vendredi 26 février 2010

Connaissance de la reliure par l'image. Une jolie reliure signée DUPLANIL, vers 1825-1830.



Reliure signée DUPLANIL.
Exécutée vers 1825-1830.



Poursuivons notre voyage à travers les vastes étendues bibliopégimaniaques.

Aujourd'hui, arrêtons-nous en Pays de France, aux alentours de 1825-1830, en pleine période romantique. La reliure romantique, c'est comme la tête de veau sauce ravigote, on aime ou on aime pas ! J'aime. Pas toutes les reliures romantiques. Mais la plupart lorsqu'elles sont bien exécutées et surtout bien conservées. Contrairement aux reliures en vélin du XVIe et du XVIIe siècle qui supportent sans trop de disgrâce les affres du temps (on ne dira presque rien pour un vélin dont les plats sont racornis ou froissés, pas plus que pour un vélin très jauni par le temps), les reliures romantiques s'accommodent très mal de l'imperfectitude, si j'ose. Il faut en effet beaucoup de bravitude et moult humanitude pour s'amouracher d'une reliure romantique estropiée. De plus, comme les matériaux utilisés à cette époque sont principalement le veau et le maroquin à grain long, il est très difficile de tenter une quelconque opération de sauvetage-restauration. L'amateur de reliures romantiques s'attachera donc à toujours respecter un précepte simple : ne rechercher que des exemplaires parfaits ou presque. J'entends par presque les défauts inhérents à la qualité du papier, qui dans ce temps, ressemble plus à la belle Zora la Rousse qu'à une vierge diaphane des pays du nord...

Pour rédiger ce petit billet, je me suis appuyé sur un catalogue d'exposition qui vient de rejoindre mes rayons, intitulé : "Société des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique. La reliure romantique. Exposition à la Bibliothèque Albert I, du 12 octobre au 19 novembre 1961." Très joli catalogue, sobre, décrivant 215 livres, tous très bien reliés, en reliures signées de l'époque romantique ou non signées mais néanmoins remarquables. Chaque relieur est l'occasion d'un petit paragraphe biographique très bien documenté.


Détail de la reliure (dos), avec signature du relieur
DUPLANIL


Arrêtons-nous sur le relieur Duplanil, celui qui nous intéresse aujourd'hui.

"Pierre Duplanil. Relieur à Paris. Le plus connu d'une famille de relieurs portant ce nom. Il exerça son métier de 1810 à 1845. Vers 1832, il a dû travailler avec son fils, car un Almanach de cette année cite la firme "Duplanil Père et Fils relieurs". La parfaite connaissance du métier et ses décors attrayants ont conféré à Duplanil une place de choix méritée."

La notice cite comme source : Ramsden, French Bookbinders, pp. 78-80. - Devauchelle, II, p. 233.

Cette exposition à la Bibliothèque Albert I donnait deux reliures signées Duplanil. Un maroquin bleu nuit sur Edouard de la duchesse de Duras, Paris, Didot, 1825, 2 vol. in-12. En voici le descriptif du décor : "Reliure de maroquin bleu de nuit. Sur les plats, cadre formé de trois filets dorés se croisant aux angles, d'une roulette à froid et d'un filet ondé or, touchant les fleurons d'angle intérieurs dorés ; plaque centrale gaufrée et dorée. Dos à quatre nerfs plats, chargés de filets ; les compartiments ornés de motifs dorés. Doublure et gardes de papier brun agate. Cet exemplaire appartenait à la collection de M. Fernand Vellut.

Le deuxième exemplaire est décrit de la sorte :

"Reliure de maroquin brun à grain long. Les plats ornés de triangles à décor aux petits fers et d'un grand losange formé de six filets dorés entourant le décor central gaufré. Dos sans nerfs, décoré de motifs dorés et de filets entourant de petits losanges ornés à froid. Doublure de maroquin citron, ornée de roulettes à froid ; gardes de tabis bleu moiré, orné d'une roulette dorée. La reliure est signée Duplanil Fils." Elle recouvre une édition des Lettres et Epîtres amoureuses d'Héloïse et d'Abeilard, Paris, Bossange et Tenon, 1821, 2 tomes en 1 volume in-16. L'exemplaire provient de la bibliothèque Henri Béraldi avec son ex libris et était au moment de l''exposition, la propriété de M. Pierre van der Rest.

