jeudi 9 octobre 2008

Jean-Claude Bozerian dit Bozerian aîné (1762-1840), Libraire-éditeur et relieur


A la fin du XVIIIe et début XIX la période n'est pas favorable aux arts, la reliure décorée, liée au commerce de luxe en pâtit.


A Paris, quelques relieurs d'avant la révolution s'évertuent à maintenir des travaux de qualité, se sont : Jean-Joseph Tessier (1), François-Paul Bradel (2) (successeur de Nicolas-Denis Derome, disparu en 1790) (3), Joseph Bisiaux (ou Biziaux ?) (4), Courteval (5), Jean-Claude Bozerian et son frère François, dit Bozerian Jeune.


Jean-Claude Bozerian a œuvré pour la reliure sur une période courte, de 1790 à 1810 environ ; et c'est de lui dont parle cet article.


Il est né le 7 juillet 1762 dans l'Ain, dans un bourg sur le Rhône, à la limite de l'Isère ; et c'est à Lyon, haut lieu de l'imprimerie qu'il fit son apprentissage d'imprimeur, de relieur et de libraire. Et c'est à Paris qu'il s'installe.


Une part de l'activité de Bozerian est consacré à l'édition ; ce que l'on connait de lui est principalement des œuvres Françaises ; Bozerian soucieux de la qualité d'impression la confie à un nom célèbre : les Didot, Pierre Didot sera un temps son voisin au 22 du quai des Augustins.


Bozerian destinait clairement ses éditions à des bibliophiles amoureux de la belle typographie, des beaux textes, ainsi qu'une illustration soignée.


L'activité d'éditeur n'absorbait qu'une partie de sont temps, en partage avec celle de relieur et qui lui valu de passer à la postérité. Le nombre de ces reliures qui nous est parvenues n'est pas négligeables, et elles sont facilement identifiables ; Bozerian à en effet signé ses reliures. Généralement doré en queue du dos, cette habitude de signer ses reliures n'est pas encore une habitude au XVIIIe siècle, surtout en France.


Le succès de son atelier est une chose établie ; c'était un relieur à la mode, on ne vouloit que des livres reliés par Bozerian dit Paul Lacroix (in Essai historique sur la reliure en France depuis le XVIe siècle, bulletin du bibliophile et du bibliothécaire de 1863) ; il fit en peu d'année une fortune considérable dit un ancien prote de l'imprimerie Didot.


Bozerian continue à recueillir le succès, il déclare en 1830 avoir les visites de Mr le Duc de Chartres, aujourd'hui Louis-Philippe Ier pour voir ses travaux divers et la confection d'un livre.

Et Bozerian d'ajouter : plus tard auteur des décorations de la Légion d'honneur, deux desseins furent présentés le coq des Gaulois et l'aigle sur la foudre ; ce dernier fut adopté par Napoléon Bonaparte ; Bozerian graphiste !, une nouvelle facette de son activité débordante.


An 13 (1805), arrivent des commandes officielles de l'empereur : une riche reliure doublée de moire, brodé en or. Une en maroquin citron aux armes; l'autre en maroquin violet, en 1810.


Bozerian fournit à l'empereur une collection d'auteurs classiques Français en 21 volumes in-18, richement reliés en maroquin violet (peut-être reliés par lui ?) ; Ovide complet en 14 volumes in-18 sur papier vélin en maroquin bleu ; Paul et Virginie, in-18 en maroquin rouge, etc.


En 1798, il fait disperser ; une première vente à eut lieu en 1798. Une autre vente à lieu en 1807, une troisième en 1811 qui solde l'ensemble le plus important de sa bibliothèque : 951 lots, le libraire Sylvestre, écrit dans l'avertissement : "La première vente de Mr Bozerian aîné, faite chez moi en 1798, offrit aux amateurs un choix de belles reliures faites par cet habile artiste ; depuis cette époque, jusqu'au moment où il à cesser de travailler, les reliures sorties de ses mains ont acquis un nouveau degré de perfection ; et cette seconde vente (il passe sous silence celle qu'il dirigea en 1807), composé de livres précieux et d'ouvrages modernes, la plupart tirés à petit nombres sur papier vélin et papier fin, sont reliés avec une élégance qui ne laisse rien à désirer.


Dans cette vente, les belles lettres constituent l'essentiel : classiques grecs et latins, histoire voyage, théologie, philosophie, morale, quelques éditions des XVIe et XVIIe, les reste étant du XVIIIe ; une dizaine de reliures anciennes, dont 2 de maroquin vert attribuables à Derome ; les autres sont récentes et sortent sans doute de l'atelier de Bozerian (quoique son nom ne soit jamais mentionné).


Beaucoup d'ornements des plats sont des filets ou des dentelles, c'est-a-dire des roulettes, selon toute vraisemblance.


A moins de 50 ans; Bozerian est riche, il quitte Paris pour Meslais, ou il a sa propriété, et se consacrera à la gestion de sn domaine ; l'améliorant et l'agrandissant.


En 1834, il fera encore quelques profit en vendant une dernière fois ses livres : un exemplaire des « Roses » de Thory, illustré par Redouté (6) de 1817 à 1824, Mr Bozerian y a ajouté un portrait ; un autre lot, un plein or à quadrilles, sur les Contes et nouvelles en vers de La Fontaine, P., Didot Aîné, 1795, 4 vol. in-18, maroquin bleu du levant...la reliure des 4 volumes est richissime et l'exécution du dessin est admirable.


