vendredi 10 mars 2017

Les entretiens de Voiture et Costar (1654). L'exemplaire de l'avocat manceau Claude Blondeau, par Rantanplan


En 1654 parait chez Augustin Courbé un recueil des échanges entre Voiture et son grand défenseur Costar, surnommé parfois l'ombre de Voiture : Les entretiens de Monsieur de Voiture et de Monsieur Costar*.


Tout d'abord quelques mots, qui ne seront qu'un rappel, sur les deux personnages. Voiture et Costar ne fait pas référence à un quelconque député dans sa voiture de fonction (avec ou sans son attachée parlementaire) mais plutôt à Vincent Voiture et son adepte Pierre Costar.

Vincent Voiture (et non de Voiture ! Voiture rime bien évidemment avec roture) (1597-1648) est un écrivain précieux, fin, spirituel, incontournable de son époque et qui a finalement peu publié de son vivant. C'est donc logiquement que ses œuvres furent publiées après sa mort, en 1650. Il est à l'origine d'une querelle littéraire comme le XVIIe siècle les aimait : la querelle des jobelins et des uranistes. Elle est issue de la publication du Sonnet de Job par Benserade et du Sonnet d'Uranie par Voiture. La cour était partagée entre les deux. De manière générale, les femmes soutenaient Voiture : la duchesse de Longueville, les marquises de Montausier et de Sablé, et même sa sœur !

Pierre Costar (1603-1660) est un petit homme de lettres ayant surtout vécu dans l'ombre des grands de son époque : Ménage, Balzac et surtout Voiture. Quand les œuvres paraissent en 1650, Paul Thomas de Girac attaque l'édition, due à Etienne Martin de Pinchesne, neveu de Voiture. Costar prend bien entendu la défense de l'édition et cela lui vaut l'estime de Pinchesne. Il faut d'ailleurs noter dans l'ouvrage présenté ici le Sonnet du neveu de Mr de Voiture à Monsieur Costar.

Vraisemblablement, Costar prit une Voiture pour Le Mans rapidement après la mort de celui-ci, ce qui ne l'empêcha pas de se faire tailler un Costar lors de la querelle. Il envoyait des chapons et des gélinottes à Pinchesne qui faisait ainsi de bons repas à Paris. Tout cela est très bien raconté dans un ouvrage de 1907 : Poètes et goinfres du XVIIe siècle. La chronique des chapons et gélinottes du Mans. 

Venons en rapidement à l'ouvrage. Il est constitué de deux parties, après l'épître et le sonnet : les entretiens (jusqu'à la page 445) puis les billets. Tout cela donne un ensemble cohérent et révélateur des rapports Voiture/Costar (maître/disciple).

L'exemplaire que nous présentons ici est intéressant à plusieurs niveaux. Tout d'abord les propriétaires successifs connus : 
  • Claude Blondeau (mort en 1680), avocat du Mans. Dédicace de l'auteur à Blondeau et ex-libris autographe sous le frontispice. Il existe toujours une rue Blondeau au Mans.
  • L'Oratoire du Mans. Ex-dono de Blondeau à l'Oratoire. L'ordre s'installe au Mans en 1599, y ouvre un collège, qui deviendra très réputé, et disparaît en 1792. On peut légitimement penser que le livre y est resté jusqu'à cette date. Aujourd'hui, les bâtiments sont occupés par le lycée Montesquieu.
  • Edme Hermitte, bibliophile du début du XXe siècle. Ex-libris sur le contreplat. On le connaît aussi sous le nom Edme-Pierre Hermitte et il a publié quelques petits ouvrages. Il était directeur de la Banque Nationale pour le Commerce et l'Industrie (BNCI) et habitait place Miremont à Vienne (38 Isère), selon une note en garde.
  • Rantanplan, bibliophile du début du XXIe siècle.



L'ouvrage comporte donc cette dédicace sur la garde :

Pour Monsieur
BLONDEAU
Par son très humble 
Serviteur Costar


L'ouvrage est parsemé de croix à l'encre et au crayon, anciennes. Rantanplan se plait à penser que ce sont là des notes de lectures de Blondeau qui a voulu mettre en valeur quelques phrases qui lui ont paru plus intéressantes. Etant donné que le seul propriétaire particulier avant la révolution est Blondeau, cela semble logique.



Voici quelques phrases qui ont donc plu à Blondeau, avec l'orthographe actuelle : 
  • Voiture citant Tertulien sur la robe du paon : "elle n'est jamais la même, mais elle est toujours différente, quoi qu'elle soit toujours la même, quand elle parait différente ; etc.,  en un mot, il semble que le paon change de queue toutes les fois qu'il la remue."**
  • Costar à Voiture : "Et certes, MONSIEUR, votre raison fait si vite tout ce qu'elle doit faire, que la mienne viendrait trop tard à son secours."
  • id., avant de citer Pline : "Je pourrais finir bien à propos en cet endroit, etc., tomber dans le serviteur très-humble, d'une chute aussi juste que l'est celle de vos merveilleux Rondeaux."
  • id., sur les Grâces et les Muses : "Avec les autres, elles sont fantasques comme des mules ; etc., la plupart du temps, ceux qui les recherchent davantage, ce sont ceux qu'elles fuient le plus."
  • id., en répondant à Voiture qui lui a envoyé des vers où l'on fait rimer Voiture et roture : "il y a des noblesses de plus d'une sorte : La noblesse du sang est du dernier ordre; celles de l'esprit etc., du cœur sont au dessus d'elle."
Bonne journée, 
Rantanplan

Paris, Courbé, 1654. In-4, frontispice (26)pp 567pp 1bl. (10)pp. Frontispice par François Chauveau, gravé par Nicolas Regnesson. Chauveau est surtout connu pour ses vignettes de la première édition des fables de La Fontaine et fait partie des 4 graveurs parmi les hommes illustre de Perrault.

** Non, vous êtes toujours sur le Bibliomane moderne, vous n'êtes pas passé sur Librairie-Curiosa !!

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