet, suite à la mort de Colbert qui le protégeait, en septembre 1683, Perrault perd sa charge et compose une Epître chrétienne sur la Pénitence, qui sera louée par Bossuet lui-même. C'est donc assez logiquement que Perrault le remercie en dédiant cet ouvrage, qui contient d'ailleurs une nouvelle publication de cette épître. Plus tard, en 1698, Perrault publiera aussi une traduction du portrait de Bossuet, un poème latin de l'abbé François Boutard, un proche de Bossuet.
- Les six chants du poëme.
- Épître chrétienne sur la Pénitence.
- Ode aux nouveaux Convertis.
L'ouvrage contient sept vignettes de Sébastien Leclerc (1637-1714). Il est encore intéressant de noter qu'outre le succès de Leclerc à l'époque auprès des libraires, il était lui aussi un protégé de Colbert, et donc que Perrault et Leclerc devaient bien se connaître.
Cet ouvrage peut être qualifié de peu commun ou rare si on veut, mais il n'est pas rarissime. On en voit régulièrement des exemplaires en vente.
- Récemment, un exemplaire a été proposé à un prix très correct, 200 euros, par la librairie Pottier à Paris (qui vient de fermer). Il porte l'ex-libris de la confrérie Saint-Paulin de Cahors sur la page de titre (image d'illustration).
- Un exemplaire est actuellement proposé sur ebay à une somme nettement plus élevée : 700 euros. Malheureusement, cet exemplaire est bien triste, mouillé, sali.
- Deux exemplaires sont passés aux enchères en 2010 et 2011 et ont été adjugés respectivement 1300 euros (exemplaire offert par Perrault selon une note ancienne - la fiche ne la dit pas autographe) et 1100 euros (ex-libris de l'abbaye de Notre-Dame de la Ferté)
Bonne journée,
Rintintin
(*) Paris, Coignard, 1686. Petit in-8, (36) pp. 106 pp. 1 pp. Errata à la fin de la page 106. Page suivante : extrait du privilège et achevé d'imprimé. Sept vignettes gravées par Sébastien Leclerc, en tête de l'épître et de chaque chant.
jeudi 9 février 2017
Tester la mémoire visuelle des Bibliophiles : A quel artiste appartiennent ces compositions ? A quel ouvrage ? Publié à quelle date ? (suite et fin)
3 nouvelles illustrations pour se faire une idée ...
Voici l'illustration publiée le 19 janvier dernier
L'impatience des bibliophiles étant à son comble. Je repose la question : A quel artiste appartient ces compositions ? A quel ouvrage ? Publié à quelle date ?
Un indice ? Un artiste auquel on ne s'attend pas ...
La réponse sera donnée d'ici la fin de semaine ici même.
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne
mercredi 8 février 2017
La boite vide par Léo Larguier (1944). Petites Histoires pour bibliophiles. Editions Fournier, 1944.
LA BOITE VIDE
Les deux vieux libraires, M. Quesnel et le père Martin qui se retrouvaient chaque soir dans ce petit café d'habitués y étaient venus un peu plus tôt que de coutume. La journée avait été sinistre. Une pluie glacée leur avait interdit la promenade qu'ils faisaient, après déjeuner, le long des quais naufragés, dont les boîtes étaient fermées comme d'énormes coquilles luisantes.
Joseph, le garçon, leur apporta un café au lait et ils se mirent, bien entendu, à parler de la seule chose qu'ils aimaient sur terre, des bouquins du XVIIe siècle et des éditions originales du XIXe.
- J'ai vendu, ce matin, dit le père Martin, les épreuves corrigées par Barbey d'Aurevilly, vous savez les épreuves de Ce qui ne meurt pas ... deux mille ... et je le regrette. C'était là une pièce rare. Je l'avais payée cher à la vente Laurentier ... Bellair, qui avait un client, avait poussé jusqu'à quinze cents, ce qui fait que je n'ai presque rien gagné là-dessus. Je lui revaudrai ça ...
M. Quesnel but une gorgée de café-crème et essuya les verres de ses bésicles.
- Barbey monte, fit-il. On chasse les bouquins du Connétable. Méconnu de son vivant, et n'ayant pas, défunt, la haute place qu'il mérite, la bibliophilie va lui donner le prestige qui le fuyait et Lamartine va avoir raison qui disait : "D'Aurevilly, vous êtes le duc de Guise de la littérature ; vous paraîtrez, mort, plus grand que vivant ..." C'est une belle phrase, prophétique et racée ...
