mercredi 16 septembre 2009

Donatien Alphonse François, Marquis de Sade (1740-1814) : "Oui, je suis libertin (...)"



"Oui, je suis libertin, j'ai conçu tout ce qu'on peut concevoir dans ce genre-là, mais je n'ai sûrement pas fait tout ce que j'ai conçu et ne le ferai sûrement jamais. Je suis un libertin, mais je ne suis pas un criminel ni un meurtrier."

(Lettre à Mme de Sade, écrite à Vincennes le 20 février 1781).


Donatien-Alphonse-François de Sade est né à Paris le 2 juin 1740. Il est l'héritier d'une vieille famille aristocratique provençale qui remonte au XIVe siècle.

A 14 ans, il est dans une école militaire réservée à la noblesse, il participe à la guerre de Sept ans contre la Prusse. Il brille par son courage, mais aussi par son goût pour la débauche.

En 1763, il épouse Mlle de Montreuil, de fraîche noblesse, mais fortunée. Il fait, dans la même année, son premier séjour en prison pour "débauches outrées".

En 1768, il est à nouveau incarcéré six mois pour avoir enlevé, flagellé et torturé (lacéré) une prostituée.

Il est accusé en 1772 d'empoisonnement, car il a distribué des dragées aphrodisiaques à des prostituées ; il s'enfuit en Savoie.

Il est condamné à mort par contumace, et arrêté, mais il s'évade ; il est finalement repris cinq ans plus tard à Paris où il est venu régler des affaires de succession (suite au décès de sa mère).

Sous le coup d'une lettre de cachet, il est incarcéré successivement à Vincennes, à la Bastille et à Charenton. C'est pendant cette longue période d'emprisonnement (cinq années) que D.A.F. Sade commence à écrire pour dissiper son ennui.

En juillet 1789, dix jours avant la prise de la Bastille, il est transféré à Charenton, dans un asile de fous. Il doit abandonner sa bibliothèque de six cents volumes et ses manuscrits.

Il est libéré en 1790 par la Révolution comme toutes les victimes de lettre de cachet.

Pendant la Révolution, ses deux fils émigrent, sa femme obtient la séparation (pour violences conjugales). Ses biens en Provence sont pillés, il est sans ressources.

Pour survivre dans le Paris révolutionnaire, il cherche à faire jouer ses pièces. Il se lie avec une jeune actrice, Marie Constance Quesnet, qui lui restera fidèle jusqu'au bout.

Bien qu'ayant milité dans une section révolutionnaire de son quartier, il est condamné à mort en 1793. Oublié dans sa geôle à la suite d'une erreur administrative, il échappe à la guillotine et est libéré en octobre 1794.

Il vit chichement, ses seuls revenus sont ses écrits. La presse l'accuse d'être l'auteur de "l'infâme roman" Justine. Il s'en défend maladroitement. En 1801, la police saisit ses ouvrages chez son imprimeur. On ne lui pardonne pas sa violence érotique, son "délire du vice", sa pornographie.

Sans jugement, par simple décision administrative, il est enfermé dans l'asile d'aliénés de Charenton. Qualifié de "fou" mais parfaitement lucide, malgré ses suppliques et ses protestations, il va y mourir le 1er décembre 1814 sans jamais retrouver la liberté.

Sur les 74 années de sa vie, il en aura passé 27 en prison.

Ses descendants refuseront de porter le titre de marquis. Ce n'est qu'à partir du milieu de XXe siècle que son œuvre, longtemps interdite et diabolisée, sera redécouverte et réhabilitée.


Œuvres anonymes et clandestines :

Les 120 journées de Sodome ou l'école du libertinage (écrit à la Bastille à la fin de 1785)
L'histoire de ce manuscrit est un véritable roman, il fait l'objet d'un article séparé, à venir...

Justine, ou les malheurs de la vertu (écrit en 1788, publié en 1791). En 1791, Sade fait mention dans une lettre d'un roman "bien poivré" qu'il aurait écrit sur commande. Publié en 2 volumes in-18 et in-8 à Londres [Paris], sans gravures et sans nom d'auteur ; réimprimé en 1797 en 4 forts volumes in-18. C'est le premier roman publié de Sade, l'ouvrage ne comporte pas de nom d'auteur, et il fera l'objet de six réimpressions en dix ans.




