lundi 14 mars 2011

Les libraires de livres anciens sont-ils des assassins ? des estropieurs de grand chemin ? une espèce menacée ?


Cher(e)s ami(e)s,

les discussions qui ont eu lieu ces derniers jours dans les commentaires du billet consacré à un nouveau site internet en préparation par Yohann et son équipe, m'ont laissé parfois très perplexe, interrogatif le plus souvent, mais le fond du débat est intéressant, et je ne pouvais pas ne pas me pencher plus en détail sur la question. Les libraires de livres anciens et rares sont-ils des assassins ? des estropieurs de grand chemin ? une espèce menacée ?

Je rappelle le postulat de départ. "Le libraire est un commerçant comme les autres, enfin presque." En tous les cas c'est ce postulat qui ressort le plus souvent. Le "enfin presque" ayant évidemment toute son importance.

On a entendu ici et là que le libraire allait bientôt mourir s'il était concurrencé à outrance par les salles des ventes. Si les sites internet tels que Ebay, Priceminister et autres sites marchands polyvalents continuaient à déverser des livres en tous genres sur le marché. Soit. Nous allons tous mourir de toute façon, alors un peu plus tôt, un peu plus tard... hein... les catastrophes naturelles sont là, régulièrement, pour nous montrer que finalement nous ne sommes que des vermisseaux sans aucune importance aux yeux de Mère Nature... parfois même de sombres vermisseaux qu'il vaut mieux voir périr que survivre (enfin ça c'est mon avis de misanthrope à outrance les lundis de début mars...)

Bref, donc, je disais, il faut bien montrer, démontrer, ou infirmer, par A + B que les libraires sont encore un peu utiles ou non.

Cas pratique. Je viens de regarder la vente prochaine de livres chez Alde à Paris de la bibliothèque oenologique de Bernard Chwartz (vente du lundi 11 avril prochain). En bon bourguignon, les livres sur le vin, ça m'intéresse ! ... J'ai regardé les différents lots, il y en aura pour toutes les bourses.

Chacun sait ici que je suis libraire. Il se trouve que ma librairie propose régulièrement quelques des livres sur ce thème. J'essaye alors de sélectionner des titres peu communs voire rares. Quelques uns sont encore actuellement en vente sur mon site. Et comme on ne prend jamais de si bons exemples qu'avec soi-même, la curiosité m'a poussé à regarder si la vente Chwartz proposait les ouvrages que moi-même je propose. C'était le moment ou jamais de voir si je collais au marché ou non... si j'étais un assassin, un estropieur de grand chemin, et si j'étais menacé d'extinction...

Deux livres pris pour exemple donc. Le premier, une petite plaquette de Jean-Antoine Gervais publiée en 1820 à Montpellier. Voici ci-dessous la fiche de la vente Alde que vous pourrez comparer à celle de ma librairie.


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Estimation 400/500 euros pour la vente Alde. Prix affiché sur mon catalogue en ligne 600 euros. Etat comparable, édition identique. Mon exemplaire est en vente sur mon site depuis le 3 février 2009. Quel prix fera l'exemplaire Chwartz ?

Le deuxième livre pris pour exemplaire est encore plus rare et très recherché (normalement .... mais tout fout l'camp...) des bibliophiles bourguignons ou des revanchards bordelais (ils les achètent pour les brûler en fait...), il s'agit de la Statistique de la vigne dans le département de la Côte d'Or, par M. Morelot, ouvrage publié à Dijon en 1831. L'exemplaire que je propose depuis le 3 février 2009 est à l'état de neuf, on ne peut dire mieux, il est affiché à 2.000 euros. Celui de la vente Alde "modestement relié" ... "avec des rousseurs" ... mais "avec les couvertures" ... est estimé 1.000/1.500 euros.

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Je vous laisse juger de ces deux comparatifs. D'un côté des livres listés depuis près de deux ans sur mon site, avec photographies, notices détaillées, proposés à des prix somme toute assez proche des prix estimatifs de ceux de la vente Alde en avril prochain. Les exemplaires de la vente Alde ont toutes les chances de se vendre au dessus du prix estimatif... combien ? c'est la fougue des enchères qui en décidera. Quoi qu'il en soit, si ces deux ouvrages se vendent au prix estimatif j'aurai vraiment eu l'impression que mes livres sont au bon prix librairie (la différence représentant la marge vitale du libraire), s'ils se vendent au dessus du prix estimatif voire au dessus de mes prix affichés... je vous laisse conclure ce qui s'impose (vous savez la pub.... moi j'adore payer trop cher ...), si les deux ouvrages sont ravalés, non vendus.... c'est qu'il n'y avait pas de bourguignons dans la salle ni au téléphone ... (sourire)

Le débat est ouvert. Si débat il y a.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

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