samedi 7 mai 2011

Long discours ennuyeux sur les commentaires de Paul de Castre (1540).


Mesdames, Messieurs, sortez vos cahiers, marquez la date, le Professeur Textor va développer longuement devant vous un sujet ardu qui mérite un peu d’attention. Je vous demande silence et concentration, le premier qui fait un commentaire pendant l’exposé prend la porte du Portail.

Fig 1 Pierre, on vous a repéré à l’avant dernier rang, copiant sur votre voisin !


Comme disait le Pseudo-platon, (non, Platon n’était pas son pseudo, on l’appelait Pseudo-Platon comme d’autres se font appeler Textor – essayez de suivre un peu !). Comme disait le Pseudo-platon, disais-je, dans l’Axionis de Contempta Morte, usant du terme Aphilosophos, « le discours ennuyeux met dans un état qui rend ennemi du discours »…. Notez-le dans un coin, nous y reviendrons.

Le thème du jour sera tout entier consacré aux Pandectes de Justinien, plus particulièrement au Digeste Nouveau, qui n’a de digeste que le nom. Et encore plus particulièrement, au commentaire qu’en fit Paul de Castre l’an 14XX .

Fig 2 Dommage qu’il faille faire son droit, les paysages de Toscane paraissent enchanteurs.


Mais tout d’abord, qui était. Paul de Castre ? Et non pas de Castres, rien à voir avec le rugby. Paul de Castre qui vécut dans le XVe siècle était d’une très petite condition au point que sa famille n’avait point de nom et qu’il prit celui de Castro, fidèle à ses origines. (Il était né à Castro en Italie). Ne pouvant qu’à peine subsister, il occupa un emploi de copiste dans la maison des Balde. C’est là qu’il apprit le droit avec les enfants des Balde et à chaque fois qu’il entendait quelque chose de fin et de subtile il le mettait incontinent par écrit. Il apprit aussi beaucoup de François de Castellioneus et par l’assiduité de son travail il devint le plus grand jurisconsulte de son temps. Par une interprétation claire et nette il débrouilla les obscurités du droit et il le remit dans son ancienne splendeur.

L’université d’Avignon lui donna le bonnet de docteur et il obtint des thèses en public dans le palais épiscopal en présence de plusieurs prélats, qui argumentèrent contre lui. Ensuite il en soutint d’autres dans l’université du matin jusqu’au soir, contre tous venants. Ce qui lui fit beaucoup d’honneur. Il resta dans cette ville pendant huit années et donna au public 136 de ses réponses, que l’on trouve encore dans toutes les bonnes librairies.

Fig 3 La bonne fortune de Paul de Castre, toute voile dehors.


Fig 4 Les vertus nécessaires aux juristes, la sagesse


Fig 5 Les vertus nécessaires aux juristes, la patience.


Après quoi, il fut appelé à Florence comme assesseur du Cardinal Zabarella et il réforma le droit de la République et du Sénat. Puis il parti pour Sienne et Bologne et laissa de si bon commentaires qu’on peut dire que s’il n’y avait pas eu Bartole, il aurait tenu le premier rang : « Si Bartholus non fuisset ejus locum Paulus tenisset ! ».

Decius dit de lui dans son Conseil 132, qu’il n’osait pas le contredire et il l’appelait le docteur de la vérité. Et le Président Fabre disait qu’il n’y avait pas juriste plus subtile. Devant tant de gloire, c’est à se demander pourquoi Wikipédia ne lui consacre aucune notice !

Seuls quelques bourguignons acariâtres, tel M. de Chasseneuz (attention, de ne pas oublier le h) dans la Coutume de Bourgogne, disent au contraire que cet auteur est dangereux dans ses conseils touchant les choses qui concernent la conscience. Et je m’en vais vous l’illustrer par un sujet qui rappelle la révocation de la convention de Schengen.

Fig 6 Les juristes combattent le malin, la bête informe qui terrorise la contrée et fait naitre l’anarchie.
(au registre inférieur)



Fig 7 Le Monstre est touché à mort.


Fig 8 Victoire du pouvoir temporel (au registre supérieur)


Dans la première moitié du XIVe siècle, comme les naturalisations se multipliaient, Paul de Castre eut à rendre un avis (consilium) alors qu’il enseignait au studium de Florence. La corporation des notaires de Florence lui soumirent une cause contre la corporation des notaires de San Gimignano qui voulait intégrer leur guilde. Cette cité distante de 60km de Florence avait été intégrée à son territoire et avait pu bénéficier, par un traité d’alliance, du droit de traiter ses ressortissants comme des « veri et originarii comotatini et populares florentie », donc pas vraiment des « cives civitatis », mais des assimilés (cives comitatenses). Par ailleurs, pour repeupler la ville après la peste noire, la République de Florence donnait aux ressortissants de San Gimignano le privilège d’exercer des charges administratives s’ils résidaient 6 mois à Florence. Mais une loi de 1404 prévoit que l’accès aux charges suppose d’avoir payé une taxe pendant vingt années. Paul de Castre trancha le cas d’une formule définitive : Se soustraire à la loi de 1404 voudrait dire que Florence aime mieux les étrangers que ses propres concitoyens, or un citoyen ex privilegio ne peut valoir un citoyen d’origine. Jus soli contre jus sanguini, la décision fit grand bruit dans le Landerneau.

Fig 9 La vie de Paul de Castre


Fig 10 Les Grands législateurs : Justinien

.
Fig 11 La page de titre du Livre premier, vue d’ensemble.


Paul de Castre mourut à Padoue en 1437 dans une extrême vieillesse (d’après Jean Trittenhem qui conte sa vie en prologue du Repertorium, mais la BNF propose 1441) après avoir enseigné le droit pendant quarante cinq ans.

Pierre ! Qui n’avez rien écouté, vous me copierez cinq cent fois en gothique cursif la phrase : « La route est longue disent les cavaliers, mais elle est encore plus longue pour le pauvre cantonnier » !!

Bonne soirée,
Textor

Note : Cet ouvrage, imposant in folio, contient relié ensemble trois livres, les deux livres du Digeste Neuf et le Répertorium qui couvre ces 2 livres, mais aussi le Digeste Vieux, et le Code. Voir les explications de la légende (Canon pro numeris marginalibus) du répertoire sur cet ensemble en Fig 9. Chaque livre a sa page de titre séparée et le bois d’encadrement du titre est donc répété trois fois. Curieusement, les adresses différent : Lyon., Jean de Bry au livre 1 et Lyon, Dominique Guarnerius au livre 2.

Fig 12 Colophon du livre 2


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