lundi 8 juin 2009

Quand un catalogue de librairie devient livre de bibliophilie...



Cher(e)s ami(e)s bibliomanes,

Ce soir je voudrais évoquer avec vous un domaine qui me tient particulièrement à coeur, à savoir celui de la documentation du bibliophile. J'ai toujours pensé qu'à défaut d'avoir un père libraire bien installé, un grand père bibliophile vénérable qui vous transmet le virus, ou à défaut de tout cela quelques stocks options bien investies au bon moment, le meilleur moyen de devenir excellent bibliophile tient au fait d'apprendre, d'apprendre et d'apprendre encore. Et quel meilleur moyen pour apprendre, que d'ingurgiter ce que les plus bibliophiles que soi, ont appris avant nous ?

Les catalogues de libraires, lorsqu'ils sont bien faits, sont sans doute un des moyens d'apprendre le plus rapidement et le plus sérieusement possible la bibliophilie. Vous me direz qu'on n'apprend pas la bibliophilie ! Peut-être. En tous les cas, dans mon cas personnel, je rend grâce aux milliers de catalogues qui ont depuis près de 20 ans encombré ma cervelle ! Et à voir mes collègues en bibliophilie, es docteurs en sciences du livre antique et autres maniaques du bouquin maroquiné, je gage que c'est par ce moyen que beaucoup de nos condisciples se forment encore, se sont formés par le passé, et sans aucun doute se formeront encore dans le futur.


Qu'est-ce qu'un bon catalogue de librairie ? Oublions tout de suite les catalogues abscons de centaines de numéros à la suite, qui, sans aucun charme, sans aucune rigueur, sans aucun style, m'ennuient. Ceux-là ne font qu'un bref passage sur mes tablettes, même si, la plupart du temps, je ne peux me résoudre à les jeter comme de vulgaires journaux.

Je ne retiendrai qu'une seule catégorie de catalogues de librairie qui mérite, à mon sens le sort de la conservation ad vitam eternam : les catalogues aux fiches précises, détaillées, argumentées de références bibliographiques fiables, passionnantes à lire, et agrémentées lorsque cela s'avère utile et agréable, de photographies des reliures des exemplaires proposées. Au final, bien peu de libraires en France ou à l'étranger proposent ce type de catalogues, en version papier, dans ce niveau de qualité. Il faut dire qu'un catalogue coûte cher à faire, et que tous les libraires ne peuvent se permettre la dépense. Il faudra donc admettre que tous les libraires sérieux ne peuvent avoir leur catalogue en version papier, comme on le désirerait tous.

Je ne citerai pas de noms de librairie actuellement en exercice mais je pourrais sans doute vous indiquer au moins 5 ou 6 librairies dont je conserve les catalogues précieusement, principalement des libraires de la capitale, mais pas uniquement. Ces catalogues sont rangés avec soin (enfin presque), regroupés, et souvent consultés, avec intérêt, passion et plaisir. Je remercie d'ailleurs chaleureusement les libraires en question pour tout le plaisir qu'ils me procurent à chaque lecture d'un de leur nouveau catalogue.

Bien sûr, je n'oublierai pas ici de mentionner l'essentiel des troupes cataloguèsques de mon logis. Il s'agit en fait de vieux catalogues, quelques uns du XIXe siècle, la plupart de la première moitié du XXe siècle. Quelques librairies existent encore, d'autres non. J'affectionne particulièrement les catalogues de la librairie Gumuchian qui exerça à Paris à la fin des années 20 pendant quelques années seulement. Evidemment, la librairie Maggs Bros de Londres et Paris, les librairies Lardanchet (qui existe encore mais reprise depuis) dont les petits catalogues de livres précieux, d'un format si commode (in-8), accompagnent tant de mes veilles. Il y en aurait d'autres à mentionner, les Morgand, Rahir, Belin, Giraud-Badin, etc. Je vous laisserai compléter la liste avec vos propres habitudes.

Si j'ai écris ce billet ce soir, c'était avant tout pour vous exposer une de mes dernières découvertes en la matière.


Il s'agit d'un exceptionnel catalogue de luxe publié par la librairie Maggs Bros de Londres et Paris, en 1938. De format grand in-4, luxueusement imprimé sur beau papier vélin crème assez fort, il est accompagné de 110 planches hors texte représentant, en noir, et en couleurs, de très nombreuses reliures.

Ce catalogue s'intitule "Catalogue d'un choix de très beaux livres. EMPIRE - RESTAURATION - ÉPOQUE ROMANTIQUE - ÉDITIONS ORIGINALES. Livres illustrés - Très belles reliures - Reliures mosaïquées. Catalogue n° 661.

Catalogue n°661 ! Rendez-vous compte ! Un bibliophile qui serait assez fou pour vouloir réunir la totalité des catalogues de la librairie Maggs Bros serait déjà chargé de 661 catalogues !! Est-ce possible ? Est-ce réalisable ? Est-ce souhaitable ?

Je n'ai réussi pour l'heure à réunir qu'une bien faible partie de ces près de 700 catalogues de cette librairie ancestrale et mythique ! Les réunir tous sera impossible. J'essaierai malgré tout.
J'attends des nouvelles d'une série de volumes reliés demi-maroquin de la librairie Morgand et Fatout, à la fin du XIXe siècle. Je possédais déjà la série des 10 gros volumes ... mais brochés (ou plutôt débrochés...)

Je m'égare. Pour revenir à ce catalogue : c'est un objet utile et fantastiquement agréable à consulter, je ne m'en lasse pas. Il est bien imprimé, joliment illustré avec le charme désuet des reproductions de reliures en couleurs, or et gaufrages, comme cela s'est fait jusque dans les années 1960. La photographie a progressé au service du bibliophile ! louée soit la photographie bibliophilique. Cet oeil sur le livre, c'est la bibliophilie qui vous entre dans le cerveau. Mémorisez, comparez, regardez, apprenez. Tout cela le beau catalogue de libraire vous l'offre, vous n'avez qu'à vous baisser pour ramasser la connaissance bibliophilique.

Évidemment, c'est long. Plusieurs années de pratiques de lectures assidues, de mémorisations, de comparaisons, etc, sont sans doute nécessaires à un début de maîtrise de l'outil. Mais quel plaisir ! Souvent je flâne dans mes rayons de documentation au hasard, j'ouvre un catalogue, librairie de la veuve Belin ! Quelle belle librairie ! Quelles belles notices ! Le hasard me guide le plus souvent, je n'y cherche rien de précis, ou plutôt si, j'y cherche tout. Et alors je tombe sur la notice qui m'intéresse, d'un livre que j'ai vu la semaine passée, et puis voilà, c'est parti, je cherche, je fouille, je veille, et je m'endors en me demandant dans quel autre catalogue j'avais bien pu repérer ce Ciceron imprimé par Simon de Colines dans une éditions des années 1530... mais l'année ? ah l'année ? je ne me rappelle plus... et je cherche encore.

Voilà ce qui peut vous arriver si vous décidez d'aimer et de conserver les beaux catalogues des libraires d'hier et d'aujourd'hui. Prenez-y autant de plaisir que moi et nous en reparlerons ensemble très bientôt ici même.

En attendant, je vous laisse profiter de quelques vues de ce Maggs Bros n°661...


Bonne nuit,
Bertrand

Ah si ! J'oubliais, outre les catalogues, à mon sens, une seule chose peut permettre de comprendre plus vite, mieux et plus encore la bibliophilie, c'est tout simplement de manipuler un maximum de volumes en un minimum de temps...

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