Le père Martin leva les bras.
- Vous ne savez pas à quel point Bellair se moque du vieux Templier des Lettres et de l'opinion de Lamartine. Il vend des livres comme il vendrait des bicyclettes ... mais le voilà, ayons l'air de ne pas le voir. Sa conversation m'assomme ...
Un gros homme qui entrait à ce moment alla s'asseoir au fond de la salle, à une table où l'on jouait aux cartes, et les deux amis se remirent à parler des vieux livres qu'ils semblaient avoir été désignés pour vendre et chérir, entre le boulevard Saint-Germain et le quai des Grands-Augustins, par décret nominatif de l’Éternel.
* *
*
La température étant inhumaine au dehors, ils s'attardaient là, dans la chaleur du café, la fumée du tabac et l'odeur des spiritueux et de la bière. La caissière jouait à ranger des morceaux de sucre sur des soucoupes ; un habitué grognait près d'eux. On n'avait pas idée !... Il l'avait depuis trois-quarts d'heure !... Il l'apprenait par cœur !... Il pestait contre un consommateur qui détenait l'Illustration dont il avait envie.
Bellair les salua de sa main qui tenait les cartes et ils feignirent de l'apercevoir seulement.
- Il a l'air radieux, dit M. Quesnel. Il a peut-être fait le coup à l'Hôtel des Ventes ?...
Sept heures sonnèrent. Ils demeuraient là. Personne ne les attendait et ils dînaient tous les deux chez le même marchand de vins, étant, le père Martin, célibataire, et M. Quesnel, veuf. Ils virent Bellair se lever avec ses amis. Il vint, leur serra la main.
- Vous les avez vendues, hein ? dit-il.
- Quoi ? demanda le libraire.
- Mais les épreuves corrigées de Barbey que vous avez poussées contre moi.
- C'est vrai, répondit le marchand, mais comment savez-vous ?... Mon client habite la province, et il est reparti tout de suite. Il avait un taxi à la porte ...
- Votre client est tout simplement un libraire, dit Bellair, en souriant, il a revendu sans doute, avec bénéfice, le bouquin au jeune Dormeuil. J'ai vu tantôt l'étui qui le contenait dans sa vitrine. Malheureusement la boutique était fermée, mais je vais l'attendre, et cette fois, le livre est à moi. J'ai quelqu'un qui en veut à n'importe quel prix et je vais attendre Dormeuil ; s'il le faut je coucherai à l'hôtel qui est en face ... au revoir ...
Le père Martin éclata de rire lorsqu'il les eut quittés.
- Mon client, dit-il à son ami, n'a pas voulu de l'étui qu'il ma laissé. J'ai soldé quelques bouquins au petit Dormeuil et comme il avait envie de cette boîte je la lui ai donnée. Il a dû la poser sur un rayon de sa vitrine et l'autre nigaud va coucher dehors pour acheter un carton vide ... je suis vengé ...
Cela se passa exactement de la sorte.
Bellair loua une chambre d'hôtel qui était de l'autre côté de la rue. Levé dès l'aube, il guetta l'arrivée du libraire et se précipita dès que ce dernier eut ouvert sa porte.
- Combien ? dit-il.
Le jeune marchand souriait.
- Dites !... C'est vendu ?.... Pourquoi rigolez-vous ?
- Non, je ris, parce qu'il n'y a rien dans cet étui ... je l'ai eu vide et je l'ai posé là, hier soir en rentrant ...
Bellair sortit, furieux, et, depuis ce jour, il évite le père Martin et il a changé de café.
Léo Larguier, Petites Histoires pour bibliophiles. Editions Fournier, 1944.
jeudi 2 février 2017
Un auteur, un livre : Hyacinthe Azaïs et Des compensations dans les destinées humaines (1809).
A part quelques étudiants ou professeurs de littérature, qui connaît aujourd'hui Hyacinthe Azaïs ? Sans doute assez peu de monde. Et sa philosophie ? Encore moins sans doute. Pourtant cet homme eut son heure de gloire, qui dura plus d'une heure même ! Voici ce que nous dit Pierre Larousse à son sujet dans son Grand Dictionnaire Universel (*).
