samedi 13 juin 2009

Destin d’un petit livre rare… ou pas si rare… mais très recherché… des bibliophiles anciens…



Bonsoir à toutes et à tous,

Ce soir je vous invite à me suivre dans mes pérégrinations biblio-maniaco-bibliographico-bibliopolesques, c'est-à-dire que je vous montre ce que chaque jour je fais lorsqu’un livre me passe entre les mains. Tout le processus de recherche des exemplaires répertoriés ici et là dans les vieux catalogues de vente, mais également les ventes récentes et les catalogues de libraires. C’est ainsi, et seulement ainsi, que je parviens à me faire une idée de l’histoire du livre que le plus souvent, le hasard seul, a mis sur mon chemin.

Voici l'ouvrage que j'ai pris pour modèle pour ce soir :

Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, tant en prose qu’en vers etc. Première et deuxième partie. Cologne, Pierre du Marteau, 1667. 2 parties en 1 volume petit in-12 (Hauteur des marges : 133 mm). Titres imprimés en noir, à la sphère [Daniel Elzévier d’Amsterdam].



Quelques commentaires communément repérés sur cette édition :

« Troisième édition elzévirienne, augmentée de moitié, de ce recueil originellement paru en 1663. Il comprend notamment le poème que La Fontaine avait consacré à Fouquet, ici intitulé « Élégie pour le malheureux Oronte », et des pièces de Boileau, Tallemant, mademoiselle de Scudéry, madame de La Suse, etc. Willems, n° 1387. » (Beaussant Lefèvre, SVV.)

« Ce recueil, évidemment sorti des presses elzéviriennes, contient entre autres pièces le Voyage de Chapelle et Bachaumont, quelques épitres et satyres de Boileau, l’élégie de La Fontaine sur la disgrâce de Fouquet, etc. La première partie avait déjà paru séparément en 1664. Des exemplaires bien conservés valent 15 à 20 francs. » (Bérard, Essai bibliograhique sur les éditions des Elzéviers, 1822).

« Edition qui fait partie de la collection des Elzevirs. Joli volume supérieurement imprimé. Parmi les pièces nombreuses et bien choisies qui le composent, il faut remarquer la relation écrite par Montreuil du voyage de la cour à la frontière d'Espagne, en 1660, pour le mariage de Louis XIV, des détails sur la querelle littéraire de Gilles Boileau et de Ménage ; les premières satires de Boileau (Nicolas) avec des variantes, etc, etc. » (Viollet Le Duc)

« C'est dans ce recueil, imprimé par les Elzeviers de Leyde, que parurent pour la première fois le Voyage de Chapelle et de Bachaumont, les premieres Satires de Boileau, et notamment celle adressée à Molière, plusieurs pièces de La Fontaine, etc. » (Paul Lacroix, Dissertations bibliographiques)

Exemplaires répertoriés dans les bibliothèques dont la vente a été cataloguée, essentiellement au XIXe siècle (avec les prix d’adjudication lorsqu’on a pu les retrouver) et présentés dans les catalogues de librairie (à prix marqués), avec les caractéristiques qui les font reconnaitre.

