mercredi 13 juin 2018

Deux informations à propos d'un exemplaire broché des Contemporaines de Restif de la Bretonne.



L'exemplaire que nous avons sous les yeux des Contemporaines de Restif de la Bretonne nous permet de déduire deux informations que nous pensons, sinon utiles, pour le moins intéressantes. Il s'agit d'un exemplaire complet des 42 volumes et des 283 figures hors-texte, conservé à l'état broché, non rogné, sous couverture de papier à la colle de couleur caramel. Au dos des volumes on ne trouve pas de pièce de titre mais simplement un numéro de tomaison imprimé en noir sur un petit carré de papier. La photographie ci-dessus montre l'aspect général des volumes, tous identiques. Nous avons examiné le brochage de chacun des volumes. Au verso du papier des couvertures, nous trouvons parfois (pas systématiquement), en guise de doublure, une feuille imprimée qui provient du rebut de feuilles imprimées en provenance d'un livre en particulier : Histoire d'Alexandre Ier empereur de toutes les Russies etc, par Rabbe, publié chez Truttel, Würtz et Ponthieu en 1826. De cette seule information on déduit que la brochage de cette série a été fait cette même année 1826 ou très peu de temps après. C'est-à-dire bien postérieurement (plus de 30 ans après l'impression du dernier volume de la série achevé d'imprimer en 1792 - la série est entièrement de la deuxième édition imprimée entre 1781 et 1792 - 34 ans exactement). On en déduit dans le même temps que jusqu'en 1826, ces 42 volumes étaient restés "en feuilles", non brochés, certainement stockés alors en paquets dans quelque remise de libraire ou d'imprimeur. Cette information vient confirmer s'il en était besoin que les ouvrages de Restif de la Bretonne, comme certains de ses contemporains aimaient l'écrire, étaient juste bon pour servir d'emballage chez les épiciers. En effet, que de papier dans ces 42 volumes in-12 ! Cet exemplaire aura échappé à la destruction un peu miraculeusement. Nous n'avons aucune idée de la provenance de ces volumes (aucun ex libris). Nous ne saurons donc jamais pour qui ni pourquoi ils n'ont été brochés qu'en 1826. Mais le fait est là.




La photographie ci-dessus quant à elle, apporte une autre information intéressante. Si vous l'observez attentivement, vous remarquerez deux petites piqûres de vers dans l'estampe (au centre et en haut pour l'une et un peu plus bas à droite pour l'autre). Si vous regardez encore mieux, vous remarquerez que le scan qui a été fait montre du blanc sous les trous de vers. Ce blanc indique une chose qu'il n'était pas facile de vous montrer à distance, à savoir que le feuillet précédent n'est pas troué ! Le feuillet suivant non plus d'ailleurs ! Cette information ne peut signifier qu'une seule chose : le feuillet d'estampe, percé par les vers, ne se trouvait pas dans le volume broché au moment de l'attaque d'insecte. C'est-à-dire que les estampes ont été placées dans les volumes lors du brochage (en 1826 seulement). Cela implique qu'il y avait d'une part des paquets de feuilles imprimées (texte) et d'autres part, stockées séparément, un stock de gravures (un grand nombre ont du se perdre d'ailleurs ...). L'examen approfondi de l'ensemble des 283 estampes permet de constater autre chose dans le présent exemplaire : toutes les gravures ne sont pas du meilleur tirage, loin de là. Certaines sont très belles, bien encrées et d'un noir intense, tandis que d'autres, selon les volumes, sont d'un tirage moins net et beaucoup plus pâle. Sachant donc qu'il existait en parallèle des paquets de feuilles imprimées, des paquets d'estampes, on comprend donc que les estampes étaient placées dans les volumes en fonction de celles qui restaient ... certaines de bon tirage, d'autres de mauvais tirage (parce qu'il n'y en avait plus d'autres disponibles). Restif était mort depuis 1806 et ces arrangements de librairie (qui ne lui étaient sans doute pas étranger de son vivant) montrent d'une part que ses ouvrages ont toujours été l'objet d'un traitement un peu particulier, par les libraires, par les imprimeurs, et par ses lecteurs même pourrait-on dire.

Bertrand Hugonnard-Roche

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