Né à Sorèze (Tarn) en 1766, mort a Paris en 1845. Son père était professeur de musique au collège de Sorèze et c'est là qu'Azaïs fit des études moitié littéraires, scientifiques, jusqu'à l'âge de seize ans. Brusquement lancé dans le monde sans autre appui que celui de son père, marié en troisièmes noces et peu soucieux de son fils, Azaïs devint sombre, rêveur, mélancolique, se heurta de front aux premiers obstacles qu'il rencontra sur sa route, et, de dépit, résolut de s'enterrer dans un cloître. Quelques personnes bien avisées lui firent entendre raison, et obtinrent qu'avant de prononcer les vœux éternels, il entrât dans une congrégation religieuse où l'on pouvait ne s'engager que pour un an. Le jeune homme écouta ces conseils et se fit admettre, en 1783, dans la congrégation des doctrinaires, où il connut plusieurs hommes remarquables tels que Daunou, Laromiguière, etc. Cependant il reconnut bientôt qu'il avait pris une fantaisie de son imagination pour une véritable vocation, et il s'estima fort heureux d'être envoyé, après six mois de noviciat, au collège de Tarbes, comme régent de cinquième. Cette seconde situation lui déplut presque autant que la première et il saisit avec empressement l'occasion d'en sortir en acceptant la proposition que lui fit l'évêque d'Oléron de devenir son secrétaire. Mais Azaïs ne devait pas sitôt se fixer dans la vie. Les relations que son nouveau poste lui imposait avec les prêtres, vicaires, chanoines et autres ecclésiastiques de la cathédrale lui devinrent en peu de temps insupportables, d'autant mieux qu'on ne cessait de l'engager à prendre la soutane, et, un beau jour, il s'en revint à Toulouse, où son père était établi depuis peu ; tout était a recommencer. Il voulait entrer dans les ponts et chaussées ; son père désirait qu'il se fit avocat ; une place organiste se présenta, il obtint et alla en prendre possession à l'abbaye de Villemagne, près Béziers. Tout nouveau, tout beau. Ce fut d'abord un ravissement véritable, un enthousiasme sans bornes pour les splendeurs agrestes de la campagne dans laquelle il se trouvait enterré. Puis l'ennui survint ; un moyen se présenta de le secouer, et il se garda bien de le laisser échapper. Il devint précepteur des fils du comte du Bosc, riche propriétaire des Cévennes, et demeura chez lui jusqu'à la Révolution. D'abord partisan des idées nouvelles, Azaïs les répudia bientôt, ce qui fut l'occasion de son premier écrit, et, condamné pour ce fait à la déportation il fut obligé de chercher un refuge à l'hôpital des sœurs de la Charité de Tarbes, où il passa dix-huit mois. M. Guadet, l'auteur d'une notice très-complète sur Azaïs, et à qui nous empruntons les détails de cette biographie a raconté tout au long le séjour du philosophe dans cet asile de la charité où, parait-il, il jeta les premières bases de son système, qui tend à établir que tout se compense : la destruction et la recomposition dans le monde physique ; la douleur et le plaisir dans le monde moral. Nous ne suivrons pas Azaïs dans toutes ses pérégrinations à travers la France ; il nous a suffi de donner une idée de l'existence nomade qu'il mena pendant la plus grande partie de sa jeunesse. Il avait, dit M. Guadet, connu Mme Cottin à Bagnères, et un projet de mariage avait été formé ; mais les circonstances empêchèrent qu'il n'y fut donné suite. Revenu à Paris en 1808, il annonça la philosophie des Compensations par quelques opuscules qui eurent un succès de curiosité. Napoléon, on le sait, n'aimait pas les idéologues ; mais tout système qui tend inspirer la résignation au peuple est toujours bien accueilli des puissants, et loin d'empêcher Azaïs de publier ses idées philosophiques, le gouvernement impérial l'encouragea en lui donnant une place de professeur au prytanée de Saint-Cyr (c'est à Saint-Cyr qu'il connut et épousa Mme Berger, veuve d'un officier mort à Austerlitz). De retour une fois encore à Paris, après dix-huit mois de séjour au prytanée, qu'il quitta lors de la translation de cette école à La Flèche, Azaïs se décida à publier son livre des Compensations, qui, lui fournit rapidement une sorte de célébrité, mais peu d'argent, et il lui fallut de nouveau solliciter, du gouvernement la place d'inspecteur de la librairie à Avignon. Il l'obtint en 1811 et fut envoyé