La philosophie dans le boudoir, ou les instituteurs immoraux (1795). Le sous-titre ajoute : "Dialogues destinés à l'éducation des jeunes filles". L'illustration de la première édition, montre trois personnages nus : Eugénie de Mistival, Mme de Saint-Ange et Dolmancé, pratiquent, chacun, sur leur élève, un cunnilingus que favorisent leurs positions respectives. Mme de Saint-Ange, ayant glissé sa main entre les jambes écartée d'Eugénie de Mistival, flatte l'organe viril de Dolmancé. Le livre traite donc de l'éducation érotique d'une jeune fille, que Mme de Saint-Ange et le chevalier de Mirval, frère et sœur, tenteront d'initier avec l'aide du sodomite Dolmancé et d'un garçon jardinier, Augustin. Jusqu'à ce que les leçons profitent si bien à la jeune fille, qu'elle oblige sa mère, Mme de Mistival, à subir un valet vérolé, avant de pratiquer sur elle l'inceste et le supplice de la suture des parties génitales. C'est une série de dialogues et d'orgies entres quelques libertins, dignes émules du marquis et des femmes bien faites pour figurer dans une pareille société. De longues discussions philosophiques, où s'étalent l'athéisme le plus effronté et la négation de toute morale. On en connait 2 éditions, Londres [Paris], aux dépens de la Compagnie, MDCCXCXC [1795], 2 parties, petit in-12 de 190 et 216 avec un front. non libre et 4 fig. libres "médiocres". Cette œuvre a été réimprimée en 1830, en 2 volumes au format in-18, avec 10 lithographies obscènes.

La nouvelle Justine, suivi de l'Histoire de Juliette, sa sœur les malheurs de la vertu (Composé en 1788, publié en 1799). Un infidèle ami à qui le manuscrit fût confié, trompa la bonne foi et les intentions de Sade, qui ne voulait pas que son livre fût imprimé de son vivant. Un misérable extrait, bien au-dessous de l'original, paru sous le titre de Justine ou les malheurs de la vertu.

La marquise de Ganges (1813) en 2 volumes in-12. En 1813, paraissait en librairie un roman, sans nom d'auteur qui fut très rapidement attribué par tous les biographes au marquis de Sade. Pourtant le livre n'est mentionné, ni dans le catalogue dressé en 1804 par le marquis, ni dans l'examen des papiers laissés par lui après sa mort. De nombreux recoupements, une même conduite du récit qui dans d'autres romans du marquis ne laissent aucun doute sur l'authenticité de La marquise de Ganges.

Valmor et Lydia (1798) 3 volumes in-12

Alzonde et Koradin (1799) 2 volumes in-18

Sade épistolier :

En 1929, une "Correspondance inédite du marquis de Sade, de ses proches et de ses familiers", est publiée pour la première fois.

1948-54 : Gilbert Lely, publie 3 recueils.

Maurice Lever, en 2005, retrouve dans les archives familiales, les lettres du marquis et de sa belle-sœur, un volume en sort : "Je jure à M. le marquis de Sade, mon amant, de n'être jamais qu'à lui..."

Et en....27 volumes, Alice M. Laborde a entrepris de 1991 à 2007 (Genève), la correspondance générale du marquis.





Œuvres officielles :

Dialogue entre un prêtre et un moribond. Composé à Vincennes pendant l'été de 1782, le dialogue fait partie d'un cahier manuscrit qui a été publié pour la première fois par Maurice Heine en 1926. Le texte du cahier est d'une écriture ferme, nette, peu raturée" (in Dictionnaire des œuvres érotiques). Le moribond qu'un prêtre vient confesser est un libertin.

La vérité (composé en 1787, alors que Sade est prisonnier à Vincennes). Le manuscrit autographe sera publié par Gilbert Lely en 1961. C'est un violent poème antireligieux.

