mercredi 28 avril 2010

Des annales de Bourgongne de Paradin (1566) ou du titre-frontispice canivet !



Figure 1


Mon patron vient de m'octroyer une pause de quelques minutes... j'en profite pour vous glisser ce billet doux.

Encore une interrogation ! Je viens d'acquérir un exemplaire des Annales de Bourgongne de Paradin dans la première édition in-folio de 1566 (Lyon, Antoine Gryphius). L'exemplaire a du chien ! il est bien conservé. Il se trouve recouvert d'une classique reliure de la fin du XVIIe siècle comme on aimerait en trouver une sur une édition de Boileau ou de Molière.

Particularité de l'exemplaire : la page de titre est... étrangement étrange...

Je m'explique. Comme vous pouvez le constater sur la figure 2 ci-dessous, la page de titre est faite de drôle de façon. Pour essayer d'être le plus clair et le plus précis possible, voici ce qu'on peut en dire : Il s'agit d'un feuillet ancien imprimé du seul texte en noir "ANNALES DE BOURGONGNE... A Lyon, par Antoine Gryphius... Avec Privilège du Roy pour dix ans." Le décor de cette page de titre en forme d'encadrement très historié et gravé sur bois est entièrement découpé à la manière des canivets (*) et contrecollé sur la page de titre ancienne imprimée du texte seul. Me fais-je bien comprendre ? Regardez la photographie ci-dessous. Cet encadrement historié est "ancien" (sans aucun doute du XVIe siècle) et imprimé sur un papier uniformément teinté (couleur thé). Le haut du frontispice historié a été coupé par le couteau du relieur à la fin du XVIIe siècle (maudits relieurs du temps de Louis XIV !!)



Figure 2


Étrangeté de l'histoire ?

J'ai bien évidemment cherché à en savoir plus sur cet étrange frontispice au décor gravé sur bois "contrecollé" sur un feuillet ancien pré-imprimé du texte. J'ai donc recherché un autre exemplaire de ce livre pour obtenir une photographie du frontispice.

Surprise ! L'encadrement est différent ! Voyez la figure 1. Mais pas seulement. Regardez bien le texte "ANNALES DE BOURGOGNE..." il diffère également légèrement (fonte, taille, alignement, etc.). D'ailleurs les petits ornements typographiques qui accompagnent le texte du titre diffèrent eux aussi.

Voyez ci-dessous la figure 3, comparaison des deux frontispices côte à côte.

Figure 3


Que penser de tout ceci ?

Je vous laisse toute latitude pour les théorisations les plus folles.

Ce que je peux vous dire, c'est que la découpe du frontispice gravé sur bois à la manière des canivets est des plus fines. Cela a demandé un long travaille de patience et de précision. D'où peut bien provenir ce cadre historié gravé sur bois ? De quel autre ouvrage ? La page pré-imprimée du texte de mon exemplaire date-t-elle de 1566 ou plutôt de 1680, date approximative de la réalisation de la reliure ?

A noter que l'exemplaire a appartenu à Blaise Parise, avocat au Parlement de Bourgogne. Je lis sur lui qu'il avait l'esprit tourné à la plaisanterie. "Un jour qu'il plaidait à la Tournelle une cause pour un jeune homme accusé d'avoir l'ait un enfant à une fille, M. le président Jacob, qui présidait à cette audience, voulant lui demander pour qui il plaidait, lui dit par distraction : — Parise, est-ce vous qui avez fait cet enfant ?

— Non, messieurs, repartit-il froidement, c'est ma partie." (**)

Blaise Paris s'est marié à Bénigne Monin en 1675.

La reliure a très certainement été commanditée par Blaise Parise lui-même qui laisse plusieurs fois sa signature dans le volume. On lui doit très certainement ce montage ingénieux du titre-frontispice ?!

Bonne journée,
Bertrand

(*) Un canivet est une image dont le contour est découpé au canif dans les moindres détails, imitant la dentelle. Il en existe des exemples dès le XVIe siècle et ce jusqu'au XXe siècle. Les canivets sont la plupart du temps des images pieuses.

(**) in Souvenirs de Jean Bouhier. Chez tous les bibliophiles, 1866. 120 pages. p. 84.

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...