dimanche 23 août 2009

Barnabé Farmian Durosoy, l’Insignifiant Tragique.



Barnabé Farmian Durosoy, né en 1745 et mort sur l’échafaud à Paris, le 25 Août 1792 mérite-t-il d’entrer à l’Académie des insignifiants ? Je le laisse défendre lui-même sa cause, dans une envolée dont il a le secret, tirée de l’épitre (quasi prémonitoire) de son meilleur ouvrage : les Sens, poème en 6 chants, à Londres ( i.e. Paris), 1766.

« Depuis que le goût n’est plus, parmi nous qu’une affaire de mode, et que les principes les plus respectables ne sont plus que des problèmes que chacun résout selon ses caprices et ses préventions c’est dans un Cercle choisi, où la partialité ne tient point la balance, qu’il faut chercher un juge ; Et le choix du juge lui-même n’est pas moins important et difficile, que celui du Cercle qui l’honore ! Joindre la plus noble simplicité à l’imagination la plus brillante, à la plus élégante diction, au goût le plus fin et le plus délicat, au jugement le plus sain, à l’impartialité la plus éprouvée, c’est avoir droit à tout en ne prétendant à rien ! »

N’est pas là une belle définition de l’Insignifiant, ne prétendre à rien, mais souhaiter l’immortalité ? (Fig 1 et 2)


Fig. 1


Fig. 2


Ceci dit, le jury d’Académie va sans doute reprocher à Durosoy de n’être pas si inconnu que cela puisqu’il a tout de même décroché une notice dans le dictionnaire Larousse.

On y apprend qu’il fut journaliste et homme de lettres, à la fois auteur dramatique, poète, romancier, historien et essayiste. Fondateur et rédacteur d'un quotidien royaliste en 1789 – mauvaise pioche ! Outre Les Sens, poème en six chants une seule de ses pièces, Henri IV ou la Bataille d'Ivry, lui vaut une petite renommée et sera jouée une vingtaine de fois à Versailles.

(Fig 3, 4)

Fig. 3


Fig. 4


Il attira aussi l’attention de Chateaubriand par sa fin tragique ; François-René écrit : « La presse, devenue libre en 1789, cessa de l'être le 17 août 1792 ; alors s'établit un tribunal prévôtal. Quelles furent les premières victimes immolées ? Des gens de lettres, défenseurs du monarque et de la monarchie. Durosoy, jugé à cinq heures du soir et conduit au supplice à huit heures et demie, remit au président du tribunal un billet qui ne contenait que ces mots : Un royaliste comme moi devait mourir un jour de Saint-Louis».

Durosoy, romantique ?

Quoiqu’il en soit c’est en lisant l’œuvre qu’il faut juger des qualités cachées de Barnabé. Et cachées, elles le sont réellement. J’ai beaucoup hésité avant d’extraire ce passage, tant l’ensemble est insipide. Mais je dirais pour sa défense que ce XVIIIeme siècle ne fut pas faste aux poètes, et que Voltaire lui-même aurait pu prétendre donner un bon Insignifiant s’il n’avait écrit que la Henriade. (Et comme cela n’est qu’une affaire de goût, j’entends déjà gronder les partisans de la Henriade !)

Chant sixième, la Jouissance : (Fig 9)

Fig. 9

Et pour finir, (Avant que Raphaël nous lance un « Les Sens, çà nous pompe ! ») je vous livre le meilleur de l’ouvrage que sont encore les gravures d’Eisen et de Wille. (Fig 5, 6, 7)

Fig. 5

Fig. 6

Fig. 7

Vous noterez au passage que le mot Tact a du changer de sens depuis le XVIIIeme siècle, vu la manière dont Durosoy plonge sa main dans la gorge de la bergère…

Voilà, je vous laisse trancher le sort de Barnabé, a-t-il gagné son fauteuil d’immortel Insignifiant ? (fig 8)

Fig. 8

Bonne journée,
Textor

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