Les infortunes de la vertu (première version de Justine, restée inédite jusqu'en 1930). Le manuscrit de ce conte philosophique, a été composé à la Bastille entre le 23 juin et le 8 juillet 1787. L'œuvre à laquelle le marquis doit l'enfer de sa célébrité. Les Infortunes de la vertu demeurent jusqu'en 1909 parfaitement inconnues ; c'est Apollinaire qui décrit pour la première fois le manuscrit dans une acquisition récente de la Bibliothèque nationale. Les Infortunes de la vertu a servi de "brouillon" pour Justine, ou les malheurs de la vertu.

Historiettes, contes et fabliaux (1788). Pendant le Directoire paraît les Crimes de l'amour, ils sont extraits d'un ensemble de nouvelles dont Sade tenta une publication intégrale. Le projet sera repris en 1803-04, il reste sans suite. C'est Maurice Heine, qui rassemble en 1926 les manuscrits restés inédits. Le recueil se compose de très courtes histoires galantes et de thèmes du Moyen-âge.

Les crimes de l'amour, ou le délire des passions, nouvelles historiques et tragiques, Précédées d'une idée sur les romans, par D.A.F. Sade, Paris, an VIII, 2 volumes in-12 avec 4 frontispices non signés. Suite à une critique de cet ouvrage par le journaliste Villeterque ; Sade fît paraître une brochure intitulée l'Auteur des crimes de l'Amour à Villeterque, folliculaire. An IX [1800], in-12 de 19 pp.

Catalogue raisonné des Œuvres de M. S. [Sade] (1788)

Aline et Valcourt, ou le roman philosophique, écrit à la Bastille, un an avant la Révolution. Par le citoyen S*** C'est une production épistolaire qui fût publiée en 1793, chez Girouard, en 8 volumes, petit in-12, 8 faux-titres et 16 fig. La figure découverte du T.III, page 216 est souvent absente. On y retrouve ces personnages ayant des goûts cruels ou dépravés que Sade plaçait dans tous ses écrits, notamment dans Justine et Juliette ; le président de Blamont, cruel, dénaturé et adonné à tous les vices, y compris l'inceste, et Aline, vertueuse et soumise, et préférant le suicide à l'horreur de devenir l'épouse d'un vieux libertin. Sade, quand à lui, est en scène sous le nom de Valcourt (c'est un bien triste héros, qui joue ici, un rôle passif).

Deux extraits d'Aline et Valcourt, ont servis à composer deux romans : Valmor et Lydia, et Alzonde et Koradin.


Histoire de Juliette, ou les prospérités du vice (1797) en Hollande, 1797 [Bruxelles, 1870), avec 60 gravures sur acier, 6 volumes, in-12.

Pauline de Belval, mémoire anecdote parisienne du dix-huitième siècle (1796) 2 volumes in-12

Zoloé et ses deux acolytes, ou quelques décades de la vie de trois jolies femmes. Histoire véritable du siècle dernier chez tous les marchands de nouveautés, thermidor an VIII, à Turin [Paris], au format in-18, avec 1 frontispice gravé non signé. Ce pamphlet est une satire violente, et qui plus est un tissu de calomnies dirigé contre Joséphine de Beauharnais, alors épouse du premier consul. Les deux acolytes, Laurela et Volsange, passent pour avoir été mesdames Tallien et Visconti. Orsec est Bonaparte (anagramme de Corse) ; Zoloé est Joséphine, Sabar est Barras et Fessinot : Tallien. Saisi par la police, l'ouvrage à la date de 1800 est fort rare... Zoloé ne figure pas parmi les ouvrages de Sade dans la Biographie universelle, ni dans la France littéraire, ni même dans la Nouvelle biographie générale. (in Dictionnaire des œuvres érotiques) Ces détails se trouvent dans les Fantaisies bibliographiques de G. Brunet, à Paris chez Jules Gay (1864) Une réimpression, avec notices biographiques et bibliographiques, parait à Bruxelles en 1870 au format in-12 de 178 pp.

Et deux romans historiques, qui passent pour être les derniers écrits de Sade :

Isabelle de Bavière, reine de France, en 3 volumes.
Adélaïde de Brunswick, princesse de Saxe, 2 volumes.

