vendredi 23 septembre 2011

Province-Paris / Paris-Province, ou la bibliophilie du XXIe siècle en TGV ! ... Une vente ALDE avec de belles surprises !


Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand (1842),
adjugé 22.200 euros frais compris.
Un exemplaire vraiment exceptionnel !


Aujourd'hui il y avait une petite messe bibliophilique dans la salle Rossini près Drouot à Paris. La maison de vente ALDE, spécialisée dans les livres et les autographes proposait un catalogue assez disparate d'un peu moins de 450 lots. J'avais décidé de faire le déplacement depuis ma Bourgogne profonde pour aller aux devants de Lutetia parisiorum la Grande ! Ma venue a été prétexte à modeste ripailles au "Central" (juste en face et à deux pas de l'hôtel Drouot) avec trois amis libaires-bibliophiles ou bibliophiles-libraires. Andouillettes-frites, entrecôte-frites ... nous ne sommes que des hommes après tout ! Mais cette rencontre "au sommet" a surtout été l'occasion, comme on aime le faire entre "biblios", à une "causerie" entre amis du livre et du bouquin ... un petit traité de magie noire ayant subrepticement passé de mains en mains avec des ah ! des oh ! des mmmm ! ... et puis les éternelles complaintes shakespeariennes des libraires en mal de "reprise économique" sur fond de crise bancaire internationale ... bref ... des interrogations ... des rires ... des anecdotes diverses et variées qui font que ce métier est et doit rester avant tout une passion.

A 14h la messe commençait.

Nous sommes arrivés pile à l'heure. Il y avait encore de la place sur les chaises de devant (celles que j'affectionne car elles permettent encore de "voir" les livres qu'on n'a pas eu le temps d'examiner pendant la visite). Certains affectionnent les places du fond ... certains disent que ce sont les gredins qui sont à ces places car ainsi ils peuvent épier les moindres gestes de toute la salle devant eux ... mais je ne veux pas croire à cette légende surfaite (sourire). Bref, n°1 etc ...

Disons que la vente était divisée en plusieurs parties thématiques. Pour commencer les livres anciens (quelques beaux titres, mais un bon nombre de livres en état très moyen), à noter tout de même un Cyrano de Bergerac in-4 (Paris, Charles de Sercy, 1654), complet mais assez lait, qui de mémoire a fait 1.300 euros sans les frais (un exemplaire plus beau avait fait plus de 5.000 euros lors d'une des dernières ventes ALDE) ; à noter aussi un beau volume de Diderot, Le fils naturel, EO de 1757, plein veau aux armes du duc de La Rochefoucauld, volume estimé 1.500/2.000 euros et bataillé très au delà de cette estimation mais je ne me souviens plus le prix final et j'ai oublié de le marquer ; à noter l'EO des Pensées de Pascal (Paris, Desprez), 1670, partie pour 7.500 euros pour une estimation de 5.000/6.000 euros (Pascal n'a plus tant la cote que cela .... c'est un signe des temps ...). Une Geografia de Ptolémée de 1548 (Venise, Bascarini) fut monté jusqu'à 18.000 euros je crois... et à mon sens ce n'était pas justifié car le volume avait été outrageusement lavé et laminé par Marcellin Lortic qu'on ne remercie pas sur ce coup-là même si la reliure était clinquante... de certains feuillets on aurait dit des photocopies (n'est-ce pas Textor...) ... Un Restif de la Bretonne pour lequel j'étais venu (Les parisiennes, 1787, 4 volumes et 20 fig. de Binet), était si horrible (et je pèse mes mots) que personne n'en voulut même à 500 euros dernier mot du commissaire priseur (sur une estimation à 800/1.000 euros tout de même) ... On n'achète pas du Restif à n'importe quel prix surtout lorsqu'il est hautement moche ! Venaient ensuite les livres du XIXe siècle. Il y avait quelques jolis exemplaires. Un Paul et Virginie de Curmer (1838) sur papier de chine (très rare... 35 ex. d'après Carteret) finit à 4.000 euros (reliure toile éditeur très usagée) ; un must de la vente, ce Gaspard de la nuit de Louis Bertrand ou Aloysius Bertrand (dijonnais de cœur pour les intimes...), EO de 1842, superbe, relié sur brochure par Charles Meunier, maroquin mosaïqué (voir photo ci-dessus), magnifique ouvrage que j'ai tenu quelques instants en mains (telle une relique inaccessible), estimé 8.000/10.000 euros, adjugé 18.500 euros sans les frais (22.200 euros avec les frais) ; quelques belles éditions de Victor Hugo, dont le n°191, La légende des siècles, EO de 1877, 1/10 ex. sur Japon ... avec un envoi à la hauteur (voir catalogue) ... exemplaire rendu unique... magnifique ... bref ... estimé 4.000/5.000 euros .... qui se termine à 23.000 euros si je me souviens bien .... (on a parfois des envies d'être trader à la Société Générale moi je vous le dis ...) ; je passe sur la section consacrée au Félibrige et à la Provence de Mistral et Roumanille ... (nous sommes allés boire un verre bien mérité pendant ce temps...) ; les sections suivantes de la vente consacrées à un vague ensemble régionaliste ne m'a pas non plus attiré ... je n'en parlerai donc pas. Venait au final la section consacrée à la bibliophilie, à la bibliographie, pour bonne partie très bien reliée. Les prix ont été à la hauteur de la beauté des exemplaires et je n'ai rien pu acheter. C'est ainsi.