l'année suivante, avec le même titre, à Nancy, où il resta jusqu'à l'arrivée des alliés. En 1815, il écrivit un livre plein de zèle pour la cause de Napoléon, et dès lors il s'aliéna le plus grand nombre de ses protecteurs. Pendant plusieurs années il vécut à Paris, dans un état voisin de la détresse mais enfin grâce à de puissantes influences, il obtint de M. Decazes une pension de 6,ooo francs, et put dès lors se livrer à son aise à ses spéculations philosophiques. Il publia successivement une série de volumes, parmi lesquels les Inspirations religieuses, le Cours de philosophie religieuse, l'Explication universelle, etc., etc. ; et, non content de propager ses idées par les livres, il recourut à la parole, qu'il avait, paraît-il, éloquente et persuasive. « On a beaucoup parlé dit M. Guadet, des conférences tenues par Azaï au milieu de son jardin, dans les années 1827 et 1828. Deux fois par semaine, à la chute du jour, ce jardin vaste et tranquille se remplissait d'une société nombreuse ; un modeste amphithéâtre, ombragé de grands arbres, se couvrait d'hommes graves, de jeunes gens studieux, de dames élégantes ; Azaïs arrivait bientôt. Son âge, ses longs cheveux blancs, la simplicité de son maintien et de son costume, son air de bonté, tout disposait a une bienveillante attention. » Nous nous sommes étendus longuement, ailleurs (article Compensations), sur le système philosophique d'Azaïs et la valeur qui, suivant nous, doit lui être accordée ; nous nous contenterons de donner ici la liste de ses ouvrages, en dehors de celui qui sauvera peut-être son nom de l'oubli. Ce sont Système universel (1813) ; Manuel du philosophe (1816) ; Du sort de l'homme dans toutes les conditions (1820) ; Jugement impartial sur Napoléon (1820) ; Cours de philosophie générale (1824) ; Explication universelle (1826) ; De la Phrénologie ; du Magnétisme et de la Folie ; Explication du puits de Grenelle (l843).
Allons voir ce qu'écrit Pierre Larousse à l'article COMPENSATIONS :
"Dans ce livre qui parut en 1809, et qui a été inspiré par un véritable sentiment religieux et une philosophique appréciation des événements et des accidents dont se compose la vie, l'auteur pose en principe cette proposition : Le sort de l'homme, considéré dans son ensemble, est l'ouvrage de la nature entière, et tous les hommes sont égaux par leur sort. Or, dit plus loin Azaïs, « le sort de l'homme se compose de l'état de son corps, de l'état de son esprit et de l'état de sa fortune et il examine à ce triple point de vue toutes les positions, tous les états, tous les âges, en un mot, les aspects multiples sous lesquels se présente l'ensemble de la société ; il énumère les avantages et les inconvénients, les plaisirs et les peines, au point de vue physique comme au point de vue moral, attachés à toute fraction distincte de l'humanité, et il établit que chaque accident trouve sa compensation ou son correctif dans un accident contraire. Ainsi, dans l'individu isolé, les éléments de sa personnalité et de sa situation se compensent l'un par l'autre ; les qualités, les facultés, par des défauts qui dérivent de leur nature même ; les biens de la fortune, par les dangers auxquels ils exposent la satiété qu'ils produisent, les inquiétudes sans nombre qui en sont la suite inévitable. Au contraire, dans tout système de communauté, tel que le mariage, par exemple, ce sont les individus qui se compensent mutuellement. Dans cette revue générale des compensations qui s'attachent à la fortune, au mariage, à l'enfance, à l'adolescence, à la jeunesse, à l'âge mûr, au titre de père, au sort des femmes, à l'organisation individuelle, au séjour des villes et au séjour des campagnes, l'auteur fait entrer celles qui dépendent de certaines professions, et trace ainsi un tableau complet des joies et des misères de l'humanité. De ce système universel de compensations, Azaïs fait découler l'équilibre du monde moral, et la seule vraie égalité qui ne soit pas illusoire, la seule que l'homme ait le droit de revendiquer ; il en fait la condition indispensable, l'essence même du lien qui nous rattache les uns aux autres. Le système des compensations est tout entier résumé dans les lignes suivantes : « Oh ! quoi s'écrie Azaïs, le malheur ainsi que la destruction fait donc sans cesse le tour