Ces 2 romans, dont le sujet est noir et terrible, sont composés à Charenton.

Les manuscrits :

Employant la plupart du temps que lui laisse l'interminable loisir de ses séjours en prison, Sade écrit, écrit sans jamais se lasser. Il laisse un grand nombre de manuscrits :

Le portefeuille d'un homme de lettres (4 volumes écrits à la Bastille en 1788) ; Conrad (saisi 1803, lors de l'arrestation de l'auteur pour être conduit à Charenton) ; Marcel ; Mémoires et confessions ; Onze cahiers du journal de la détention de l'auteur à Vincennes et à la Bastille, depuis 1777 jusqu'à sa sortie de Charenton, en 1790 (il manque le premier cahier, qui contient les années 1777 à 1781, et le douzième, qui comprend toute l'année 1789 ; tout ce que le marquis a dit, fait ou entendu, lu, écrit, senti et pensé pendant treize ans, se trouve dans ce recueil. Une partie, de ses manuscrits, est chiffrée et nous n'en possédons pas la clef...in Bibliographie universelle) ; Cinq cahiers de notes, de pensées, chansons, de vers... composés durant sa dernière détention ; Cléontine, ou la fille malheureuse, L'épreuve (saisie en 1782), le Boudoir (1791), L'école des jaloux.

Drames & comédies :

L'inconstant (1781), Oxtiern, ou les malheurs du libertinage (joué à Versailles en décembre 1799 et imprimé la même année. Il s'agit de la même pièce joué au théâtre de Molière en 1791, sous le titre : Oxtiern, ou les effets du libertinage), Le prévaricateur, ou le magistrat du temps passé (1783), La folle épreuve ou le mari crédule (1783), Le misanthrope par amour, ou Sophie et Desfrancs (1790), Le capricieux, ou l'homme inégal, Les jumelles, Les antiquaires, Henriette et St-Clair, ou la force du sang, L'égarement de l'infortune, Franchise et trahison, Fanny ou les effets du désespoir, Jeanne Laisné, ou le siège de Beauvais (1791), L'union des arts, Les ruses d'amour, Euphémie de Melun, ou le siège d'Alger, L'homme dangereux, ou le suborneur (1790 ou 1791), Azelie ou la coquette punie (1790), Tancrède, La tour mystérieuse, La fête de l'amitié, L'hommage de la reconnaissance.

Liste non exhaustive des écrits sur Sade :

- Gilbert Lely, auteur de Vie du marquis de Sade, publié originellement en 2 volumes en 1952-57. Réimpression au Mercure de France en 2004. 693 pages
- Jean-Jacques Pauvert, Sade vivant, Robert Laffont, 3 volumes, 1986-90
- Maurice Lever, Donatien, Alphonse François, marquis de Sade, chez Fayard, en 1991

Ouvrages consultés pour cette chronique :

- Idées sur les romans par D.A.F. de Sade, publiée avec préface, notes et documents inédits par Octave Uzanne. Rouveyre, 1878
- Le marquis de Sade par Jules Janin, 1834
- Bibliographie universelle ancienne et moderne, 1811-34, de Michaud : l'article sur Sade est de Michaud jeune.
- L'œuvre du marquis de Sade, dans la collection de la Bibliothèque des curieux, 1922, notes, essai,...par G.Apollinaire (qui reprend la bibliographie de Michaud, mais en plus clair ! ; elle est aussi enrichie.)
- Dictionnaire des œuvres érotiques
- Fantaisies bibliographiques de G. Brunet, Jules Gay, 1864.
- et....Wikipédia, une longue et correcte bio-bibliographie de 22 pages.

Et, crédit photographique :

- La photo de la page de titre de "Justine", est extraite du catalogue de la vente de Gérard Nordmann (ventes à Paris en avril et décembre 2006), lot 368
- Les postures pour "Justine", du catalogue d'exposition de la BnF "L'enfer de la bibliothèque, Eros au secret"
- et les 4 lettres manuscrites, de la vente Nordmann.

Bonne journée,
Xavier

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