Voilà ce que je pouvais vous dire sur cette petite escapade parisienne somme toute très "professionnelle". Ah si, j'oubliais ! je suis reparti avec un lot, un seul ! Mais j'en suis assez satisfait. "Bon achat !" a crié le commissaire priseur ... prions ensemble pour qu'il ait dit vrai (sourire).

Je n'irai pas à la vente du 6 octobre prochain (jeudi en fait ...) consacrée à la dispersion des livres de Pierre-Jean Remy, bibliothèque, qui, comme dirait un ami "m’en touche une sans faire bouger l’autre." (je parle des reliures bien évidemment...). Par contre j'irai très probablement à la vente suivante du 28 octobre (Bibliothèque d'un amateur), bibliothèque riche en EO classiques bien reliées (Corneille, Racine, etc) ... c'est tout de même autre chose !

PS : je me vois mal vous laisser sans vous conter la petite aventure de la fin de matinée, avant que la salle Rossini n'ouvre ses portes. Avec Éric, mon ami de la librairie ancienne L'escalier des Sages, nous nous sommes baladés dans la passage des Panoramas (il voulait me montrer une lettre autographe de Victor Hugo qu'il avait vu en vitrine). Je n'ai pas pu résister à lui montrer le 55 passage des Panoramas, lieu mythique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, qui abrita durant plus de quarante ans la célèbre librairie ancienne Morgand et Fatout, puis la librairie Rahir, son successeur. Il y a au fond de la boutique, aujourd'hui en travaux, encore l'escalier majestueux à double montée/descente latérale, que je vous laisse admirer en photo (la personne qui était présente a gentiment permis que nous visitions les lieux ... je lui ai fais l'historique de la "boutique Morgand" (qu'elle ne connaissait pas visiblement) et nous avons même pu monter à l'étage et admirer les vitrines et bibliothèques en boiseries de la fin du XIXe siècle, étagères sur lesquelles Morgand et Rahir alignaient par centaines autant d'incunables précieux que d'EO parmi les plus rares). J'avoue que le moment était émouvant. Je remercie Eric de l'avoir immortalisé (sourire).

L'escalier à double montée/descente latérale du 55 passage des Panoramas,
escalier encore en place et en parfait état de la librairie ancienne
Morgand et Fatout, puis Edouard Rahir successeur (de 1876 aux années 1920)

Le 55 est aujourd'hui le lieu-boutique de "La Postale"
(philatélie de haut niveau).

La boutique est actuellement en travaux jusqu'à fin octobre 2011.


Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

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