du monde ? Mais que peut être le malheur, si ce n'est le fruit de la destruction? Et si cette définition est vraie, ou même puisqu'elle est évidente, que peut être le bonheur si ce n'est l'oeuvre de la puissance qui compose, qui répare, qui construit ? Or, la destruction n'est-elle pas une puissance nécessaire ? N'est-ce pas toujours dans les débris d'anciens ouvrages que sont puisés les éléments de composition nouvelle ? Et la somme générale de destruction n'est-elle pas nécessairement et rigoureusement égale à la somme de composition, puisque l'univers se maintient et que ses lois sont invariables ? Ainsi il le faut, et l'observation le démontre, tous les êtres alternativement se forment et se décomposent. Les êtres sensibles sont soumis à cette loi, comme ceux qui ne sont pas sensibles. Mais ces derniers sont indifférents, et à la formation qui les élève et à la décomposition qui les détruit. Les êtres sensibles, au contraire, reçoivent un plaisir, une puissance, un bonheur, pendant toute la durée des opérations ou acquisitions qui les forment, les développent ; ils reçoivent une peine, une douleur, un malheur, pendant toute la durée des opérations qui leur enlevé ce qu'ils ont acquis. L'être qui, dès le premier moment de son existence a été environné du plus grand nombre de biens et d'avantages est celui qui a fait les acquisitions les plus nombreuses, qui a été formé avec le plus de perfection et d'étendue qui, pour cette raison, a eu le plus de bonheur et de plaisir ; sa destruction doit être la plus abondante en regrets et en souffrances. Les opérations de cette puissance cruelle sont en ceci, non-seulement plus multipliées, mais encore plus vivement senties. Ainsi le malheur, dans cet être privilégié, a deux causes d'intensité plus fortes, et ces deux causes sont exactement celles qui avaient rendu son bonheur plus étendu et plus parfait. Cette loi de succession, de retour, d'équilibre, embrasse nécessairement tout ce qui, n'étant pas éternel, s'accroît, s'arrête, se dégrade et se détruit. Ainsi, le sort des sociétés humaines, et plus généralement encore de toutes les institutions humaines, est figuré par le sort des individus. Pour l'observateur attentif et impartial, la loi des compensations est la loi de l'histoire. Le principe d'un balancement général dans les destinées humaines est celui que les moralistes et les philosophes de tous les siècles devaient d'abord apercevoir, car il n'en est pas de plus ancien, de plus constant, de plus vrai et de plus simple. C'est qu'en effet tous les hommes reconnaissent ce principe, et, sans y songer, l'appliquent sans cesse ; chez tous les peuples, quel que soit l'âge de leur civilisation, il est un ordre de vérités populaires ayant reçu le titre de proverbes qui forment, pour les hommes de toutes les classes, une sorte de philosophie usuelle et consacrée. L'explication la plus simple de ces vérités populaires, celle qui se présente le plus naturellement, les rattache presque toutes au principe d'un balancement exact entre les effets et les causes, entre toute action et la réaction qui lui succède, en un mot, au principe général des compensations. On le voit, cette doctrine des compensations est la justification de l'ordre établi par la Providence ; c'est la maxime célèbre de l'optimisme développée à l'appui d'une pensée religieuse, et transportée du domaine de la science dans celui de la morale. Il ne faut donc pas chercher dans ce livre des vues profondes et originales, mais on y rencontre des aperçus fins et ingénieux, des vérités exprimées avec justesse et sous un jour tout nouveau. On sent, de plus, que l'auteur est convaincu ; les idées qu'il expose doivent leur naissance à de profondes méditations et à une expérience qui semble agrandie par de douloureuses épreuves. Voilà pourquoi ce livre sera toujours lu avec plaisir par ceux qui ont souffert, et qui désespèrent de trouver un soulagement à des peines qu'ils croient sans compensations." (**)
J'ai découvert ce livre un peu par hasard. Je dois dire que je n'avais jamais même entendu parler d'Azaïs avant. Si Dieu est un peu trop présent à mon goût on trouve dans les pages de ce livre des Compensations quelques belles pages bien écrites et assez faciles à comprendre, même pour un lecteur du XXIe siècle.
