vendredi 3 juin 2016

Le Cauchemar d'un Bibliophile, eau-forte par Albert Robida pour Octave Uzanne et ... avec Octave Uzanne !!

Une fois de temps à autre, le Bibliomane moderne se fait l'écho des recherches et trouvailles publiées sur www.octaveuzanne.com ... vu que le Bibliomane moderne et www.octaveuzanne.com, c'est moi dans les deux cas ! (sourires).
J'ai pensé que ce petit sujet où le Bibliophile est au centre de l'intringue si je puis dire, aurait sont intérêt ici.
Bonne lecture,

Bertrand Bibliomane moderne


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Eau-forte originale tirée en noir avec marges symphoniques en bistre,
par Albert Robida. Tirée soit en 1890, soit en 1894,
avec le portrait d'Octave Uzanne au centre qui remplace
celui du bibliophile épouvanté.
Cette eau-forte très rare a certainement été tirée à 25 exemplaires seulement ?


      Celles et ceux qui suivent d'un peu près l'actualité Uzannienne savent, parce que je l'ai déjà écrit ici ou là, qu'Octave Uzanne avait un point commun avec le cinéaste Alfred Hitchcock. Comme chacun sait, le réalisateur anglais aimait à se voir passer une fraction de seconde dans le champs de ses caméras au sein même de ses films. Coquetterie d'artiste ou bien ego surdimensionné ? Je laisse à chacun son opinion. Octave Uzanne avait cette même coquetterie. Le cinéma en étant à ses balbutiements, c'est donc dans les illustrations de ses livres qu'il faut le chercher.
      On sait déjà qu'Octave Uzanne aimait à se voir grimé en satire ou en faune pervers courant derrière gente damoiselle effarouchée (voir notre article à ce sujet). Mais c'est la découverte toute récente d'un document qui nous a mis sous les yeux cette nouvelle démonstration portraitisation sans équivoque.
      En 2012 je vous avais parlé d'une jolie estampe par Albert Robida et intitulée Cauchemar d'un Bibliophile. Elle avait été publiée dans le premier tome de la revue Le Livre Moderne (premier semestre 1890). Dans les exemplaires imprimés sur papier vergé de cette jolie revue artistique, on trouvait une belle eau-forte tirée dans les tons de bleu/vert/noir. Dans les exemplaires de luxe tirés sur Japon ou sur Whatman on trouvait la même estampe avec un état en plus : eau-forte non terminée (état de pointe sèche). Mais l'état que je vous pouvez admirer ci-dessus est déjà beaucoup plus difficile à trouver. D'ailleurs jusqu'à ce jour je ne l'avais pas trouvé, je ne savais même pas qu'il existait. J'aurais pourtant dû le savoir, mais j'avoue être passé à côté.
      L'eau-forte que vous pouvez admirer ci-dessus est tirée en noir avec ce qu'on appelle des marges symphoniques. Félix Buhot eut lui-même pour habitude de graver de telles marges entièrement ornées de petits sujets en rapport (plus ou moins) avec le dessin central (pour les Zigzags d'un Curieux du même Octave Uzanne, 1888). Albert Robida nous en donne ici un exemple similaire. Ici les marges symphoniques sont tirées en bistre, ce qui ajoute à l'esthétique de l'ensemble. D'où provient ce tirage de luxe sur un beau papier Japon ancien s'il ne provient pas des exemplaires de luxe du Livre Moderne ? C'est dans le catalogue de Quelques-uns des Livres contemporains d'un écrivain et bibliophile parisien (Octave Uzanne) qu'il faut aller chercher la réponse. Cette première vente Uzanne s'est déroulée à Paris les 2 et 3 mars 1894. Nous en avons longuement déjà parlé sur ce blog. C'est à la justification du tirage qu'il faut nous intéresser. Ce catalogue a été tiré à 1000 exemplaires distribués aux amateurs, 100 exemplaires tirés sur papier mauve vélin, filigrané de pervenches et numérotés avec un frontispice à l'eau-forte de Robida, et 25 exemplaires sur vieux Japon feutre très rare, avec signature d'Octave Uzanne, frontispice du Bibliophile, portrait ex-libris. Ces derniers 125 exemplaires, uniquement distribués en souscription sont rares. Il m'a été donné une seule fois la possibilité d'en acquérir 1 des 25 exemplaires sur Japon feutre aux enchères, mais je n'ai pu l'obtenir, et donc l'examiner.
      Quid ? D'après ce que nous avons trouvé dans les archives insondables de Google, il semblerait que le tirage ci-dessus (également sur Japon feutre ancien) corresponde au frontispice décrit dans le justificatif du catalogue de 1894, soit uniquement pour les 25 Japon feutre soit pour l'ensemble des 125 exemplaires en souscription. Quoi qu'il en soit le tirage a dû être très restreint, vraisemblablement 25 ou 125 exemplaires.
      Mais, ne remarquez vous rien en regardant l'état définitif publié dans Le Livre Moderne présenté ci-dessous ? Regardez bien ! Plus près ! ...
      Oui ! Voilà ! Vous avez trouvé ! Le Bibliophile épouvanté par son cauchemar, vieux bibliophile ébouriffé dans l'état définitif de la gravure, est remplacé dans l'épreuve de luxe avec marges symphoniques (ci-dessus) par ... Octave Uzanne lui-même ! On reconnaît sans mal sa coiffure frisée à la Richepin et sa barbe fournie. CQFD ! Uzanne, Hitchcock, même combat. Se voir représenté dans ses œuvres. Une manière en quelque sorte pour laisser une trace indélébile à ceux qui savent voir. Clin d’œil, coquetterie d'esthète. Albert Robida a été le complice certainement amusé de cette facétie d'auteur et d'artiste.


Eau-forte ci-dessus, détail.
Octave Uzanne faisant son cauchemar ...


      S'il s'agit sans aucun doute possible du même cuivre qui a été habilement retouché par Robida. Quand ? Est-ce en 1890 au moment de l'édition des premières livraisons du Livre Moderne ? ou bien est-ce seulement vers le début de 1894, soit 4 ans plus tard, à l'approche de la première vente Uzanne que l'artiste a décidé sur la directive du Bibliophile-Uzanne de faire cette retouche sur le cuivre ? Nous ne savons pas.
      Quoi qu'il en soit cet état, pour ne l'avoir jamais rencontré avant ce jour malgré toutes nos recherches, est des plus rares. Et le trouver sans le chercher fut une belle surprise. Parfois les rêves se transforment en cauchemar, parfois l'inverse.


Eau-forte ci-dessous, détail.
Le Bibliophile faisant un cauchemar ... ici ce n'est plus Octave Uzanne mais
un vieux bonhomme à la barbe et aux cheveux hirsutes !


      A lire également notre article sur cette estampe publiée dans le Livre Moderne : L'incendie de la bibliothèque Osborne inspire Albert Robida (1890) pour la revue Le Livre Moderne fondée et dirigée par Octave Uzanne.

Bertrand Hugonnard-Roche


eau-forte par Albert Robida,
état définitif paru dans Le Livre Moderne en 1890

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