On trouve à la fin du catalogue une suite de 32 planches en noir et blanc reproduisant des reliures exposées. Les deux reliures de Duplanil et Duplanil fils n'en font pas partie.

Venons-en maintenant à l'exemplaire que je me propose de vous exposer ce soir.

Il s'agit d'un volume grand in-8 (24,5 x 16,5 cm) relié plein maroquin à grain long "bleu de nuit" (moi je disais "bleu nuit" mais puisque nos amis belges disaient "bleu de nuit" en 1961... ça me va très bien, je trouve ça même plus poétique...) Je vais tenter une description du décor... mais ce n'est pas si simple... vos yeux seront meilleurs juges que mes mots...

"Plats décorés d'une plaque centrale rectangulaire à froid, encadrement de filets dorés fins rejoints dans les angles par des fleurons dorés, deux roulettes à froid concentriques en encadrement extérieur des plats, le tout encadré d'un jeu de filets gras et maigres dorés. Dos à trois faux-nerfs plats surmontés d'une roulette dorée de type zig-zag, jeux de roulettes dorées en tête et en queue du dos, compartiments décorés d'un fleuron à froid et d'un encadrement de filets dorés fins, losange fileté doré au centre, le caisson central au dos étant décoré d'un grand fer à froid avec un cartouche doré, encadrement de filets dorés. Titre doré entre les deux nerfs en haut du dos. Doublures et gardes de papier rose estampé à froid "type vaguelettes", encadrement intérieur de deux roulettes dorées. Jeu de deux roulettes dorées distinctes sur les coupes. Trois tranches dorées. Reliure signée en queue du dos "DUPLANIL". Ouf ! Pas facile à décrire... et j'ai dû être fort approximatif. A vos yeux pour juger si j'ai été juste.

Cette reliure recouvre l'édition portative des "Œuvres poétiques de Voltaire" (Paris, L. de Bure, 1824. Édition sur papier vélin. Portrait de Voltaire sur Chine collé d'après Delatour. Cette jolie édition a été imprimée par Firmin Didot.

Voilà, j'ai essayé d'être le plus complet possible. La reliure est en parfait état. L'intérieur également, sans rousseur. Très beau livre. Une édition romantique de Voltaire (1824) reliée à l'époque et de très belle façon. Ce n'est pas si courant, on serait même presque tenter de dire que cela se fait rare si quelque obscure bibliothécaire librairophobe ne nous avait calmer dans ces ardeurs biblio-enjolivo-descritives... Il se reconnaitra, il doit sourire, il sait qu'il a toute mon amitié. Un bon mot biblio-virtuel remplace souvent, à notre époque, une franche poignée de main.

Bref, je vous laisse admirer les quelques clichés (non professionnels et même totalement amateuristes) que j'ai pu en faire...


Cliquez sur les images pour les agrandir



Doublure. Encadrement de maroquin avec roulettes dorées.
Centre de papier glacé estampé à froid d'un motif de type "vaguelettes".



Un particularité technique de cette reliure que je tenais cependant à souligner. La charnière intérieure est en cuir, du même cuir que la reliure dans son ensemble, cette technique dite du "montage sur charnière cuir" donne solidité et esthétique au volume. Ici, Duplanil a cru bon (et il a eu raison à mon sens), d'appliquer une belle roulette dorée sur cette charnière, côté corps d'ouvrage (voir photos ci-dessous).


Volume à gauche et Plat à droite (charnière intérieure en maroquin, décorée de roulettes dorées)

Une autre petite information intéressante. Ce volume porte au contreplat l'étiquette de la "Galerie de Bossange Père, Rue de Richelieu, N°60." Je pense qu'il s'agit du lieu où le volume a été vendu originellement, neuf. Les Bossange était une très grande famille de libraires de la capitale à cette époque.



Nous découvrirons bientôt le relieur Courteval... à la même époque ou presque.

Bonne soirée,
Bertrand

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