J.C. Bozerian, 78 ans, décède le 19/7/1840.



Les gravures et les livres possédés par Bozerian sont dispersés les 8 et 9 juillet 1846, quelques mois après le décès de sa femme (avril 1846) ; les héritiers avaient fait imprimer un catalogue, mince volume de 12 pages sur 2 colonnes, 228 lots et 7 lots de gravures.


En fin de cet article la page de titre originale d’après l’exemplaire de la BnF ; on y remarque que le « E » de Bozerian est avec un accent aigu, lequel n’apparait jamais dans les actes authentiques, ni dans la signature dorée du relieur.


Catalogues des ventes des livres de Bozerian aîné.


- Notice des livres précieux du citoyen Bozerian, la plupart reliés par lui ou brochés et en feuilles, dont la vente se fera le 21 Pluviôse an 6 (9 février 1798) et jours suivants, cinq heurs de relevée, dans l’une des salles du citoyen Sylvestre, rue neuve des Bons Enfants, N°12

A Paris, chez Didot le jeune, imprimeur-libraire, quai des Augustins N°12

Bozerian, relieur, même quai N°33, Lejeune, ancien Huissier-Priseur, rue Guénégaud, an VI 1798, in-12, IV-53pp. ; 513 lots


- Catalogue d'un choix de livres précieux, la plus grande partie imprimés sur papier vélin et richement reliés en maroquin par Bozerian Aîné, provenant de la bibliothèque de M. [Bozerian] dont la vente se fera les lundi 30 et mardi 31 mars 1807, de relevée, rue des Bons Enfants, N° 30, salle Sylvestre. Il se distribue à Paris, chez MM. Thierry, commissaire-priseur, rue d'Aboukir, N° 26, Sylvestre, libraire, rue des Bons Enfants, N° 30, in-12, 15pp., 153 lots


- Catalogue delivres précieux de M.Bozerian Aîné

Paris, Sylvestre, libraire, rue des Bons Enfants, N° 30, 1811, Thierry, commissaire-priseur, rue d'Aboukir, No 26, la vente à lieu du 1er au 14 mars.


- Catalogue des livres imprimés et manuscrits des bibliothèques de MM.Pascal Lacroix et Boz. [Bozerian] l'Aîné parmi lesquels sont des manuscrits sur vélin avec des miniatures, des éditions de luxe du XVe siècle, beaucoup de classiques grecs et latins, des traités curieux et rares de littérature française et étrangère, de grands livres à figures, plusieurs beaux articles sur peau de vélin ; et quelques lettres autographes.

1er Novembre 1834 et jours suivants, rue des Bons Enfants, N° 30, maison Sylvestre, Me Drean, rue Lafitte, N° 5, distribué chez Bohaire, libraire boulevard des Italiens, N° 10


- Bibliothèque Bozerian, vente après décès ; (M. Jean Claude Bozerian Aîné, relieur-éditeur) d'une collection d'ouvrages sortis des ses ateliers, 1200 volumes éditions rares et curieuses, reliures, demi-reliures de tout genres, gravures à l'eau forte, au trait, avant la lettre, épreuves d'artistes.

La vente aura lieu les 8 et 9 Juillet 1846 au Haut-Fontenay, commune de Meslay (Loir et Cher), par le ministère de Me Peltereau, notaire à Vendome, imprimerie-librairie de Henrion, place d'Armes, N° 27, 1846


Quelques uns des livres édités par Bozerian


- Jean de La Fontaine-Adonis, poèmes [suivi des élégies], Paris, imprimerie de P.Didot l'Aîné, chez Bozerian, quai des Augustins, N° 33, l'an II des la République Françoise [1794], in-12


- Ch. Louis de Montesquieu-Le temple de Gnide [et Arsase et Isménie], Paris, imprimerie de Didot le Jeune, chez Bozerian, Quai des Augustins, N° 33, Déterville, rue du Battoir, N° 16, l'an troisième, 1794, grand in-8


- Ch. Louis de Montesquieu-Le temple de Gnide (suivi d'Astase et Isménie, histoire orientale), Paris, imprimerie de Didot le Jeune, chez Bozerian, An III [1795], in-8


- J.J Rousseau-Œuvres, Paris, chez Je. Cl. Boz., relieur, imprimé par P. Didot l'Aîné, au Palais National des Sciences et des Arts, AN X, 1801, 25 volumes in-12, les douze premiers sont datés, de cette édition il existe un tirage sur papier vélin ; à petit nombre d'exemplaires, portant une justification imprimée : N° de la présente édition imprimée seulement à 100 exemplaires, suivie de la griffe de la signature Je. Cl. Boz.



Réf :


(1) Jean-Joseph Tessier : relieur et doreur à Paris

(2) François-Paul Bradel : (1757-1827), marié à Catherine Jeanne Derome (ou de Rome), fut l'un des relieurs de son temps les plus réputés.

(3) Nicolas-Denis Derome : (1731-1790)

(4) Joseph Bisiaux (ou Biziaux ?) : relia des livres pour Mme de Pompadour

(5) Courteval : relieur installé rue des Carmes à Paris, s'établit à Paris en 1796 il fut actif sous le Directoire et le Consulat, il avait la réputation de tout exécuter lui-même.

(6) Redouté : (1759-1840) est un peintre wallon et français célèbre pour ses peintures de fleurs à l'aquarelle, et plus particulièrement de roses. Il est surnommé « le Raphaël des fleurs ».


Amitiés bibliographiques, Xavier


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