- Catalogue de la librairie Auguste Fontaine pour l’année 1878-1879, n°1364. Exemplaire en maroquin rouge du XIXe signé Hardy. Hauteur : 128 mm. Coté 100 francs.
- Exemplaire Rochebilière (2eme vente de 1884, n°1921), relié en veau. Adjugé 31 francs.
- Exemplaire du baron Taylor (vente par Téchener, Paris, 1848, n°853. Réunion de la première partie à la date de 1664 avec la deuxième partie de 1667. Exemplaire en veau vert doublé (Hurée). Je n’ai pas retrouvé le prix d’adjudication.
- Exemplaire de la bibliothèque de M. de Monmerqué (vente à Paris, Potier, 1851, n°1800). Relié en maroquin rouge ancien (sans doute du XVIIIe siècle). Pas de prix d’adjudication.
- Catalogue des livres rares et singuliers de la bibliothèque de M *** (Paris, De Bure frères, 1819, n°1969). Exemplaire relié en maroquin bleu à dentelle (époque de la reliure non spécifiée). Adjugé 15 francs.
- Exemplaire Walckenaer (vente d’avril-mai 1853, Paris, Potier, 1853, n°2136). Relié en maroquin bleu, dentelle, tranche dorée (Bozérian). Pas de prix d’adjudication.
- Exemplaire Viollet Le Duc. Première partie de la vente, Paris, Jannet, 1849, n°75. Relié en veau violet, filets, tranches dorées (époque de la reliure non spécifiée). Pas de prix d’adjudication.
- Exemplaire Charles Nodier. Fait partie de ce beau catalogue qui s’intitule « Description raisonnée d’une jolie collection de livres », avec les notices de Charles Nodier lui-même. n°1083. Exemplaire en maroquin rouge, filets (époque de la reliure non spécifiée). Voir plus bas le même exemplaire adjugé lors de la vente Nodier (1844).
- Bulletin de la librairie Damascène Morgand, n°15171 (années 1887-1889). Exemplaire en maroquin vert janséniste par Chambolle-Duru. Coté 60 francs.
- Autre exemplaire de la bibliothèque Viollet Le Duc (voir plus haut). Paris, Hachette, 1843, p. 38. Exemplaire relié en veau brun, grand de marges (époque de la reliure non spécifiée).
- Exemplaire Lebeuf de Montgermont. Vente de 1876, Paris, Labitte. n°813. Relié par Trautz-Bauzonnet. Maroquin, dos orné, filets, tranches dorées. Hauteur : 132 mm.
- Bulletin du bouquiniste d’Auguste Aubry, 1859. n°8590. Basane (époque ?). Coté 8 francs.
- Exemplaire Armand Cigongne. Vente à Paris, Potier, 1861. n°942. Relié maroquin bleu tête dorée, non rogné, par Bauzonnet. Pas de prix d’adjudication.
- Catalogue des livres précieux de M. Bancel, Paris, Labitte, 1882. n°704. Maroquin rouge, décor à la Du Seuil de Niédrée. Hauteur : 130 mm. Exemplaire aux armes du marquis de Coislin et ayant appartenu à Sainte-Beuve avec sa signature et une note de sa main sur une feuille volante. Pas de prix d’adjudication.
- Catalogue des livres rares et précieux de la bibliothèque de M. Potier (ancien libraire). n°1754. Maroquin rouge, filets, tranches dorées (Derome). Hauteur : 134 mm. Exemplaire provenant de la vente Caillard. Pas de prix d’adjudication.
- Exemplaire de la bibliothèque de Charles Nodier. Vente de ses livres après sa mort, Paris, Téchener, 1844. Maroquin rouge (même exemplaire que celui décrit précédemment par Nodier lui-même). Adjugé 23 francs.
- Répertoire de la librairie Morgand et Fatout, 1878. n°1307. Maroquin rouge de Niédrée. Coté 80 francs. Hauteur : 130 mm.
- Catalogue des livres de la bibliothèque de M. Labey, Paris, Potelet, 1839. n°2350. Maroquin bleu, dentelle à froid, tranches dorées (époque de la reliure non spécifiée). Adjugé 25 francs et 50 cents.
- Exemplaire Mac-Carthy, vente à Paris, De Bure, 1815. Tome I, 2e partie. n°3722. Mouton rouge ?? Pas de prix d’adjudication.
- Exemplaire Guilbert de Pixéricourt. Paris, Crozet, décembre 1838, n°1637. Relié en cuir de Russie. Non rogné. Pas de prix d’adjudication.
- Exemplaire de la bibliothèque de M. L. C. de Lyon (Léon Cailhava), vente à Paris, Téchener, 1845. Exemplaire avec la première partie à la date de 1664. Relié en maroquin orange de Hardy. Adjugé 49 francs.
- Catalogue des livres de la bibliothèque de M. Huillard, vente à Paris, Potier, 1870, n°889, exemplaire relié en maroquin bleu par Duru. Hauteur 131 mm. Pas de prix d’adjudication.
- Catalogue des livres de la bibliothèque de M. Piot, n°680 de la vente Em. Paul (Labitte successeurs), 1891, maroquin rouge de Thibaron-Joly. Pas de prix d’adjudication.
- Exemplaire de la bibliothèque de François Victor Massena, Prince d’Essling, n°482 (vente à Paris, Silvestre, 1839). Maroquin bleu (reliure ancienne) ?? Relié en 2 volumes.
- Voici encore quelques exemplaires répertoriés au Bulletin de la librairie Damascène Morgand de 1876 à 1905 (il se peut qu’il y ait des doublons avec quelques exemplaires cités plus haut) : n°15999 en maroquin bleu (reliure non spécifiée mais probablement du XIXe siècle), exemplaire de Pieters, 50 francs. n°17225 en maroquin bleu signé Bauzonnet-Trautz, 70 francs. Exemplaire grand de marges. 130 mm. n°30445 en maroquin rouge ancien (époque non spécifiée, sans doute du XVIIIe siècle), hauteur 134 mm. Coté 150 francs. On retrouve l’exemplaire Nodier en maroquin rouge coté 50 francs sous le n°34282 du Bulletin Morgand. Puis le même exemplaire de Nodier relisté à nouveau sous le numéro 45796 mais cette fois pour 150 francs !