Le Livre Sixième s'intitule : Des Compensations qui s'attachent à la fortune.
En voici un extrait choisi :
Les hommes qui possèdent les dons de la fortune ont rarement de vrais amis.
Le sort de l'homme qui jouit des biens de la fortune excite l’envie ; c’est une des compensations attachées à ces biens mêmes. Celui qui excite l’envie n’est pas aimé. A la vérité, parmi les hommes favorisés de la fortune, il en est, et peut-être en assez grand nombre, qui sont bien aises qu’on leur porte envie, qui considèrent même cette envie, qu’ils excitent, comme la principale jouissance attachée à leur état de prospérité. Ces hommes sont ceux sur qui la fortune a produit presque tous ses effets funestes. Leur âme est insensible, puisqu'ils peuvent se faire un plaisir de la peine qu’ils occasionnent ; de plus, elle manque de grandeur et d’étendue, puisqu'un avantage, qui n'est rien moins qu’un mérite, satisfait leur vanité. Ces hommes sont environnés de flatteurs, de courtisans avides, qu’ils reconnaissent ordinairement pour tels, et à qui ils craignent de se confier, mais qui, par cela même, leur ont donné l’habitude de croire que les hommes sans fortune ne s’attachent que par cupidité ; que même les hommes qui ont de la fortune désirent en avoir davantage, et n'ont pas d’autres motifs de s'attacher. Ne sont-ils pas bien malheureux, mon ami, de ne pouvoir croire a l’affection désintéressée, de ne pouvoir se persuader que, jusque dans les rangs inférieurs, il existe des âmes généreuses ? Tous les hommes qui ont reçu les dons de la fortune sont loin d’être compris parmi ceux que je viens de désigner. Il en est qui ont un bon cœur, une âme étendue, et qui savent aimer. Ceux-là trouvent des âmes généreuses qui s’attachent à eux pour leurs qualités, et non pour leur fortune ; ils ont alors, sur les hommes généreux et sans fortune, l’avantage de pouvoir favoriser le bonheur de leurs vrais amis. (pp. 139-140, édition originale, 1809).
Pour finir, quelques mots des différentes éditions des Compensations dans les destinées humaines :
L'édition originale a été publiée à Paris, chez Garnery, Libraire et Leblanc, Imprimeur-Libraire, en 1809. Le volume sort des presses de Leblanc. Il s'agit d'un volume de format in-8 de 1 feuillet de titre, 1 feuillet d'épître à Madame Adèle Berger (qui deviendra son épouse), XVI pages de préface et table et 335 pages de texte.
La deuxième édition date de 1810 (imprimée chez Leblanc également) et est en 3 volumes in-8. Elle comprend 2 volumes d'applications de la philosophie de l'auteur.
La troisième édition date de 1818 (Paris, Ledoux et Tenré) également en 3 volumes in-8.
La quatrième édition en 3 volumes in-12 date de 1825, avec portrait.
Une cinquième édition posthume paraîtra chez Firmin Didot en 1846, revue avec soin sur un exemplaire annoté par l'auteur, précédée d'une notice sur sa vie et ses ouvrages et ornée de son portrait (1 volume petit in-8 de XLVIII-528 pages.
Aujourd'hui ce texte est pour ainsi dire oublié. Azaïs ne tira pas 350 francs des deux premières éditions des Compensations.
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne
(*) Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel, Tome 1, p. 1105.
(**) Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel, Tome 4, p. 776.
Urbain Canel (1789-1867), oublié et rare, par Jean-Paul Fontaine (Histoire de la Bibliophilie).
Page de titre des Nouvelles Méditations Poétiques de Lamartine
éditées par Urbain Canel et Audin en 1823
Tous ceux qui s'intéressent de près aux éditions de la période romantique 1820-1835 seront intéressés par l'article de Jean-Paul Fontaine publié sur son blog Histoire de la Bibliophilie consacré au libraire-éditeur Urbain Canel. Un destin intéressant à découvrir sans tarder en suivant ce lien :
Bonne lecture !
Bertrand Bibliomane moderne
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