Exemplaires récemment passés en vente aux enchères (salles des ventes répertoriées dans le DVD Argus du livre de collection Artprice uniquement) ou présentés dans des catalogues récents de librairie.

- Interrogation du moteur Vialibri (qui regroupe l’essentiel de la librairie ancienne de qualité sur internet) : Aucun exemplaire actuellement en vente.
- DVD Argus du livre de collection Artprice : Vente du 15 octobre 1987, Ader-Picard-Tajan, exemplaire en maroquin rouge du XIXe siècle signé Cuzin aux armes de Lagondie. Adjugé 3.200 francs soit environ 488 euros en équivalent. Vente Christie’s Londres, reliure du XVIIIe siècle en veau, exemplaire Mortimer L. Schiff et Garrick David, adjugé 420 livres soit environ 630 euros. Pas d’autres exemplaires répertoriés à l’argus Artprice version DVD. Il faudrait prendre tous les argus papier pour vérifier qu’aucun autre exemplaire n’est passé en vente ces dernières années.
- Exemplaire passé en salle chez Beaussant Lefèvre le 13 mai 2009 et adjugé 180 euros. Maroquin noir à grain long décoré à froid et de quelques petits cercles dorés en encadrement des plats. Roulette dorée grecque en encadrement des plats, gardes et doublure de papier rouge vif, garde volante de parchemin, tranches dorées (reliure non signée mais typique des productions de Bozérian jeune. Les gardes en parchemin et le décor de la reliure ne laissent que peu de doute sur cette attribution. C’est l’exemplaire que j’ai entre les mains.

Je n’ai pas trouvé d’autres exemplaires actuellement sur les catalogues de libraires… mais c’est certain qu’on doit en trouver un ou deux. Je ne manquerai pas d’ajouter en commentaire les exemplaires repérés ultérieurement afin de compléter ce billet.

J’ai pu lire par ailleurs dans un travail de Gustave Brunet sur les imprimeurs supposés qu’un exemplaire aux armes de Colbert de cette édition de 1667, s’était vendu 250 francs à la vente De Bure en 1853, n°1120.

Que conclure de tout ceci ? Que ce livre a été recherché et le plus souvent très bien relié dans les collections des amateurs du XIXe siècle. Qu’aujourd’hui ce livre est passé à la « trappe » bibliophilique parce que son titre n’est pas assez évocateur des auteurs qu’il contient (La Fontaine, Boileau, en premières éditions…) Que les bibliophiles d’aujourd’hui manquent un peu d’éducation ?? Que la facilité ne rime que bien rarement avec félicité ?? Que la perle bibliophilique se cache bien souvent là où on ne l’attend pas ?? Que je suis trop bavard ?? Sans doute tout cela à la fois.

PS : un petit dicton bibliophilique pour vous endormir en paix avec vous-même. En bibliophilie le hasard ne frappe jamais deux fois. La première fois qu'on rencontre un livre cela peut être par hasard, la deuxième fois... on sait !

Sur ce,
Bonne nuit,
Bertrand

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